Par Soufiane BEN FARHAT On a de la peine à savoir si cela tient de la qualité des questions ou du propos de l'interviewé. Il est vrai que les questions contiennent les limites des réponses. Sauf que, interviewers invétérés ou pas, l'intervention télévisuelle du chef du gouvernement, M. Hamadi Jebali, avant-hier soir, était fort attendue. L'actualité riche en soubresauts et convulsions interpelle l'éclairage du chef de l'exécutif. Locaux ou à caractère international, les événements problématiques se superposent : crise, précarité et exclusion, aggravation des conflits liés au chômage, aux régions, aux disparités régionales et à la sécurité… Ces dernières semaines, la lame de fond contestatrice s'est amplifiée. L'exaspération citoyenne atteint des niveaux sérieux. Un peu partout, les nerfs sont à fleur de peau. Des heurts ont eu lieu, via des bandes autoproclamées en forces coercitives ou de gestion de la Cité et des bonnes mœurs de surcroît. On craint par moments le pire. Des groupes opposés seraient en train d'être mis sur pied. A l'échelle internationale, le déclassement de la Tunisie par Standard and Poor's invite à réfléchir. Avec une telle toile de fond, on escomptait la pertinence de l'intervention du chef du gouvernement. La situation est délicate. La réponse devrait être corsée, bien argumentée et décisive. Et surtout rassurante. Or, qu'en est-il au bout du compte ? Tout d'abord, l'interview a été diffusée en différé. Ce qui en dit long sur les prédispositions à l'endroit des médias. Le différé permet le contrôle du contenu a posteriori. Et le contenu proprement dit laisse à désirer. Des questions mièvres, voire timorées, caressant dans le sens du poil; des réponses évasives et stéréotypées; aucun recul autocritique, remise en cause ou annonce d'envergure. Le même ronron en somme. Avec, en prime, un large sourire primo-ministériel qui, à force d'être soutenu, devint figé. Les téléspectateurs ont vite déchanté. Ça y est, se dirent plus d'un, on se met à ressasser les mêmes crédos du premier responsable érigés en certitudes communes. On n'est pas sorti de l'auberge. Seul point fort et clair de l'intervention, les propos du chef du gouvernement à l'endroit des groupuscules salafistes. Il s'est vigoureusement inscrit contre leurs agissements semant la violence, la peur, les menaces et la terreur à tout vent. Et il a bien signifié que la patience à leur endroit a atteint ses limites. Concrètement, cela devrait signifier des mesures appropriées dans les plus brefs délais. Mesures non annoncées par ailleurs, ce qui pourrait se comprendre. Mais le ministre de l'Intérieur avait déjà tenu des propos similaires en février. Sans lendemain. Ce qui est incompréhensible. Concernant les pommes de discorde qui agitent la Troïka gouvernementale, M. Jebali s'est contenté d'arrondir les angles. Les attaques en règle des conseillers présidentiels contre le gouvernement ? Simple illusion à l'en croire. Idem sur la question fort controversée de l'extradition de Baghdadi Mahmoudi, ex-Premier ministre libyen. L'entente serait de mise là où le pervers jeu de poignards dans le dos est évident. Et dire que cette rencontre du 30 mai 2012 constitue la première du genre dans la série des rencontres périodiques prévues. Le chef du gouvernement a en effet annoncé des rencontres mi-mensuelles avec les médias audiovisuels. Or, il faut se fier à l'évidence. Avant-hier, on a raté le coche. A force de s'ingénier à vouloir noyer le poisson. Le chef du gouvernement s'est évertué à esquiver les questions qui fâchent. Et l'interview dans son ensemble a fini par s'apparenter à la chronique d'un non-événement. Seul constat visible, le chef du gouvernement a le bon moral. Cela tranche net avec les mines défaites et stressées d'autres hauts responsables. Les timoniers ne sont pas tous tristes ou déprimés. C'est déjà ça.