« La Tunisie des frontières : djihad et contrebande ». C'est le titre donné au rapport de l'International Crisis Group (ICG) paru le 28 novembre 2013. Il procède à l'analyse de la situation aux frontières tunisiennes et expose les raisons du développement de la contrebande. Pointant du doigt la montée de « l'islamo-banditisme, le rapport indique que le relâchement sécuritaire après janvier 2011 et la guerre en Libye ont généré une réorganisation des « cartels de la contrebande » sur les frontières. Dans les banlieues des grandes villes du pays, souligne le rapport, criminalité et islamisme radical tendent à devenir indissociables, et le phénomène gagne en ampleur. Pour l'ICG, la solution ne saurait être exclusivement sécuritaire, elle doit être également sociale et économique. Michaël Béchir, analyste à l'ICG, répond aux questions du Huffpost Maghreb. Il considère que le relâchement sécuritaire est à associer à une démocratisation de la contrebande et à une réorientation du commerce ainsi qu'à une recomposition du milieu où les intermédiaires se sont promus en boss. L'intensification du trafic a été favorisée, a-t-il dit, par l'absence de contrôle aux frontières ouest, alors que la guerre de Lybie et sa décomposition a contribué au passage massif d'armes. L'analyste évoque le cas de gros cartels du sud du pays, lesquels, se chargeaient du contrôle des frontières dans le cadre d'un contrat tacite avec le gouvernement. Ces gros cartels se sont départis de leur rôle, a-t-il expliqué, suite à la résiliation de ce pacte et conséquemment aux frustrations économiques et sociales ressentis par ces cartels. Michaël Béchir souligne, par ailleurs, que sous Ben Ali cet accord permettait de maintenir la paix sociale dans ces contrées marginalisées et que la contrebande offrait des sources de revenus qui compensaient le manque d'investissements tout en freinant l'exode rural. Cependant, nuance-t-il, l'Etat tout en tolérant ces activités se doit d'imposer un contrôle, laquelle aujourd'hui n'existe plus. Pour l'analyste, il faudrait remettre à l'ordre du jour le pacte qui existait du temps de Ben Ali. Il préconise que les accords se fassent au grand jour et que l'on doive discuter de la possibilité de création, dans ces régions, de zones franches, de zones de libre-échange qui permettraient le développement d'infrastructures. Il s'agira, dit-t-il, de restaurer la confiance des habitants des régions frontalières pour qu'ils aillent vers l'Etat et non vers les djihadistes, La méfiance des habitants des frontières envers l'Etat contribuent au renforcement des capacités de nuisance de ces djihadistes qui pourront « acheter » les habitants, voire travailler avec eux. L'analyste souligne que la polarisation politique en Tunisie, accentuée par le contexte régional, empêche la planification à long terme et conduira à une explosion de violences.