Dans l'interview qu'il a accordée au HuffPost Maghreb, Michaël Béchir Ayari, l'analyste principal pour la Tunisie à l'International Crisis Group (ICG) a indiqué à propos de la contrebande qui sévit aux frontières tunisiennes et son rapport organique avec le djihad et l'islamo-banditisme qu'il ne s'agit nullement d'interdire les activités des contrebandiers mais plutôt de les réguler en remettant en place le pacte implicite en usage à l'époque de Ben Ali. Parlant du phénomène de l'islamo-banditisme, il a soutenu que ce dernier fleurit dans les zones périurbaines et les anciennes agglomérations ouvrières où le chômage est élevé et où la présence du salafisme djihadiste est prépondérante. Au départ de Ben Ali la conversion au salafisme a été spectaculaire mais pas seulement au salafisme quiétiste. Les anciens indics et les jeunes trafiquants de l'ancien régime ont commencé à porter barbes et l'arrivée des gens libérés de prison ont gonflé les rangs d'une manière anarchique. L'identité salafiste a été alors utilisée pour couvrir des actes criminels. Des pseudo-salafistes ont au final réussi à s'accaparer la gestion des quartiers, à créer des milices à l'intérieur et à prendre en main les petits trafics. Si bien qu'au final personne ne sait qui est qui et qui fait quoi et au profit de quelle partie. Le danger, précise l'analyste, est qu'à terme et si l'affaiblissement de l'Etat se poursuit, une connivence pourrait s'établir entre djihadistes et contrebandiers des frontières, matérialisée par une montée en puissance des djihadistes dans les filières de contrebande transfrontalière. L'Etat tunisien, fragilisé, semble être dépassé. C'est selon M. Ayari, propre à toutes les périodes postrévolutionnaires dans le monde. Mais concrètement, souligne-t-il, l'Etat a encore les moyens de résoudre ces problèmes. Car, argue-t-il, la Tunisie n'est ni la Libye ni l'Egypte ; cependant, si rien n'est fait, l'Etat va s'affaiblir réellement, et là, il va y avoir une explosion de violences. M.BELLAKHAL