C'était un peu prévu mais on ne voulait pas tout de même se l'avouer : le dialogue national ne s'est pas terminé comme on le souhaitait vraiment. Le basculement vers le vote à la place du consensus est un échec en lui-même qui ne dit pas son nom. Il n'était point prévu de recourir au vote, mais les arrières pensées, petits arrangements entre amis, manœuvres et autres esquives ont conduit fatalement à cette inflexion ultime. Nous sommes le 14 Décembre 2013, les partis ne se font ni cadeaux ni confiance recourent au vote. Une quasi-faillite de l'opération de sauvetage, on connaît la suite… Malgré les énormes efforts qu'a fournis le quartet, l'échec était prévisible parce que le dialogue national, ainsi configuré, contenait dans ses mécanismes un paradoxe de poids. Celui d'endosser au quartet le rôle de médiateur ; un honnête homme, gentil, qui veut plaire et se rendre utile. Pourtant, le quartet savait pertinemment qu'il ne réalisera pas le consensus entre des parties aux antipodes, et d'ailleurs, tout le monde le savait. D'autres part, les partis politiques, égoïstes, individualistes et opportunistes à souhait, ont tout fait, d'emblée, renforcés qu'ils sont, par un sentiment de supériorité à l'infini, et illusoire par ailleurs, pour amoindrir voire ridiculiser le poids du quartet. Curieusement, le quartet qui jouit d'une représentativité écrasante auprès de la population, à laquelle les partis ne peuvent pas prétendre et qu'ils n'auront probablement jamais, s'est laissé faire. Curieusement aussi, il a accepté et s'est contenté du carré limité et sans plus qu'on le lui offrait. La méthodologie était sans doute erronée dès le début. Il était, en effet, impossible de trouver et se résoudre à un équilibre stable et durable entre le petit rôle de médiateur d'une part et l'énorme poids que représentait le quartet dans le pays d'autre part. La crise politique qui sévissait nécessitait une configuration plus immense qu'une simple médiation d'où un impératif urgent à la révision profonde du rôle du quartet afin qu'il soit à la hauteur et en équilibre avec ce qu'il représente réellement dans le pays, et en adéquation avec la représentativité des partis qui, elle, reste très limitée auprès de la population. Bon gré, mal gré, ce n'est pas le culot qui leur manque à ces partis : Ils ont attiré et piégé le quartet dans un guet-apens politico-politique dont les principaux axiomes étaient leurs agendas et objectifs individualistes et égoïstes. Un autre élément a aussi joué un grand rôle dans la dérision et la perversion du dialogue national : L'inamovible assemblée nationale constituante (ANC). Elle a perdu de part son arrogance et sa fuite en avant, toute crédibilité auprès de ces électeurs et pourtant elle continue ses travaux comme si de rien n'était. Le peuple a élu l'ANC exclusivement pour l'élaboration d'une constitution, et l'ANC s'est attribuée le pouvoir législatif sans que personne ne le lui demande et n'a pas présenté, de surcroît,-comble de l'ironie et de l'arrogance- de constitution à ces électeurs jusqu'à aujourd'hui. Elle a complètement échoué dans son rôle. Le peuple a perdu toute confiance en cette assemblée. Le paradoxe tunisien, c'est une assemblée de 217 membres qui snobe, nargue et met devant le fait accompli 11 Millions de Tunisiens. Le résultat mitigé voire pâlichon du dialogue n'amoindri pas, pour autant, le rôle du quartet et de la société civile en général. Au contraire, il renforce le quartet et lui ouvre la voie grande ouverte, après l'installation du nouveau gouvernement, à jouer un rôle historique, prendre une position forte et mettre l'ANC devant sa responsabilité : soit elle termine la tache pour laquelle elle a été élue et se dessous après l'achèvement du travail, soit elle annonce son échec. En ce qui concerne le prochain gouvernement, le quartet doit veiller à ce que les ministres nommés soient vraiment indépendants, compétents et au delà de tout soupçon. En outre, il doit être le rempart contre toute éventuelle perversion ou détournement de la feuille de route, il doit exiger la révision des affectations partisanes qui ont atteint 11000 jusqu'à aujourd'hui selon nos sources -et le décompte est encore en cours-, la dissolution des ligues de protection de la révolution, la neutralité des mosquées, la révision des prix et de l'inflation, la révision du budget et de la loi des finances 2014 et continuer ainsi, sans ralentir d'un iota la cadence, jusqu'à parvenir aux échéances électives. Là aussi, le quartet doit être vigilent quant aux tentatives de fraudes qui vont pulluler. Quoi qu'il en soit, le rôle du quartet doit survoler celui des partis politiques, qui ressemblent plus, dans la mosaïque politique actuelle à des sectes qu'à des représentants du peuple. Il ne doit pas se laisser piéger encore une fois par ces partis ni s'abaisser à leurs niveaux de querelles, disputes et invectives de bas étage. Il est certain que pendant la prochaine étape, les partis vont continuer leurs éternelles querelles et prises de bec, futiles aux yeux de l'opinion publique mais tellement utiles à leurs yeux, s'acharnant à se différencier pour arracher une place au soleil, loin des préoccupations réelles du citoyen, trahissant, au passage, les intérêts de la population. Normal me direz vous! « On ne change pas une équipe qui perd ».