Par Abdelhamid GMATI «Nous sommes désormais en guerre contre le terrorisme ». C'est ce qu'a affirmé le président de la République, au mois de mars dernier, au lendemain de l'attentat terroriste contre le musée du Bardo. Et il avait tracé la marche à suivre, à savoir l'unité nationale, les réformes et la réconciliation nationale. S'en étaient suivis des marches de dénonciation du terrorisme, des soutiens internationaux et l'adoption du slogan « Je suis Bardo ». Qu'en est-il resté ? Seuls les militaires et les forces de sécurité restaient mobilisés et faisaient la chasse, avec succès, aux terroristes et à leurs cellules dormantes. Puis, avant-hier, lors de l'attentat terroriste à Sousse, Béji Caïd Essebsi réitère ses affirmations : « Nous ne cessons de dire et de répéter que la Tunisie est en guerre contre les terroristes. Cette guerre ne concerne pas seulement la police et l'armée qui ont déjà payé un lourd tribut car elles sont à chaque fois visées. Aujourd'hui, il faut dire très clairement que cette guerre concerne tout le peuple tunisien ». Et de nouveau, il fait appel à l'unité nationale. Fait nouveau : il annonce des mesures « douloureuses mais qui sont désormais nécessaires ». Et, à son crédit, il reconnaît : « Nous avons mis du retard à prendre ces dispositions pour éviter certaines situations mais nous le ferons maintenant ». A-t-il été entendu, cette fois ? Le chef du gouvernement, Habib Essid, annonce 12 mesures urgentes, dont : recevoir tous les partis politiques, et ce, afin de leur faire part de l'importance de l'unité nationale dans les circonstances actuelles. Appel à l'armée de réserve afin de renforcer la présence sécuritaire dans les zones à risque. Prise des mesures nécessaires contre tous les partis et associations œuvrant contrairement aux principes de la constitution. Révision du décret relatif aux associations, notamment en ce qui concerne la nature et les moyens de leur financement... Cela annonce-t-il la fin de cette la procrastination, qui a fait que le gouvernement a temporisé, remettant à plus tard les mesures nécessaires au rétablissement de l'autorité de l'Etat ? Les soutiens à la Tunisie ont émané de plusieurs pays. Et les réactions tunisiennes ? Le mouvement Ennahdha organise des manifestations pour dénoncer le terrorisme. Nida Tounès fait des propositions concernant des « comités populaires ». Un dirigeant du parti Al Joumhouri estime que le discours de BCE est « diviseur » et demande que son parti soit consulté et puisse contribuer à la prise de décision dans la lutte contre le terrorisme. Un dirigeant du CPR lance un appel au chef du gouvernement pour tenir un congrès national en vue de mettre au point une stratégie contre le terrorisme. Ces deux partis, ex-membres de la Troïka, et balayés par les électeurs, ne se préoccupent que de la possibilité de revenir au-devant de la scène. Ridha Belhaj de Hizb Ettahrir, qui brandissait publiquement le drapeau noir des terroristes, estime : « Si l'Etat est incapable de protéger la Tunisie et les Tunisiens, qu'il parte ! ». Son rêve, lui qui veut détruire l'Etat tunisien pour établir un Etat islamique. D'autres dirigeants de parti, comme Mohamed Abbou, Tarak Kahlaoui, Ali Laârayedh, préconisent tout simplement d'établir des relations avec Fajr Libya, une organisation considérée comme terroriste, constituée par des milices armées islamistes et qui adopte des méthodes terroristes (kidnapping de nos diplomates au consulat à Tripoli). Le gouvernement serait avisé de tenir compte de cette réalité, à savoir que certains ne sont pas encore convaincus que le pays est en guerre. Pour eux, les actes terroristes semblent être une aubaine pour décrocher un petit siège et faire avancer leurs agendas, souvent étrangers aux intérêts de la Tunisie. On ne fait pas la guerre dans les salons. Une guerre est un acte de violence, et les ennemis ne viennent pas avec des roses à la main mais avec des armes et ils tuent indifféremment tout ce qui est sur leur chemin. La principale caractéristique de cette guerre contre le terrorisme est qu'elle est sanglante et comporte la destruction de vies humaines. Il ne faut donc pas être naïf. BCE a aussi dit que « la Tunisie ne peut faire face seule à la menace jihadiste et une stratégie ‘‘globale'' doit être mise en œuvre ». Certes, le terrorisme a frappé d'autres pays. Mais là aussi, il ne faut pas être naïf. Car ces organisations terroristes ont été créées pour servir des desseins précis et leurs géniteurs tiennent toujours à leurs objectifs. Est-il normal que les puissants de ce monde ne parviennent pas à éliminer Daech, qui ne compte que 30 à 40.000 combattants ? On nous dit que l'attentat de Sousse a porté un coup fatal à notre tourisme. Certes, et c'est déplorable. Mais le tourisme ne représente que 7% de notre PNB. N'est-ce pas là une occasion de se préoccuper des 93% restants ? Que l'on relance le phosphate, les industries chimiques, mécaniques, textiles, manufacturières, le pétrole et les énergies renouvelables, les services, l'agriculture, la pêche... C'est à ce niveau, aussi, que le gouvernement devrait agir : remettre les Tunisiens, tous les Tunisiens, au travail. Y compris les réfractaires de l'Ugtt et les « frileux » de l'Utica. Cela appartient aussi à la « guerre totale » que nous voulons pour sauver le pays.