La députée Bochra Belhaj Hmida a tenu à clarifier les choses. « Le président du bloc parlementaire du parti Ennahdha parle au nom du peuple tunisien, or nous sommes tous représentatifs des Tunisiens et aucun parti politique ne peut accaparer ce rôle et s'arroger le droit de parler au nom de tous les Tunisiens » Le temps n'est plus aux concertations ni aux déclarations édulcorées pour le parti Ennahdha à l'approche des élections législatives et de la présidentielle. Quoiqu'en baisse dans les sondages portant sur les intentions de vote publiées au début du mois de mai dernier, le président de son bloc parlementaire, Noureddine Bhiri, parle comme d'une « majorité acquise » au profit de son parti lors de la prochaine législature et qui ne laissera pas passer le projet de loi sur la parité successorale. Lors de son passage sur les ondes d'une radio privée le 2 juin, il a souligné en substance que ce projet ne passera pas. « L'opposition à ce projet aura tendance à s'élargir lors du prochain mandat parlementaire. Je ne crois pas que les élus du parlement voteront un projet de loi contraire aux préceptes de la religion », ajoute-t-il. Le projet se heurte donc à la sacralité du texte coranique sur fond, disons-le clairement, d'instrumentalisation de la religion et de récupération partisane de la part d'Ennahdha qui prend toujours les prêches religieux pour des discours politiques. Contactée à ce sujet, la présidente de la Commission des libertés individuelle et de l'égalité (Colibe), la député Bochra Belhaj Hmida, reprend un vieil adage en guise de commentaire aux propos de Noureddine Bhiri. « Celui qui ferait des comptes tout seul n'en viendrait point à bout ». Nous avons la majorité, mais en raison de l'absence des députés et la campagne électorale avant terme, il est difficile de faire passer le projet de loi sur l'égalité successorale lors de ce mandat. D'ailleurs, toutes les lois sont en train d'être retardées vu l'absence des députés. « Toutefois, je suis convaincue qu'on finira par adopter cette loi et beaucoup plus tôt que prévu par Monsieur Bhiri. La majorité des parlementaires sont pour le projet en question», nous fait-elle savoir. La députée Bochra Belhaj Hmida a tenu à clarifier les choses. « Le président du bloc parlementaire du parti Ennahdha parle au nom du peuple tunisien, or nous sommes tous représentatifs des Tunisiens et aucun parti politique ne peut accaparer ce rôle et s'arroger le droit de parler au nom de tous les Tunisiens ». Les uns se référent à la sacralité du Coran ainsi qu'au premier article de la Constitution (la Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain, l'Islam est sa religion) et les autres à l'article 2 (la Tunisie est un Etat civil, fondé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit). Deux articles annonçant un dilemme cornélien et limitant les frontières du clivage entre des parties défendant bec et ongles l'Etat civil et d'autres agrippées à un Etat qui se réfère, bizarrement, à la religion quand il s'agit d'égalité entre homme et femme seulement en matière d'héritage. En effet, au fil des siècles passés, plusieurs règles de la loi coranique (la charia) ne sont plus appliquées, à l'instar de la loi du talion, les châtiments réservés au voleur et aux personnes qui commettent un adultère, la polygamie. Pourquoi donc s'obstiner à n'appliquer que certaines règles se rapportant à la parité successorale. L'enjeu est tout autre, révèlent des spécialistes en islamologie, il relève surtout d'un pouvoir économique à préserver et du risque de chambardement d'un patriarcat multiséculaire excluant l'égalité entre homme et femme. Bourguiba a-t-il subi des pressions ? Si on s'attache beaucoup plus à l'immuabilité de certains textes se rapportant à l'héritage et on ferme les yeux sur d'autres, c'est parce que les enjeux sont plus importants pour ce qui est de la parité dans l'héritage dans les sociétés arabo-musulmanes marquées par le patriarcat. C'est un enjeu de pouvoir économique auquel s'accrochent notamment les Etats du Golfe, fait savoir une source diplomatique. Tout le monde se rappelle le refus de Bourguiba au début des années 80 de changer le Code du statut personnel pour instaurer l'égalité successorale. Toutefois, les motifs du refus de Bourguiba, ou plutôt de son désistement, se rapportaient, selon la même source, aux pressions exercées par le roi de l'Arabie Saoudite à cette époque. On ignore les détails de la rencontre de Bourguiba avec le roi saoudien à ce sujet, mais il incombe aujourd'hui à nos historiens de fouiller dans la mémoire du passé pour nous livrer la part de vérité et lever le voile sur les vraies raisons qui ont conduit Bourguiba à faire volte-face, lui qui n'a pas hésité un instant à mettre fin à la polygamie.