La bataille pour l'égalité des droits successoraux entre les deux sexes risque d'être longue car les religieux restent tenaces sur la question de l'héritage Dans le monde arabe, la Tunisie est régulièrement considérée comme pionnière en matière de droits des femmes. Abolition de la polygamie et de la répudiation, instauration du divorce judiciaire, voilà quelques-uns des acquis introduits en 1956 par le «CSP», le Code du Statut Personnel. Un code qui a subi un amendement en 2008 notamment l'article 56 qui consacre le droit au logement de la mère ayant la garde de ses enfants. A l'époque, cette série de lois progressistes est apparue comme une «avancée incroyable» pour la femme. Après la révolution, la parité homme-femme en politique a été une question ardue à l'Assemblée constituante. Les progressistes ont bataillé fort pour l'imposer et les conservateurs ont dû, à leur tour, via les représentants du peuple accepter la nouvelle donne. Ainsi, l'article 45 de la Constitution garantit l'égalité des chances dans l'exercice des différentes responsabilités Il reste la question de l'héritage à laquelle les religieux sont tenaces. Pour eux, l'égalité dans l'héritage face est prescrite par la Chariaâ. Le Mufti de la République, Othman Battikh, est intransigeant sur le sujet. Selon lui, pas question de consacrer le principe d'égalité des droits successoraux entre les deux sexes, et ce, en faisant allusion au projet de loi proposé par le député Mehdi Ben Gharbia sur cette initiative. D'après le mufti, le texte coranique a tranché définitivement cette question dans le 11e verset de Sourat An-Nissa : «Voici ce qu'Allah vous enjoint au sujet de vos enfants: au fils, une part équivalente à celle de deux filles». Un dossier dont les religieux et les conservateurs ne veulent plus entendre parler de peur des actes de représailles que peuvent mener les extrémistes religieux et l'ire de certains pays arabes pouvant mettre à l'index la Tunisie et l'accuser d'être un Etat mécréant qui n'applique pas la Chariaâ. Tout ceci pour dire que la bataille pour l'égalité des droits successoraux entre les deux sexes risque d'être longue mais le jeu en vaut bien la chandelle. Le principe d'égalité entre l'homme et la femme des droits successoraux est l'ultime bataille à gagner, mais faut-il aussi reconnaître qu'elle est la plus ardue, pour qu'on puisse parler réellement d'égalité. Tant que cette question ne sera pas tranchée, la femme restera amputée d'un droit fondamental auquel elle a complètement droit d'autant plus qu'elle représente aujourd'hui 30% de la main-d'œuvre et 52% d'entre elles participent aux dépenses familiales. Le principe d'égalité entre l'homme et la femme dans les droits successoraux ne compromet en rien le texte coranique si l'on tient compte du principe de séparation entre religion et vie politique et que le modèle de société et de gouvernance adopté après la révolution permet de laisser la liberté de choix sur le mode du partage successoral. Mais faut-il une loi qui s'adapte à la nouvelle réalité que vit la société tunisienne ? Il faut dire que si le projet de loi sur la consécration du principe d'égalité des droits successoraux entre les deux sexes, déposé le 4 mai 2016 et signé par 27 députés des différents groupes parlementaires à l'exception du mouvement Ennahdha, trouve un plus large écho à l'Assemblée du peuple, cela pourrait être une nouvelle pierre à l'édifice des droits de la femme. Les réticences sont, en effet, nombreuses, mais il y a lieu de compter sur l'intelligence des députés surtout femmes pour garantir le succès de cette proposition soutenue par ailleurs par un grand nombre de citoyens que nous avons contactés et qui trouvent tout à fait injuste que la femme soit lésée dans ses droits à l'héritage.