Le constat d'une identité en danger qui s'accroche à ses vieux artisans Youcef Akrout, Baya Ben Miled, Inès Bousseta, Youssef Trifa, Syrine Chaïbi, Amine... ce n'est pas la liste de résultat du Baccalauréat, mais c'est la majorité des lycéens du Lycée Pierre-Mendès France qui se sont promenés dans les dédales de la Médina pour pérenniser la mémoire de la Tunisie... lieu inscrit depuis 1979 sur la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco. Ils ont douze plumes à la main et pour compagnons des appareils photo qui se sont aventurés dans les profondeurs de la Médina. Ce projet a été encadré par plusieurs professeurs du lycée dont Loquay Damien, enseignant d'histoire-géo et photographe à ses heures. Sociologues, philosophes, dont Laurent Luquet, ont aidé ces élèves à capter les moindres fluctuations de la Médina et à écouter sa voix. «Un travail, nous dit Monsieur Loquay, sur la mémoire de ce lieu culte et une approche croisée pluridimensionnelle. Apprentissage des techniques de la photographie, mise à niveau et formation et le tour est joué. La Médina a été pérennisée. Plus belle que jamais, elle apparaît dans ses meilleurs apparats. Zoom sur les toits, regard d'un enfant, balade dans des ruelles exiguës mais ô combien suggestives qui montrent les souks propres, nets et on ne peut plus fascinants. Une femme au safsari, notre habit traditionnel, s'empresse de traverser une ruelle dans la pénombre. Un enfant joue sur le toit d'une maison et puis ces artisans captés en plein travail. Un fabricant de chéchia ou de babouche. Tous témoignent d'une Médina qui comme l'ont écrit les élèves créateurs en pleine interrogation sur son identité, puisqu'on retrouve même un vendeur de contrefaçon ou un fabricant d'instruments de musique, converti en marchand de senteurs traditionnelles... côte à côte, avec des parfums venus d'outre-mer. Un contraste, écrivent les lycéens dans leur texte à la plume magique, tous ces adolescents dans un souk qui perd de plus en plus son savoir-faire traditionnel. Depuis des années, les souks ne sont plus classés par corps de métier, tous les vendeurs se côtoient : bijoutiers, créateurs de chéchia, d'où la suppression malheureuse de l'identité de ces lieux. Et pourtant, ajoutent ces élèves qui ont même interviewé les riverains, ces lieux bénéficiaient d'une aura et d'un respect de grande envergure. Malheureusement, l'esprit de la Médina symbole de la mémoire d'un peuple est composé désormais de simples vendeurs. Les photos se succèdent mais ne se ressemblent pas, elles obéissent à une technique qui fait montre d'une grande maturité. Une mosquée penchée telle la tour de Pise. Une vieille baignoire puis les barbelés, symbole de l'après-révolution. Les captures sont belles et parlantes. Elles sont en mouvance, pas du tout statitques, on croit entendre le doyen de la «birka», le souk des bijoux, parler. On a envie de se hasarder dans les dédales de la Médina et les artisans, on les voit bouger affairés... tout en sueur. Aucun détail n'échappe à l'appareil photo de ces photographes en herbe mais qui font montre d'une maturité presque effrontée. Puis une porte belle et imposante attire le regard. Au club Tahar Haddad, il y a foule : jeunes et moins jeunes sont venus bercés par la nostalgie de redécouvrir les profondeurs de la Médina pérenniseés, indélébiles et captées dans leur état naturel. On ne ressent aucune prétention à travers ces photos qui rendent aux souks leur prestige... On aime à les voir caresser notre regard. A la sortie, on éprouve l'envie de se hasarder dans les dédales de la Médina, dans ses belles rues piétonnes. Dar El Jeled, El Diwan, des restaurants prestigieux, rénovés par la famille Abdelkafi, au style traditionnel, accueillent d'éminents hommes d'affaires ainsi que des politiciens, de tout bord, écrivent les élèves du lycée Mendès-France de Tunis qui ont même fait une visite dans une école religieuse riche en secrets qui abritait les activités des mouvements nationalistes. La Médina, mémoire vivante, un musée figé par les appareils photos des adolescents, s'impose et invite les regardants à se réconcilier avec cette Médina qui abrite différentes classes sociales. Ruelles étroites, tortueuses dégagent une atmosphère particulière, une belle senteur et plusieurs contrastes... Récits et photographies sont les témoins vivants, ils reflètent l'authenticité des lieux. «On est loin des clichés ou des simples photographies de cartes postales», on s'approfondit dans les méandres de la Médina et l'on pérennise ses moindres fluctuations... Les élèves ont capturé les souks en mouvance, en ébullition... Ils ont séduit le regard par leurs photos... et ont écrit avec leurs plumes les secrets que cache ce lieu étincelant. Une belle balade dans les souks avec le constat d'une identité en danger qui s'accroche à ses vieux artisans.