Sous l'égide de l'ambassade d'Argentine en Tunisie, a eu lieu le vernissage de l'exposition photographique «Buenos Aires», le 18 mai 2013 qui se poursuivra jusqu'à la fin du mois à la galerie municipale Hédi Turki, Sidi Bou Said. Soixante et onze photos prises dans plusieurs endroits de la capitale Buenos Aires, nous invitent à découvrir la beauté de cette ville sud américaine où se consument la joie et la peine aux essences indéfinissables. Le photographe Facundo de Zuviria a à son actif maintes expositions en Amérique Latine et en Europe. Il a collaboré avec divers journaux et magazines argentins et internationaux. Entre 1989 et 1991, il a dirigé dans la fondation «Antorchas»le projet de récupération et de sauvegarde du patrimoine photographique de l'Argentine aboutissant à la création d'une photothèque nationale. Il s'intéresse de plus en plus à la photographie d'architecture et d'intérieur.Le regard du photographe capte un moment bien précis de la réalité puis le module par son appareil photo qui le fige pour toujours dans l'intemporalité de l'œuvre d'art. Il projette le spectateur dans un effet de flash-back à travers le noir et blanc des constructions, des objets fétiches et des visages photographiés à l'improviste, sans méditation car l'imprévu et l'impensé, semble-t-il, est ce qui attire le plus l'attention de l'artiste. Le temps : Toutes vos photos sont centrées sur le paysage urbain, pourquoi cet intérêt pour le milieu citadin ? Facundo de Zuviria : depuis que j'ai commencé ce métier, c'est la ville qui me tient à cœur parce que c'est là où les grands enjeux pourraient avoir lieu. Je veux dire, toutes les contradictions qui intéressent l'artiste que je suis. *Cette contradiction est nettement mise en valeur par la prise en photos des lieux dits chics et d'autres populaires ? -Tout à fait, c'est la ville de Buenos Aires qui offre cette diversité architecturale. Les façades des anciennes Eglises à la gothique, des palais et des ports font partie d'une esthétique urbaine propre à cette ville et son histoire que j'ai essayé de photographier entre 1980 et 2006, à ma façon à moi. *Cette remontée dans le temps est-elle la raison pour laquelle vous avez opté pour le noir et blanc ? -Oui, j'ai une prédilection pour le noir et blanc car le langage photographique met en relief les formes et définit la géométrie de leur espace grâce à ces couleurs qui figurent aussi de l'irréel. De même que, ces deux couleurs font baigner l'image dans une atmosphère cinématographique en insistant surtout sur le jeu des reflets à travers les vitres des fenêtres et les miroirs des boutiques photographiées. *Les titres donnés à plusieurs photos comme ''Attente dans le portique, Eglise San Telmo, 1988''et‘'La Place de Mai, 1995'' témoignent de cette tendance à ‘'historiser'' les deux facettes de Buenos Aires : l'urbaine et la populaire ! -En fait, je ne peux pas nier une tendance à enregistrer, voire figer le lieu ou l'objet photographiés sans toutefois avoir vraiment l'intention d'un travail documentaire. Car ce figement est une manière de conserver la mémoire collective telle quelle sans modification ni retouche. Je parcours les grands quartiers de la capitale non pas à la quête de quelque chose à photographier mais à la recherche d'une inspiration. C'est surtout dans ‘'Villa Soldati'',le quartier populaire le plus connu à Buenos Aires que je me retrouve artistiquement le plus à l'aise. *Effectivement, j'ai remarqué plusieurs photos prises dans ce quartier dont l'une s'intitule ''La porte et l'ombre, quartier de Villa Soldati, 1984''. L'ombre de l'arbre reflété sur le mur gratté d'une vieille maison dont la porte est également vieillotte, rappelle nos vieilles maisons. Un tel parallélisme est-il possible quoique l'architecture sud américaine soit différente de l'arabe ? - Bien entendu, l'architecture de l'Amérique Latine est différente de l'arabe, j'ai remarqué en visitant les ruelles de la médina de Tunis et les quartiers populaires ; une partielle ressemblance entre quelques maisons dont l'architecture est ancienne et les nôtres. Mais ce qui m'a impressionné dans les villes que j'ai visitées à part la médina, comme Tozeur et Kairouan, les ruelles et les détours car chez nous, la rue est bâtie tout droit, s'étalant sur plusieurs kilomètres sans qu'il y ait de tournant. J'ai vu cela aussi au Maroc et en Egypte. Il m'est important de signaler que ce qu'il y a de plus remarquable à mes yeux ici pour un artiste est la lumière, elle est forte et intense. Présent et passé rebasculent par l'intermédiaire de la sensation photographique, révélant une appartenance à une ville représentée en miniature dans cette exposition. Pas d'étanchéité entre les différents décors urbains dont les formes linéaires et discontinues des édifices, est un voyage dans le labyrinthe architectural de Buenos Aires.