Au bout d'un ballet de rencontres et de concertations qui ont duré plus de 10 jours avec les partis politiques de la coalition au pouvoir et le président de la République, Wided Bouchamaoui, présidente de l'Utica, a fini par rendre sa copie : une feuille de route d'une durée d'une année pour sauver l'économie. Mais à condition que les grèves et les mouvements sociaux cessent. En contrepartie, Wided Bouchamaoui et ceux qui ont apposé leurs signatures sur son initiative «une année pour sauver l'économie du pays» s'engagent à améliorer, au terme de l'année, le pouvoir d'achat des travailleurs selon le taux de croissance réalisé. Plus encore, et pour que la paix sociale se réinstalle dans le pays en guerre contre le terrorisme jihadiste, « ceux qui feront obstruction au travail seront criminalisés». En plus clair, Habib Essid ne sera plus obligé de leur prélever quelques jours de leur paie, c'est l'Etat qui les prendra en charge parce qu'il va les accueillir dans ses prisons déjà bondées et que Mohamed Salah Ben Issa, ministre de la Justice, voudrait voir se multiplier ou au moins y construire de nouveaux pavillons. Et à lire les différentes dispositions contenues dans la feuille de route de l'Utica, on a le sentiment que ses concepteurs ont tout prévu sauf la réponse de l'Ugtt donnée au partenaire incontournable de tout projet ou programme d'avenir. Notre affirmation est d'autant plus plausible que Wided Bouchamaoui et Houcine Abbassi, secrétaire général de la centrale ouvrière, ont constitué un merveilleux tandem de compréhension, de courage et d'audace quand le pays menaçait de s'installer dans le chaos et que la défunte Troïka manœuvrait au vu et au su de tout le monde pour que le Dialogue national lui octroie les assurances qu'elle exigeait et qu'elle a fini par arracher. Aujourd'hui, il semble que le divorce est consommé entre la place Mohamed-Ali et la cité El Khadra et on est revenu, paraît-il, au discours conditionné dans lequel on reconnaît que le pouvoir d'achat des travailleurs est dans ses plus basses échelles et parallèlement, on fait des promesses pour l'améliorer mais à condition que le taux de croissance qui sera lancé au bout de «l'année blanche en grèves et agitation syndicale» le permette. Dans le cas contraire, on continuera à exiger des travailleurs davantage de sacrifices. Parallèlement, on aura terminé de peaufiner la fameuse réconciliation économique qui permettra aux investisseurs et hommes d'affaires tunisiens hésitants ou menacés de poursuites judiciaires de se débarrasser de leurs dossiers compromettants et de réintégrer s'ils le veulent le monde de l'investissement et des affaires. Le projet est très ambitieux dans la mesure où il permettra au pays de décoller réellement. En attendant, l'Utica prône la création d'une «haute instance de l'inclusion économique et sociale», la mise en place d'un «système de gouvernance sociale d'exception pour une année» et la création de fonds spéciaux de lutte contre le terrorisme. Un beau programme, ambitieux et multidimensionnel ! Mais, la concrétisation de ce programme commande plus d'une année comme le veulent ses auteurs.