Rares sont les joueurs qui s'imposent dans un club, dans le cadre d'un prêt entre clubs huppés. Mais pour le cas précis de Saber Khélifa, il faudrait bien une page entière pour comprendre le phénomène. Sacré Sabergoal ! «Le bonheur est dans le prêt». Combien de fois a-t-on lu ce jeu de mots en période de transferts? Chez nous, l'exemple même d'un prêt payant s'appelle Saber Khelifa. Un joueur dont la cure de jouvence au Club Africain a permis au club de Bab Jedid de renouer avec les sacres. Mais la maxime se vérifie-t-elle pour les nombreux joueurs qui reviennent de prêt et gonflent par là même les rangs des clubs qui ne veulent plus forcément d'eux? Le modèle de prêt a-t-il évolué ces dernières années? Peut-on dessiner le portrait-robot du joueur prêté (la tendance actuelle) ? Car s'il restait encore marginal à l'orée des années 90, le prêt de joueurs s'est par la suite considérablement développé afin de surtout permettre aux clubs formateurs de laisser s'aguerrir leurs joueurs encore un peu tendres pour intégrer l'équipe A. En Tunisie, vers le début de ce siècle, la concurrence de plus en plus accrue des gros budgets et la nécessaire rigueur économique (ça se discute) ont placé le modèle de prêt au cœur de la stratégie des clubs tunisiens dont la plupart luttent pour leur survie. Puis, ces cinq dernières saisons, la nécessité pour les dirigeants de contrôler la masse salariale a contribué à une augmentation continue du nombre de joueurs prêtés par les clubs de D1. Exigences sportives et nécessité économique ? Cette «explosion» du volume des cessions sous forme de prêt relève d'une nécessité plus sportive qu'économique. Ça, c'est la tendance macroéconomique. Car, pour corroborer cette évaluation, il est instructif de se pencher sur les destinations phares de ces joueurs (le côté microéconomique). Ce faisant, on note une nette hausse de la part des prêts intra-Ligue 1 en hiver, confirmant que le prêt hivernal relève essentiellement d'une logique sportive et répond à un besoin urgent du club acquéreur (transfert à la hâte). D'ailleurs, lors des trois dernières saisons, la plupart des joueurs qui ont changé de maillot en janvier ont eu un temps de jeu significatif dans leur nouveau club. Abbès, transfuge du CSS, a débarqué au ST. Le Clubiste Ala Marzouki est passé au Bardo et la liste est longue... La politique de ses moyens Autre élément frappant, les destinations les plus prisées lors de la fenêtre estivale sont les divisions inférieures (L2). Cela relève ici à la fois d'une logique de poursuite de la formation (moyenne d'âge plus jeune) et d'impératifs économiques (recherche d'une rationalisation de la taille des effectifs). Cette tendance est facilement vérifiable pour les prêts intra-muros (entre clubs tunisiens). Car pour les départs vers l'étranger, s'ils sont minoritaires, ils s'inscrivent dans une démarche inverse de la précédente. Ce sont pour la plupart des joueurs qui ont connu leur heure de gloire et dont les employeurs veulent se débarrasser pour des motifs économiques, ou pour des rendements insuffisants au vu de leur potentiel, tel le Clubiste sfaxien Imed Louati passé en Chine sous forme de prêt avant que Philippe Troussier n'obtienne sa cession définitive. Y a-t-il une carrière après le prêt ? L'exemple le plus frappant est la réussite de Sabergoal au CA. Prêté par Marseille, il a été l'un des grands artisans du succès clubiste africain. Un argument qui lui vaudra d'effectuer une nouvelle «pige» chez des Tunisois qui n'ont pas manqué au passage d'inclure dans son bail des clauses importantes pour «blinder» son contrat (trois ans d'engagement et une option d'achat qui sera levée automatiquement). Voilà pour le côté jardin, car pour le côté cour, c'est le règne de l'incertitude. En effet, pour bon nombre de joueurs de retour de prêt, la reprise des répétitions est synonyme d'interrogations. Quel sort leur est réservé ? Entrent-ils dans les plans du staff technique ? Et si celui-ci est nouveau, va-t-il rebattre les cartes de l'effectif? Pour aiguiller ces «âmes en peine», survolons l'effet de mode du moment. Globalement, les trois quarts des joueurs prêtés sont indésirables la saison suivante dans leur club employeur! D'où l'urgence pour eux de dénicher rapidement un point de chute, un club accueillant, même à un échelon inférieur ! Dans le cas contraire, ils resteront sur le carreau, compromettant de fait leur carrière. Ce qui est étonnant, dans cette catégorie, c'est qu'on trouve peu de «vétérans» et beaucoup plus de jeunes pousses en quête de temps de jeu avant tout (dur, dur de se faire un nom dans le monde impitoyable du foot-business !) Pas de recette miracle... quoique ! Quant aux joueurs qui s'imposent au terme de leur prêt (toujours entre clubs tunisiens), la progression de la tendance n'est ni spontanée ni inattendue. Ce ne sont ni plus ni moins que les joueurs qui glissent du haut du tableau vers des clubs moins nantis qui tirent leur épingle du jeu, comme les banlieusards du sud et ex-sociétaires de l'Espérance Seïfallah Hosni, Arbi Mejri, ainsi que le pur produit de la JSK et ex-pivot du club de Bab Souika, Seïfallah Mahjoubi. En fin de compte, peu de joueurs déjouent les statistiques des différentes sortes de prêts. Généralement, volet flux intra-muros et extra-muros, rares sont ceux qui s'imposent dans un club aussi huppé que celui de leur prêt. Mais pour ce cas bien précis, il faudrait bien une page entière pour comprendre le phénomène Saber Khelifa. Sacré Sabergoal !