Le mois saint n'est pas uniquement le mois de l'abstinence et de la contemplation. C'est aussi celui des veillées tardives, des activités culturelles, des envies de toutes sortes, dont celle de s'approvisionner en sucreries. En effet, il suffit de regarder les vitrines des pâtisseries et des échoppes de zlabia et de mkharek pour se rendre compte que la gastronomie est dans la cité aghlabide un art qui compte parmi les plus importants de l'expression d'une civilisation. Néanmoins, beaucoup de femmes friandes de traditions culinaires et de réjouissances gastronomiques préparent à domicile des mets succulents à partir d'un certain nombre d'ingrédients. Outre la collation du s'hour, composée de mesfouf mélangé de fruits secs et de raisins, beaucoup de familles préparent leur propre pain (tabouna, galette, siniya ou pain au blé dur). D'autres s'approvisionnent auprès des boulangers artisans qui respectent les normes de fabrication du pain, de la préparation de la pâte, de la cuisson et des conditions de vente. Et on n'a que l'embarras du choix devant le pain à base d'orge, le pain de mie, le pain au son, le pain noir, le chaouey, le pain saupoudré de nigelle, le petit pain parfumé de safran, le pain de romarin ou mélangé à des miettes d'olives ou d'oignons. On ne vit que la nuit Par ailleurs, la plupart des commerçants changent leurs horaires de travail, réduisent leurs activités diurnes et font la grasse matinée. Quant aux cafés qui ferment toute la journée, ils grouillent de monde le soir. Et parmi les autres lieux très fréquentés au cours du mois saint, figurent les nombreuses mosquées où les fidèles viennent faire la prière des trawih ayant une valeur particulière et assister aux différentes causeries religieuses, à la narration du Hadith et aux concours de psalmodie du Coran. Toutes ces activités confirment, une fois de plus, leur identification à l'Islam en tant que religion de tolérance et de solidarité. A part cela, beaucoup de familles préfèrent passer les longues veillées ramadanesques à la maison afin de partager avec les enfants les plaisirs de la table, regarder les feuilletons et les variétés et vivre ainsi des moments exceptionnels parce que tellement rares pendant les autres mois de l'année. Boutbila, toujours en vogue A l'approche de l'aube, Boutbila, appelé, également, Tabbel, réveille les habitants au son de la tabla (instrument à percussion) afin qu'ils prennent leur collation avant l'imsak et la prière d'El Fejr. En effet, cette coutume ancestrale est appréciée par les Kairouanais car elle perpétue une tradition d'ambiance festive : «Ya flen, koum t'saher», disait Boutbila dans les années 50-60... En fait, les tabbelas sont des bénévoles auxquels les citoyens offrent des zlabias et des mkhareks, à la mi-Ramadan et la nuit du Destin, ainsi qu'à la veille de l'Aïd. Et durant les deux premiers jours de l'Aïd, ils font le tour des quartiers afin de recevoir de petites sommes d'argent. Dans certains foyers, on les invite à interpréter des airs de chansons populaires.