Il fut un temps, les dinosaures régnaient sur les écosystèmes terrestres sur plus de 160 millions d'années. Ces animaux vertébrés, parfois gigantesques, aux comportements tentaculaires, étaient le centre du monde. C'était de terribles lézards, des reptiles terrifiants qui, faute d'avoir su s'adapter, ont fini par disparaître. Mais les nouveaux dinosaures, qui n'ont aucune raison d'oser s'ériger en centre du monde, non seulement ne font aucun effort pour s'adapter, mais ne donnent nullement l'impression de devoir disparaître. Poussant comme des champignons aux quatre coins du Grand-Tunis, ils semblent décidés à faire des petits dans d'autres zones du pays qui semblaient à l'abri du phénomène. Nos nouveaux dinosaures, ce sont les grues des zones bleues qui migrent doucettement hors des centres-villes à la recherche d'espace vital. Vital pour les uns… Le problème est de savoir si ces bêtes féroces vont pouvoir s'adapter à l'époque moderne où l'automobiliste régnait jusque-là en maître de l'espace, ou s'il va falloir les laisser creuser leur propre tombe à force d'excès et d'abus. Dans la plupart des pays du monde, le déplacement forcé d'un véhicule automobile se présente comme un recours de dernière limite visant à ôter un obstacle majeur à la circulation. En Tunisie, pour des raisons historiques, probablement liées à l'explosion de l'automobile comme moyen de locomotion suite au phénomène de la voiture populaire, les problématiques de la circulation en centre-ville ont rendu la situation à ce point ingérable que des mesures draconiennes ont vu le jour. Des législations encourageant la construction de parkings à étages ont ainsi été promulguées, avec des bonifications substantielles. Parallèlement, a été instaurée dans l'épicentre de Tunis une «zone bleue» y réglementant le stationnement par un péage dissuasif appelé à décourager les automobilistes. Mais rien ne justifie que l'on déplace une auto dont le temps de stationnement est dépassé. Le recours à la grue ne devant avoir lieu que pour désengorger certaines zones particulièrement sensibles, préalablement dûment désignées et indiquées, des plaques de signalisation à l'appui. Le fait est aujourd'hui que tout le monde s'installe dans la routine du fait accompli. Et nos dinosaures modernes prennent de jour en jour du poil de la bête avec un appétit qui augmente et une force de l'exemple qui fait des émules. Au point qu'il devient impératif de faire le point. La terreur qui s'installe chez les automobilistes à l'idée même de stationner quelque part pour une course ponctuelle est à la mesure de l'étendue que prend le phénomène. Or, les «fourrières municipales», souvent gérées par des privés, poussent comme des champignons, attirées par les gains substantiels de cette manne, aussi providentielle qu'indue, que sont les 30 dinars et plus que l'on paie pour aller récupérer sa bagnole trimbalée d'un quartier à l'autre par des mains indélicates. Ce alors qu'une simple taxation ou une contravention quel qu'en soit le montant permettrait de respecter le véhicule et son propriétaire tout en pénalisant le contrevenant. Comme cela se passe dans d'autres pays. Ceux-là mêmes qui, les premiers, ont eu l'idée de ces fameuses «zones bleues».