Finalité : produire des idées pour contrer une culture obscurantiste menaçant le modèle sociétal tunisien L'initiative est venue des comités scientifiques et des associations d'universitaires de la faculté des Lettres de La Manouba. Son doyen, Habib Kazdaghli, fameux pour avoir représenté une des premières cibles des salafistes au cours de l'année 2012 (l'affaire des étudiantes niqabées), et qui continue aujourd'hui à vivre sous protection policière, lance le 4 juillet 2015 un appel pour une mobilisation des intellectuels contre le terrorisme et pour la défense du caractère civil de l'Etat tunisien. Son cri vient à la suite du carnage de Sousse du 26 juin où 38 touristes étrangers sont tombés sous les balles d'un jeune jihadiste de 23 ans et l'instauration, huit jours après, de l'état d'urgence dans tout le pays. Une première réunion préparatoire pour définir les axes d'un congrès, qui se déroulera le 12 août, soit à la veille de la fête de la Femme, a été organisée à La Manouba le 8 juillet dernier. On y a diagnostiqué l'absence d'une politique culturelle intégrale permettant de contrer le terrorisme en tant qu'idéologie transnationale et en tant qu'utopie susceptible de procurer du rêve, des repères et une raison d'être aux jeunes. « Il n'y a pas eu de consensus national ni d'union minimale autour d'une stratégie globale pour faire face au terrorisme intellectuel qui s'est développé et qui a grandi parmi la jeunesse marginalisée et sans emploi, voire chez les jeunes étudiants», relève l'appel du 4 juillet. Une seconde réunion a eu lieu mercredi soir dernier au siège du Centre de recherches, d'études, de documentation et d'information sur la femme (Credif) où des personnalités scientifiques, des représentants de la société civile et des journalistes ont discuté et affiné les thématiques du congrès autour d'une table ronde dirigée par l'historienne Dalenda Larguèche, la directrice du centre, et présidée par Habib Kazdaghli. Y ont pris part l'islamologue Youssef Seddik, le politologue Hamadi Redissi, la psychanalyste Raja Ben Slama, le professeur de sciences politiques Chérif Ferjani, l'historien Abdelhamid Larguèche... Des pistes de recherche sur le radicalisme religieux « Nous ne sommes pas des spécialistes de la sécurité, ni des stratèges militaires. Notre apport ne peut se situer qu'au niveau des idées. Nous ne pouvons être que des combattants de la culture. D'ailleurs, le terrorisme fleurit sur les débris de la défaillance de notre culture et s'immisce dans les interstices des défaillances de notre système éducatif. La crise profonde que traverse notre société a aidé à la propagation du mal qui menace la sécurité. Et plus le processus de transition démocratique avance et marque des points, plus il vise le modèle social tunisien. En tant qu'intellectuels et en tant que penseurs, nous devons aujourd'hui assumer nos responsabilités, à notre manière, au sein de cette guerre que mènent les organes sécuritaires de l'Etat », analyse le doyen Kazdaghli. Une trentaine de textes sont déjà produits et ils ont été envoyés au comité préparatoire du congrès dirigé par l'universitaire Raja Ben Slama. Les thématiques aborderont « L'enseignement et sa réforme en tant que moyens pour combattre le terrorisme », « Les écoles coraniques », « L'enseignement religieux alternatif », « L'échec scolaire et son rapport au terrorisme », « La formation des imams et des prédicateurs », « Les mosquées et le discours religieux dominant », « Comment traiter avec les jeunes radicalisés ? », « Comment réhabiliter les jeunes de retour de Syrie ? », « Les associations caritatives », « L'espace pénitentiaire », « Les maisons des jeunes et de la culture », « La recherche scientifique en matière de radicalisme religieux »... Sur la base de ces contributions, le comité préparatoire rédigera un rapport et un manifeste, qui seront présentés au public, au gouvernement ainsi qu'aux trois présidents dans le cadre d'une grande action de lobbying. « Nous sommes conscients qu'en un mois, nous ne serons pas capables de monter une stratégie culturelle claire contre le terrorisme. Mais au moins aurons-nous signalé, à travers cette grande rencontre, notre engagement pour combattre ce fléau, qui a pris place dans notre demeure (l'université) et dégagé des pistes de réflexion pour des recherches futures sur ce sujet », explique encore Habib Kazdaghli.