Si l'horreur et l'innommable en Syrie, en Irak, en Tunisie, en Libye, maintenant en France, sont en train d'être commis au nom de l'Islam, ou d'une certaine lecture de l'Islam, un groupe de 67 intellectuels de tout le monde islamique appelle à une réaction ferme et définitive. Il s'agit d'une démarche transversale en train de s'organiser par le biais d'un groupe d'initiateurs originaires de pays arabo-musulmans. Leur volonté, s'interroger non pas en huis clos comme c'est souvent le cas pour ce type de débat, mais publiquement et à travers un certain nombre de démarches qui prennent forme de manière participative et concertée, à commencer par ladite déclaration, ensuite par la formation d'un réseau et d'autres actions. Dans le texte, des hommes et des femmes s'expriment non pas contre l'Islam, mais contre certains médias publics, contre des programmes scolaires, des prêches des mosquées, et des émissions TV, complices de manière franche et assumée ou alors détournée de la diffusion de cette lecture radicale qui a pris le dessus, les événements l'attestent, sur l'essence même et les valeurs cardinales humanistes que véhicule l'Islam. La déclaration qui a pris la forme d'une pétition* prend soin d'insister sur la volonté de construire un projet de société avec à la tête un Etat moderne, dans lequel les libertés individuelles sont scrupuleusement respectées. Les intellectuels appellent à une mise à niveau de l'éducation, du champ culturel et du champ religieux. Ce sont autant de personnes qui sont toutes issues du monde islamique et le revendiquent en tenant à faire savoir que ce texte ne s'érige pas contre l'Islam mais contre une certaine lecture de l'Islam, celle légitimée, parce que considérée comme originelle et donc authentique. C'est au nom de cette pureté première justement que les libertés sont brimées, que les hommes sont assassinés. Il est temps de réagir, d'où cette déclaration. Déclaration Notre responsabilité à l'égard du terrorisme au nom de l'Islam Le monde est en train de vivre une guerre déclenchée par des individus et des groupes qui se réclament de l'Islam. En Syrie, en Irak, en Libye, en Tunisie, au Nigeria, en France, etc., cette guerre est la même. Elle est conduite au nom d'une certaine lecture de l'Islam. Cette guerre nous interpelle tous, nous, laïcs issus du monde islamique. Il est de notre responsabilité d'agir et de nous opposer à tout ce qui l'alimente. Des réformes sont indispensables dans le monde musulman pour contrer cette guerre. La citoyenneté, l'égalité, la liberté de conscience, l'Etat de droit et les droits humains sont des antidotes indispensables. Aujourd'hui, la réponse à cette guerre ne consiste pas à dire que l'Islam n'est pas cela. Car c'est bien au nom d'une certaine lecture de l'Islam que ces actes sont commis. Non, la réponse consiste à reconnaître et affirmer l'historicité et l'inapplicabilité d'un certain nombre de textes que contient la tradition musulmane. Et à en tirer les conclusions. Les troupes ennemies qui mènent cette guerre mondiale ne sont pas constituées de simples égarés mais de combattants fanatisés et déterminés. Ces combattants sont nourris par des textes islamiques qui appellent à la violence, qui existent dans les autres religions et qui relèvent d'un autre contexte, d'un autre âge, aujourd'hui dépassés. Ce corpus est le référentiel des groupes jihadistes. Tous les acteurs concernés, à commencer par les religieux et les autorités de chaque pays, doivent le déclarer comme inadapté, dépassé et inapplicable. Cette position doit être le début d'une véritable réforme du champ religieux de chaque pays et au-delà du champ religieux, d'une mise à niveau des législations. L'activation et l'instrumentalisation de ce corpus, quelle qu'en soit la raison, doivent être dénoncées d'une manière explicite par les autorités, les religieux, les sociétés civiles ainsi que dans les manuels scolaires et sur les médias. Nous avons la responsabilité de combattre l'activation de ce corpus et de tous les processus qui y conduisent. Tous les discours ou entreprises visant à encourager ou à promouvoir les radicalisations, la haine, le racisme doivent être criminalisés. Les programmes scolaires et les discours des médias publics ainsi que les prêches des mosquées doivent être conformes aux idéaux universels de la liberté de conscience et des droits individuels. Il n'existe pas de religion supérieure à une autre. L'humanité est une et indivisible. Chacun des signataires s'engage à militer pour la primauté du droit, des droits humains et de la citoyenneté. Le 11 janvier 2015 Premiers signataires : Raja Benslama, psychanalyste, universitaire, Tunisie Fethi Benslama, psychanalyste, professeur des universités, Tunisie, France Ali Mezghani, professeur agrégé en droit, Tunisie Salah Elouadie, poète, président du mouvement Damir, Maroc Hella Lahbib, journaliste, Tunisie Naceureddine Elafrite, journaliste, Maroc, Tunisie Latefa Aharrare, actrice, Maroc Aziz Al-Azmeh, universitaire, Syrie Munaim Alfakir, poète, Irak Tewfik Allal, coordinateur du Manifeste des Libertés, Algérie, France Azzeddine Allam, professeur universitaire, Maroc Zoubir Arous, professeur et directeur du laboratoire «Religion et société», université d'Alger 2, Algérie Ahmed Assid, écrivain, Maroc Fouzia Assouli, militante associative-Fédération de la Ligue des droits des femmes, Maroc Houari Baki, psychanalyste, Algérie, France Slimane Bedrani, professeur à l'Ensa, directeur de recherche associé au Cread, Algérie Souhayr Belhassan, journaliste, Tunisie Yadh Ben Achour, vice-président du Comité des droits de l'Homme des Nations unies. Ancien doyen de la Faculté des sciences juridiques. Tunisie Ghaleb Bencheikh, islamologue, France Ali Bencheneb, professeur émérite, ancien recteur d'académie, Algérie Kmar Bendana, historienne, Tunisie Cherif Bennadji, professeur à l'université d'Alger 1, Algérie Basset Ben Hassan, président de l'Institut arabe des droits de l'Homme, Tunisie Tabrizi Ben Salah, professeur de droit international, Doyen honoraire, Algérie Lotfi Ben Slama, stomatologue, Tunisie, France Nédra Ben Smail, psychanalyste, Tunisie Sophie Bessis, agrégée d'histoire, journaliste, Tunisie, France Jawad Boulus, écrivain et avocat, Palestine Abdelaziz Boumeshouli, professeur d'université, écrivain, Maroc Mohamed Chafiq, académicien, Maroc Saloua Charfi, professeur de journalisme, Tunisie Khedija Cherif, universitaire, Tunisie Mohamed Ali Cherif, cinéaste, Tunisie Moulim El Aaroussi, écrivain, Maroc Said Elakhal, chercheur, militant associatif, Maroc Abdallah El Hariri, artiste peintre, directeur artistique, Maroc Nabile Farès, psychanalyste, écrivain, Algérie, France Cherif Ferjani, professeur des universités, Tunisie, France Claudette Ferjani, militante associative, Tunisie Habib Gherar, professeur à l'université d'Aix-Marseille, France Nedim Gursel, écrivain, Turquie, France Selma Hajri, médecin, Tunisie Mohamed Ham, psychanalyste, professeur des universités, Maroc, France Salem Hamza, psychiatre, Tunisie, France Ahmed Henni, professeur des universités, Algérie, France Mahmoud Hussein, écrivain, France, Egypte. Kadhem Jihad Hassan, écrivain, professeur d'université, Irak, France Marcel Khalifa, artiste, Liban Abdellatif Laâbi, poète, Maroc Kamal Lahbib, militant associatif - Collectif démocratie et modernité, Maroc. Slim Laghmani, professeur de droit à l'université de Carthage, Tunisie Delenda Largueche, historienne, Tunisie Ali Magoudi, psychanalyste, psychiatre, France Ahmed Mahiou, professeur de droit, ancien doyen, Algérie Faïka Moujahid, psychanalyste, Algérie Hatem Mrad, professeur d'université, Tunisie Kalthoum Meziou, professeur à la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis. Tunisie Hamad Nazir, psychanalyste, France Mounira Nessah, psychologue clinicienne, Tunisie, France Hamadi Redissi, professeur d'université, Tunisie Nouredine Saâdi, écrivain, Algérie Hachem Saleh, écrivain, traducteur, Syrie Rajaa Stitou, psychanalyste, enseignante Université Montpellier 3, Maroc, France Wassila Tamzali, écrivain, Algérie Georges Tarabichi, écrivain, traducteur, Syrie Adnane Yassine, poète, Maroc Lahcen Zinoun, chorégraphe et cinéaste, Maroc *La pétition, lien : http://www.petitions24.net/notre_responsabilite_a_legard_du_terrorisme_au_nom_de_l'Islam