Dernièrement a été organisée à la faculté des Lettres de La Manouba une réunion de préparation du congrès national contre le terrorisme, prévu le 12 août prochain. Il s'agit d'une initiative d'un groupe d'intellectuels dont nous citons notamment Habib Kazdaghli, Raja Ben Slama, Abdelhamid Larguèche. La réunion, qui sera suivie d'une deuxième mercredi prochain au Crédif, s'est tenue après la rupture du jeûne à la salle Hassen Hosni-Abdelwaheb. Le choix du lieu revêt une dimension hautement symbolique. C'est dans cette enceinte historique, La Manouba, qu'avait éclaté en 2012 le premier conflit entre les défenseurs d'un Etat civil et les démocrates avec à leur tête le doyen Habib Kazdaghli, et des groupes d'islamistes radicaux qui ont paralysé les cours plusieurs mois. Près de quatre cents ont reçu l'invitation, seulement une centaine a marqué sa présence, dont quelques étudiants, de jeunes assistantes, des professeurs, toutes spécialités confondues et quelques têtes connues, comme l'historienne Kmar Bendana ou le journaliste Zyad Krichen, en plus des initiateurs du mouvement. Mouvement c'en est un. Les intellectuels tunisiens projettent de contribuer de manière concrète au combat qui oppose la Tunisie aux terroristes, non pas en étudiant scientifiquement le fléau, ce qui ne manquera pas d'être fait, mais en mettant en forme des propositions pour les soumettre aux décideurs. Un comité de suivi se chargera de l'aspect pratique et toute sorte de mise en application. Habib Kazdaghli, en prenant la parole, a précisé que les intellectuels, citoyens de leur état, ne comptent pas se substituer aux sécuritaires, « ce n'est pas notre métier, mais nous ne pouvons rester les bras croisés». Depuis la révolution, a-t-il détaillé, nous avons essayé d'associer ces attaques terroristes aux bouleversements inévitables associés à toute période de transition. En réalité, la situation se complique et s'aggrave », a-t-il encore mis en garde. Approches scientifiques et propositions concrètes Cette rencontre de prise de contact était également consacrée au déblayage du terrain thématique. Raja Ben Slama s'est chargée à son tour de développer les différentes thématiques qui seront traitées par le congrès, comme la culture, l'éducation nationale, le processus de radicalisation et de dé-radicalisation ainsi que la formation des prédicateurs. «Les recherches commencent à peine et c'est une carence qui doit être palliée», a-t-elle développé. Parmi ceux qui ont pris la parole, le rédacteur en chef du journal le Maghreb, Zyed Krichen, qui a posé la question de savoir si ceux que nous pouvons désigner par islamistes modérés sont considérés comme des ennemis qu'il faut combattre tout comme les jihadistes qui font la guerre au pays ? «Non, a-t-il tranché, ce n'est pas Rached Ghannouchi qui est derrière ces attaques, et il n'est ni salutaire ni intelligent d'élargir la sphère de l'adversaire». Comme il s'agissait d'une première réunion, les interventions par ailleurs n'étaient pas toutes structurées. Cela a été l'occasion pour certains de livrer leurs préoccupations et autres angoisses ; qui pour dire que le terrorisme a commencé avec les jihadistes afghans et que c'est une mouvance extraterritoriale montée de toutes pièces par les USA et qu'il n'y a rien à faire, qui pour épingler l'Etat d'urgence qui menace les libertés individuelles, qui pour fustiger encore aujourd'hui l'alliance entre Nida et Ennahdha. Alors que le débat est ailleurs. Il n'est plus question de savoir si nous sommes, en tant que citoyens tunisiens, sujets passifs et insignifiants dans un complot international qui nous dépasse. Et quand bien même ce serait le cas, nous devons nous défendre et défendre notre pays. Il n'est pas non plus utile de critiquer les coalitions politiques décidées en haut lieu, c'est du gaspillage de temps et de l'énergie, alors qu'il y a sacrément à faire. Et tout en restant vigilants quant au respect de l'Etat de droit en construction et des libertés individuelles, ne pas faire le travail des fossoyeurs de la nation, qui se disent inquiets pour les libertés, alors que le pronostic vital de la Tunisie est engagé.