Par Abdelhamid Gmati Le projet de loi de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent a, enfin, été adopté, dans la nuit du vendredi à samedi, par l'Assemblée des représentants du peuple, après un marathon d'âpres discussions et d'amendements. Le président de l'ARP a, ainsi, tenu sa promesse de faire adopter cette loi au plus tard le 25 juillet. Rappelons que ce projet date de plus d'une année. Il faut croire que les députés de l'Assemblée Constituante et certains de l'actuel parlement étaient atteints d'autisme, ne se rendant pas compte du danger mortel que constitue le terrorisme. En définitive, 174 députés ont voté pour cette loi, 10 s'étant abstenus, et 33 autres étaient aux abonnés absents. A l'évidence, l'école buissonnière est toujours populaire comme avec les députés constituants. L'organisation El Bawsala a, dans son rapport du mois de juin, relevé que 25 députés ne se sont pas présentés en commissions, alors que 42 élus ont été présents lors des 47 réunions des 7 commissions permanentes et des 6 commissions principales. Pour les 5 plénières de ce mois, 106 députés y ont participé. Outre cet absentéisme, l'organisation dont l'objectif est d'informer sur les activités des élus, relève qu'au cours de la plénière, de jeudi, des députés ont voté à la place de leurs collègues absents et qui avaient laissé leurs cartes électroniques sur leur pupitre. Il va sans dire qu'il s'agit là d'une infraction à l'article 42 du règlement intérieur de l'Assemblée, le vote étant strictement personnel. Ce manque du sens de la responsabilité de certains élus n'est pas isolé. Lors des discussions de la loi antiterroriste, mercredi dernier, de nombreux députés ont demandé la levée de l'immunité pour les politiques et les députés, impliqués dans des affaires de terrorisme, ou concernées par des affaires du même type. Sont notamment visés « les politiques impliqués de près ou de loin dans les réseaux d'envoi des jihadistes à l'étranger, de même que ceux qui avaient appelé à la haine et à la violence. Certains députés ont annoncé qu'ils visaient aussi certains élus qui avaient annoncé leur désaccord avec les moyens de lutte contre le terrorisme, notamment ceux qui avaient fustigé la décision du gouvernement de dresser le mur de séparation le long de la frontière avec la Libye ». Apparemment, certains députés estiment qu'ils sont des citoyens au-dessus des lois et qu'ils peuvent tout faire, puisqu'ils jouissent de l'immunité parlementaire. Faut-il rappeler que ce privilège est là pour protéger les parlementaires dans le cadre de leurs fonctions. Cette immunité n'est pas absolue. Elle « ne couvre pas les propos tenus par le parlementaire, en dehors de ses fonctions, y compris dans l'enceinte parlementaire s'il s'agit de propos ou d'actes privés (insultes et coups et blessures sur un collègue, relations avec un assistant parlementaire, etc.) ». De la même manière, le député n'est pas couvert pour les propos et opinions qu'il tient lors de réunions publiques, de rédaction d'un livre ou d'un article, ou d'un entretien, accordé à un média. L'immunité ne joue pas non plus pour des propos et opinions tenus à l'occasion de l'exercice d'autres fonctions, « même lorsqu'ils sont une simple répétition de ceux précédemment exprimés au Parlement et/ou que référence est faite à ses fonctions parlementaires ». Certains de nos députés se croient tout permis en allant dans le sud, à Ben Guerdane précisément, pour fustiger le projet gouvernemental d'ériger un mur de sable et un fossé pour lutter contre le terrorisme et les passages illicites de la frontière avec la Libye. Juste après cette visite et les propos de deux députés, des manifestations et un climat de tensions a régné dans la région. Qu'un député exprime son désaccord avec une décision du gouvernement est légitime; il est même là pour donner son opinion et exprimer celles de ses électeurs ou de son parti. Mais il doit impérativement le faire dans l'enceinte parlementaire, là où il bénéficie de l'immunité que lui confère son mandat. Il a aussi le droit de s'exprimer au nom de son parti à l'extérieur. Mais là, il n'est plus couvert par cette immunité et doit donc mesurer ses paroles et ses actes. Car « l'inviolabilité ne confère pas un privilège personnel qui mettrait le parlementaire au-dessus du droit commun. Elle ne supprime donc pas le caractère illicite de tout acte commis par le parlementaire en dehors de ses fonctions et ne lui permet pas d'échapper à ses conséquences judiciaires ». C'est une question de responsabilité et de respect des lois. Reste à savoir si la demande des députés sera suivie d'effet.