En l'absence de la retransmission télévisée en direct, les travaux de l'ARP ont révélé des désaccords très importants et promettent un marathon d'au moins une semaine Ils n'étaient pas tous au rendez-vous, les 217 députés de l'Assemblée des représentants du peuple pour la première séance plénière consacrée à l'examen du projet du règlement intérieur (seuls 184 ont répondu présent). Un hémicycle clairsemé en raison des va-et-vient des députés, une indiscipline qui finit par agacer le président de la séance Abdelfattah Mourou, qui voit la moitié des interventions reportées à cause de l'absence des députés supposés intervenir. Le projet du règlement intérieur élaboré par la commission présidée par le nidaiste Mohamed Troudi comporte 163 articles. Au cours des travaux de la commission, l'entente semblait être le mot ordre et augurait un règlement intérieur consensuel. Les différents groupes parlementaires ont finalement déposé pas moins de 189 amendements à examiner au cours de la séance plénière. Les députés ont soulevé plusieurs points sur lesquels ils étaient en désaccord avec le projet présenté. Ainsi, Khaled Chaouket de Nida Tounès et Jilani Hammami du Front populaire se sont étonnés du fait que le règlement intérieur ne prévoit que 4 séances de questions au gouvernement par an, soit une séance tous les trois mois. « Au Maroc voisin, les questions au gouvernement sont hebdomadaires », souligne Chaouket, exprimant sa volonté de voir le projet amendé dans le sens d'une participation plus large du député dans la vie publique. Si les questions hebdomadaires au gouvernement semblent hors de propos, les députés pourraient s'accorder sur une convocation mensuelle du gouvernement devant le Parlement. Afek, minoritaire ? Autre pierre d'achoppement qui pourrait animer les débats au cours des prochains jours, c'est incontestablement la formation des blocs parlementaires. Pourtant tranchée à l'intérieur de la commission, qui s'est accordée à ce que sept députés ou plus puissent former un bloc parlementaire, Nida, Front populaire et Union patriotique libre (UPL) se rétractent. En effet, les propositions d'amendements présentés par ces partis vont dans le sens d'un minimum de dix députés pour créer un bloc parlementaire. « Logistiquement, il est beaucoup plus facile de travailler avec des blocs parlementaires composés de 10 députés ou plus », affirme le président de la commission du règlement intérieur Mohamed Troudi. Même discours du côté de l'UPL, forte de ses 16 députés, le président du groupe Mohsen Hassen affirmant que son parti défendra sa proposition d'amendement. Cela n'arrange pas les affaires des élus de Afek Tounès, qui participera au prochain gouvernement. Pour eux qui disposent de 8 députés uniquement, le projet de règlement intérieur est comme taillé sur mesure. Porter le nombre à 10 députés risquerait de marginaliser le parti dans l'hémicycle. « A l'intérieur de la commission, nous avons voté à la quasi-unanimité en faveur d'un bloc à sept, afin de garantir les droits des minorités au parlement, explique, navré, le député Karim Helalli de Afek Tounès. D'ailleurs, c'est plus efficace d'avoir des députés organisés en blocs que des députés éparpillés. Si Afek Tounès ne réussit pas à former un groupe parlementaire, il risque de ne pas être représenté au bureau de l'Assemblée. Autres points de discorde Mongi Rahoui, député du Front populaire et fervent défenseur d'une grande autonomie chez les députés, a estimé que le projet de règlement intérieur ne favorise pas l'expression des élus. Pour lui, le tirage au sort pour l'attribution de la parole est une pratique discriminatoire. « Un élu doit pouvoir exprimer ses opinions quand il le souhaite », a-t-il dit. Pour le député unique d'Al-Jomhouri, Iyed Dahmani, par ailleurs membre du bureau de la commission du règlement intérieur, l'impératif de réunir cinq députés pour amorcer une initiative législative va à l'encontre du respect des minorités. Le député souhaiterait que ce quota soit révisé à la baisse, précisant que dans d'autres pays comme la France, un seul député peut proposer un projet de loi. Le « tourisme parlementaire », qui consiste pour un député de changer de bloc, a été également soulevé par l'élue du courant Al-Mahaba. L'ex « Pétition populaire » est le parti qui a le plus souffert d'une hémorragie de ses élus, qui ont préféré quitter le parti de Mohamed Hamdi vers d'autres horizons. Grande absente des débats, la retransmission en direct à la télévision a également fait l'objet de plusieurs interrogations de députés. Samir Dilou (député Ennahdha) et bien d'autres ont estimé que la non-diffusion des travaux de la séance plénière « est un signal négatif » au démarrage de l'activité de l'Assemblée des représentants du peuple. A en croire la présidence de l'Assemblée, cette absence de retransmission est due à une décision de la direction de la télévision nationale, qui invoque « l'absence d'une convention- cadre entre la télévision et l'ARP ».