«Plusieurs élus de la majorité étaient contre le projet dans sa forme actuelle, mais n'avaient pas eu le courage de voter contre ou de s'abstenir», a déclaré le chef du parti Le parti du Courant démocratique, présidé par Mohamed Abbou et disposant de trois députés à l'Assemblée des représentants du peuple, a tenu hier une conférence de presse à Tunis, afin de s'expliquer notamment sur l'abstention de ses élus lors du vote sur la loi contre le terrorisme et le blanchiment d'argent. Le député Ghazi Chaouachi s'est dit étonné de «la campagne de dénigrement» contre les députés ayant exprimé des réserves face au projet de loi. «Tout ce que je peux dire, c'est que ces gens qui nous ont attaqués sont les ennemis de la démocratie». De son côté, le secrétaire général du parti, Mohamed Abbou, a critiqué ce qu'il considère comme «une dérive du journal public La Presse dans ses versions papier et électronique», devenu quasiment «le journal de Nida Tounès». Il a entre autres appelé le gouvernement à opérer des changements en son sein. «Atteinte à la vie privée» Sur le fond, le député Ghazi Chaouachi a expliqué que le parti ne s'était pas opposé à la loi antiterroriste dans son ensemble mais qu'il s'était abstenu en raison de certaines dispositions «contraires aux principes des droits de l'Homme et trop intrusives dans la vie privée des citoyens». Il regrette notamment que les organisations de la société civile n'aient pas été entendues par la commission de législation générale à l'instar des départements officiels (la Justice, l'Intérieur, la Défense) et que la commission n'ait eu qu'une vingtaine de jours pour examiner le «projet d'une loi aussi importante». «La loi antiterroriste adoptée ne distingue presque pas entre le crime terroriste et le crime de droit commun, a déclaré le député. Cette loi n'est pas parvenue à définir clairement ce qu'est un crime terroriste». Pour lui, cette définition des concepts, loin d'être accessoire, est la clé qui permet aux juges de trancher. L'article 13 censé définir «les objectifs des actes terroristes» n'a, semble-t-il, pas convaincu la députée Samia Abbou (présente tout au long de la conférence de presse, mais qui n'a pas pris la parole) et ses collègues. «Si l'on se réfère à la loi votée, le voyou du Palmarium qui a semé la panique avec un pétard peut être considéré comme terroriste, a estimé Ghazi Chaouachi. Et cela n'est pas acceptable». Les craintes du parti touchent également «l'atteinte à la vie privée des personnes». En effet, les méthodes spéciales d'investigation comme «l'infiltration» ou «l'interception des appels téléphonique et les communications internet» font craindre au parti une « utilisation abusive des données». «Il n'existe pas assez de garanties pour prévenir les abus, a considéré Ghazi Chaouachi. Au prétexte qu'il existe simplement une présomption quelconque de lien avec le terrorisme, le pouvoir en place peut ordonner la mise sur écoute d'adversaires politiques et utiliser les informations récoltées à des fins non démocratiques». Le parti s'est par ailleurs félicité de l'adoption de l'article 35 tel qu'il a été amendé pour inclure les journalistes en tant que corps exempté de la divulgation du secret professionnel, sous proposition initiale du Courant démocratique. Mohamed Abbou a de son côté affirmé que plusieurs élus de la majorité lui ont confié qu'ils étaient contre le projet dans sa forme actuelle, mais qu'ils «n'avaient pas eu le courage de voter contre ou de s'abstenir». Renvoi d'ascenseur Sur un tout autre registre, Mohamed Abbou a appelé la présidence de la République à ne pas présenter le projet de loi relatif à l'amnistie des hommes d'affaires, mettant en garde le président de la République contre les conséquences d'un tel « entêtement». «Dans cette affaire, il y a un lourd soupçon de blanchiment de la corruption et un lourd soupçon d'un renvoi d'ascenseur fait au profit des bailleurs de fond de Nida Tounès », a déclaré Mohamed Abbou. Pour sa part, le porte-parole du parti, Mohamed Larbi Jelassi, a appelé l'Etat tunisien à rendre public le contenu de l'accord d'allié majeur de l'Otan, signé entre la Tunisie et les Etats-Unis. «Nous avons fait une demande officielle au palais, dans le cadre du droit d'accès à l'information», a annoncé Jelassi.