Plus on parle du départ du coach de l'EST, moins on en sait... Qu'est-ce qui est le plus important dans le parcours d'un entraîneur? La qualité du jeu ? Le plaisir qu'il donne à ses joueurs? Les titres, les performances? Il est souvent difficile de dégager une logique de fonctionnement cohérente dans la gestion technique d'une équipe. Pas facile, non plus, de retrouver le cheminement d'un raisonnement souvent tortueux, laissant la place à toutes les interprétations possibles. Ce qui nous semble, cependant, inquiétant, c'est que l'entraîneur est en train de perdre l'un des plus importants leviers qu'il puisse avoir sur un club: l'influence à long terme sur son développement, sa culture, la manière dont les jeunes sont intégrés. Quand beaucoup d'entraîneurs risquent d'être limogés à tout moment, ils ne vont plus se préoccuper du long terme. Ils ne pensent qu'au prochain match. Il y a, en fait, un vrai sujet de réflexion sur la succession des entraîneurs qui ont défilé à l'Espérance depuis octobre 2013, et spécialement après le départ de Kanzari. Aussi sur la tradition qui se distend de plus en plus au club. Sur cette culture de stabilité et de constance qui disparaît au gré des enjeux divers et où il n'est plus question de football, de projets sportifs. Au fil du temps, nous découvrons que l'étiquette ne correspond plus à la vocation et à l'authenticité du club. L'alternance au poste d'entraîneur en chef a touché pas moins de six techniciens (Kasri, Dessabre, Krol, Ben Yahia, Demoraïes et Anigo) en l'espace de quelque temps. Anigo qui est toujours en exercice risque de connaître à tout moment le sort de ses prédécesseurs. Pourtant, l'un des paradoxes est que plus on parle de son départ, moins on en sait. Quelque part, cela suscite beaucoup d'interrogations. On se croit indispensable, et on se rend compte que l'équipe serait peut-être mieux avec quelqu'un d'autre. Cela l'a empêché certainement de faire de belles choses comme entraîneur, mais comme homme, il a assurément beaucoup appris. On ne respire plus le même jeu On peut toujours discuter du mérite des uns et des autres, de l'impact d'un palmarès, de la pertinence d'un choix, mais il y a des données individuelles qui ne souffrent pas la contestation. On n'est pas d'accord sur la qualité du travail accompli, et pas plus sur la valeur du jeu exprimé. On s'indigne d'un jeu qui privilégie la défense et la rigueur à l'excès. Les spécialistes de l'équilibre peuvent se demander ce que deviendrait l'Espérance si elle continuait sur la même lancée. Ce qu'il adviendrait aussi de ses acquis et de ses fondamentaux. Mais les observateurs avertis peuvent aussi se dire finalement que dans l'application de cette philosophie, l'équipe ne possède plus de ligne de conduite et de compétence certaine. On peut toujours dire, et on le dit donc : l'EST laisse de plus en plus son public sur sa faim, elle apprivoise insuffisamment ses adversaires, elle ne rend pas gai. C'est pourquoi le match de cet après-midi face à Al Ahly risque d'être le dernier d'Anigo à la tête de l'Espérance. Au-delà des systèmes de jeu, des différents schémas mis en place et des innombrables associations qu'il a dessinées au fil des matches, deux sujets ne cessent de marquer le parcours d'Anigo à l'EST : 1-Les joueurs ne respirent pas le même jeu, la même ligne de conduite, le projet de jeu et les principes collectifs étant difficilement identifiables, quels que soient les choix des hommes. 2-Leur utilisation et leur complémentarité (technique physique, tactique) ne sautent pas aux yeux. Mais dans la panade générale, il tente quand même de surnager et il se débat davantage avec l'énergie du désespoir qu'avec la clairvoyance et l'autorité que recommande la fonction. Un bon entraîneur doit être irréprochable à tous les niveaux. L'avenir d'un club dans lequel le réflexe a remplacé la réflexion, n'est pas fait seulement de football. Beaucoup plus que les corps, ce sont les esprits qui ont marqué l'incroyable revers de l'équipe. Si les jambes traînent, c'est bien parce que les têtes sont brisées. Et les illusions de grandeur avec...