A moins de quatre mois de la tenue de son congrès, le mouvement Ennahdha continue de faire les yeux doux à son maître à penser, afin qu'il rempile. N'en déplaise aux faucons nahdhaouis... Rached Ghannouchi est-il bien parti pour rester à la tête d'Ennahdha ? Les dés sont-ils déjà jetés avant la tenue du congrès du mouvement prévu l'automne prochain ? Nous oserions répondre par «oui» en référence aux derniers développements de la situation au sein d'Ennahdha. Des développements qui plaident nettement en faveur de la reconduction du cheikh, qu'on en juge : 1 — Ghannouchi, assure-t-on du côté de Montplaisir, est sorti grand vainqueur non seulement des dernières réunions du bureau exécutif mais aussi et surtout des meetings tenus récemment, un peu partout dans le pays, au niveau des structures locales et régionales du parti. Çà et là, on peut parler de plébiscite pour le cheikh qui a étonnamment conservé son aura et son influence extraordinaire auprès des siens. 2 — Son successeur est toujours «introuvable». D'abord, parce que pour le moment, aucun candidat n'a «osé» se présenter pour prétendre lui arracher les rênes du pouvoir. Ensuite, aucun concurrent n'a pu faire l'unanimité autour de lui. 3 — Les faucons du mouvement, particulièrement ceux parmi la nouvelle vague, ont fini par abdiquer, leurs escarmouches s'étant avérées des pétards mouillés. 4 — Deux nahdhaouis sur trois reconnaissent, en privé, que c'est justement grâce à la sagesse de Rached Ghannouchi, à la justesse de ses choix et à sa vision prospective que le mouvement est toujours là en tant qu'acteur principal sur la scène politique nationale, malgré l'échec de la dure expérience avec la Troïka. 5 — Il est communément admis que le cheikh est le dirigeant nahdhaoui le plus respecté par les autres partis politiques, notamment celui de Nida Tounès. Et cela pour sa qualité de colombe, son ouverture, ses discours de tolérance et de rapprochement. Quitte à faire des concessions, parfois dans la douleur, pour l'intérêt national. Tout dépendra de lui S'il a pris acte de la grande popularité dont il continue de bénéficier auprès des siens, Rached Ghannouchi n'a pas pour autant pipé mot quant à son avenir politique immédiat. Entretenant le suspense sans doute à son corps défendant, il persiste à marteler que «c'est au prochain congrès de choisir», qu'il est prêt à céder sa place à tout moment et qu'un rang de guide spirituel lui suffirait (Ndlr: à l'instar de ce qui se passe en Iran et chez le Hezbollah libanais). Et si la dernière hypothèse venait à être retenue, qui succéderait au cheikh ? Question embarrassante que la majorité des nahdhaouis ne veulent même pas poser, tant ils tiennent à leur «maître à penser qui a encore, semble-t-il, de longues et florissantes années devant lui». Parfum ottoman En attendant, et comme tout dirigeant qui se respecte, le cheikh s'est offert, ces jours-ci, des vacances méritées avec sa famille, là-bas dans sa... chère Turquie. C'est-à-dire loin du spectre terroriste qui menace nos plages. Menacé de mort comme on le sait par les takfiristes, Ghannouchi aura ainsi préféré le parfum ottoman aux arômes de nos jasmins. Cerise sur le gâteau: le cheikh y est, pour une fois, passé incognito: pas de tapis rouge, aucun tapage médiatique et même pas un petit saut chez l'ami Erdogan. Les temps ont-ils changé ? Retour à la case départ Signalons enfin que Rached Ghannouchi a réintégré récemment son ex-belle villa sise à la Cité El Ghezala, à deux pas du domicile du défunt Mohamed Brahmi. Retour donc à la case départ, après avoir déménagé, pour quelques mois, du côté d'El Menzah. Sans doute pour les éternelles raisons de sécurité?