Après avoir raté le coche lors des législatives et joué vainement la carte Marzouki lors de la présidentielle, Ennahdha risque, aux dernières nouvelles, de ne pas faire partie de la prochaine équipe gouvernementale de Nida Tounès. L'avenir du mouvement est, du coup, devenu incertain. Serait-ce le revers de la médaille ? Pour un vieux nahdhaoui, «le mouvement est en train de traverser la phase la plus difficile de son parcours depuis la révolution. En effet, après avoir régné en maître absolu (ou presque) sur les rouages de l'Etat à travers la Troïka, allant jusqu'à faire cavalier seul durant les mandats des gouvernements Jebali et Laârayedh, le voilà condamné à faire l'amère expérience du revers de la médaille. Et cela à coups de revers dont les plus retentissants sont : - Primo : l'échec de la campagne des élections législatives qui s'est traduit par l'obtention du poste de premier vice-président de l'ARP, alors qu'on était parti pour arracher la très enviable première place. - Secundo : la défaite de Marzouki devant BCE, d'où la perte d'un précieux allié que les nahdhaouis, qu'on le veuille ou pas, avaient fortement soutenu lors des deux tours de la présidentielle. - Tertio : la vague de démissions qui continue de frapper le mouvement et qu'on peine encore à contrecarrer. En ce sens que, selon certaines indiscrétions venant du côté de Montplaisir, d'autres départs sont attendus pour les jours à venir, aussi bien chez les fidèles de Hamadi Jebali et Habib Ellouz qu'au niveau de la base (bureaux locaux et régionaux). Derrière cette cascade de démissions se cache, bien sûr, l'aile dure du mouvement pour laquelle «pas question, alors là pas question de tout céder à Nida Tounès et au retour des rcédistes, quitte à aller renforcer les rangs de l'opposition, et à le faire au détriment du mouvement et de sa survie». Ah, quand les faucons voient rouge... La traversée du désert Or, Ennahdha, comme cela ne suffisait pas à son malheur, ne semble pas au bout de ses peines. En témoignent au moins ces deux indices : - Aux dernières nouvelles éventées par les tractations de coulisses, ledit mouvement n'a pratiquement aucune chance de faire partie de la prochaine équipe gouvernementale. Ce «niet» serait motivé par l'exigence formulée par Ennahdha de s'y attribuer deux ministères qui auraient déjà trouvé preneurs. Le cas échéant, le mouvement aurait tout perdu et n'aura plus qu'à rentrer dans les rangs. - L'appétit venant en mangeant, Marzouki continue aujourd'hui de... recruter dans les rangs d'Ennahdha pour étoffer les effectifs de son nouveau mouvement fraîchement créé. Cet agissement est naturellement vu d'un mauvais œil par les dirigeants nahdhaouis, Rached Ghannouchi en tête, qui le considèrent comme un vrai «hold-up» doublé de «trahison». Pour toutes ces raisons, il n'y a pas photo : Ennahdha est désormais en pleine traversée du désert. Et ce ne sont assurément pas les propos tranquillisants du cheikh et les appels à la retenue lancés à satiété par d'autres poids lourds du mouvement (Abdelfattah Mourou, Samir Dilou, Lotfi Zitoun, Ajmi Lourimi et autres Sahbi Attig) qui prétendent prouver le contraire. Dès lors, tous les regards seront braqués sur la prochaine réunion du Conseil de la choura qui s'annonce d'ores et déjà chaude et qui pourrait s'achever par la prise de décisions qu'on dit «dans la douleur». Reste à savoir si Rached Ghannouchi, en berger chevronné qui se respecte (jusqu'à nouvel ordre ?), parviendra, ou pas, à éviter la dispersion de son troupeau.