En dépit d'un black-out rendu inévitable par une concurrence impitoyable, Ennahdha a presque finalement révélé toutes ses cartes pour les prochaines élections. L'état des lieux... Tranchant avec le brouhaha et les luttes de clans qui accompagnent les préparatifs des autres partis aux prochaines élections présidentielle et législatives, Ennahdha, fidèle à ses habitudes ancrées profondément dans ses traditions, a fait de la discrétion son cheval de bataille. Discrétion presque totale, quand on sait que Rached Ghannouchi et ses hommes n'ont, jusqu'ici, pipé mot sur les noms de leurs candidats à ces échéances, allant jusqu'à pousser le mutisme, digne de la loi de l'omerta, au point d'imposer un implacable black-out sur les «scènes surchauffées» qui ont marqué certaines réunions préparatoires. «Ça n'arrive qu'aux autres», note fièrement un nahdhaoui qui précise, radieux : «Dans notre mouvement et contrairement à ce que mijotent certains, nos débats sont très animés et parfois même tendus, sans pour autant quitter la cuisine interne. Et c'est là que réside notre force». Pour notre interlocuteur, «on n'a pas dérogé à la règle tout au long des réunions préparatoires tenues aussi bien au niveau des bureaux locaux et régionaux qu'au niveau du bureau exécutif et du Conseil de la choura. Ici et là, il y a eu de longues discussions et, dois-je l'avouer, des scènes d'une extrême nervosité. Mais de là à voir une réunion tourner au vinaigre, ou des tentatives d'escalade, ou même des désertions en signe de mécontement, voilà un pas qu'Ennahdha ne franchira pas». Les colombes, mais aussi les jeunes faucons Aux dernières nouvelles, et selon des indiscrétions dignes de foi parce que recueillies quelque part du côté de Montplaisir, Ennahdha semble avoir tiré les choses au clair, en établissant, à un ou deux éléments près, ses listes électorales. Première constatation : les poids lourds du mouvement ont été reconduits pour la campagne électorale qui verra ainsi la participation de la cheville ouvrière composée de Abdellatif Mekki, Mohamed Ben Salem, Noureddine Bhiri, Ali Laârayedh, Fethi Ayadi, Ameur Laârayedh et...le fantasque Abdelfattah Mourou, récupré, nous assure-t-on, en dernière minute ! Chez la gent féminine, on a refait confiance à la même ossature articulée autour de Meherzia Laâbidi, Kalthoum Badreddine et Hela Hammi. Deuxième constatation non moins remarquable : l'avènement de la nouvelle vague des jeunes nahdhaouis, ceux qui feront campagne pour les législatives ont été triés sur le volet parmi les «faucons en herbe» du mouvement qui ont fait La Kasbah 1 et 2, et qui abattent un formidable travail de sape et d'endoctrinement sur la Toile. «Ce rajeunissement, indique notre interlocuteur, a été dicté au plus haut niveau de la hiérarchie et unanimement entériné, afin d'insuffler un sang neuf à notre parti, dans le cadre d'une vision futuriste qui table sur un avenir meilleur». Sans plus de détails, SVP... Pour la pérennité du mouvement Pour récapituler, disons qu'Ennahdha se présentera aux législatives avec une équipe formée de colombes et de jeunes faucons. Et là, nous arrivons à la troisième constatation, à savoir que les grands faucons du mouvement, en l'occurrence Habib Ellouze et Sadok Chourou, n'ont pas été retenus pour la campagne électorale. Renseignements pris, on ne les a pas évincés, puisqu'ils ont été chargés de l'exécution d'une nouvelle stratégie prospective qui consiste à servir le mouvement non pas sur la scène politique, mais dans le domaine social (tissu associatif, mosquées...) dans le double objectif d'assurer une meilleure propagation de l'Islam tel que prôné par Ennahdha, et de garantir la pérennité du mouvement.