Des noms commencent déjà à circuler pour la présidence de l'IVD dont un ancien candidat à la présidentielle L'Instance vérité et dignité (IVD) se trouve ces derniers temps « Au bord de l'implosion », titrait La Presse dans sa livraison de jeudi 27 août. Cette Instance n'est pas, contrairement à ce qui s'écrit et se dit, une instance constitutionnelle. Les instances constitutionnelles, au nombre de cinq, sont, en effet, définies dans le chapitre VI de la Constitution : l'Instance des élections, l'Instance de la communication audiovisuelle, l'Instance des droits de l'Homme, l'Instance du développement durable et des droits des générations futures et l'instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption. Créée au forceps par la loi organique du 24 décembre 2013, relative à la justice transitionnelle, peu avant l'adoption de la nouvelle Constitution, sa durée est limitée dans le temps puisqu'elle « est fixée à quatre (4) années, à compter de la date de nomination de ses membres, renouvelable une fois pour une année, et ce, par décision motivée de l'Instance qui sera soumise à l'assemblée chargée de la législation, trois mois avant l'achèvement de son activité », comme le stipule l'article 18 de ladite loi. Elle connaît, ces derniers temps, beaucoup de remous en son sein et se trouve décriée même par certains de ses membres. Censée « rétablir la dignité afin de parvenir à la réconciliation nationale », avec pour finalité de « renforcer l'unité nationale, de réaliser la justice et la paix sociales, d'édifier l'Etat de droit et de rétablir la confiance du citoyen dans les institutions de l'Etat », elle est beaucoup plus perçue par ses détracteurs comme un « tribunal d'inquisition » pour traquer les régimes de Bourguiba et de Ben Ali, puisqu'elle doit remonter jusqu'au 1er juillet 1955, alors que le pays était encore sous la colonisation française. Une aberration. Des démissions et des accusations L'IVD vient d'enregistrer une quatrième démission en la personne du juge administratif Mohamed Ayadi, pratiquement pour les mêmes raisons, à savoir « un climat délétère et une mauvaise gestion ». La lettre fuitée du vice-président Zouhaier Makhlouf adressée au président de l'Assemblée des représentants du peuple a eu l'effet d'une bombe puisqu'elle a mis à nu les pratiques jugées « arbitraires et déplacées » de Sihem Ben Sedrine. Cette dernière a fait traduire devant le conseil de discipline le directeur des études et des recherches Laroussi Amri pour « incompétence ». Ulcéré, ce dernier a préféré démissionner. Après avoir échoué à réunir, mercredi 26 août, le conseil de l'Instance pour délibérer sur la démission de Ayadi et sur le cas de Zouhaier Makhlouf, faute de quorum, elle l'a réuni hier et a décidé d'exclure ce dernier. Le problème de l'Instance serait-il sa présidente ? Il faut dire que Sihem Ben Sedrine a été imposée par l'ancienne Troïka au pouvoir alors que, selon plusieurs spécialistes et observateurs, elle n'en a pas le profil. Le président d'une Instance de cette importance doit, en principe, remplir des critères de « compétence, d'indépendance, de neutralité et d'impartialité », jouir d'une probité morale intacte et avoir, en plus, le profil d'homme ou de femme d'expérience en matière de justice, un ancien haut magistrat, par exemple. Or, Ben Sedrine est en proie à plusieurs critiques puisqu' on lui reproche notamment sa haine viscérale contre les dignitaires de l'ancien régime, sa propension à jeter l'anathème sur ces « azlems », et à condamner avant de juger. En plus de ne pas avoir la compétence requise dans un domaine, celui de la justice, qui lui est complètement étranger, de par sa formation, et bien qu'elle se targue d'avoir une certaine expérience en matière de justice transitionnelle, elle est perçue beaucoup plus comme «une inquisitrice » que comme « une justicière ». Et ce n'est pas tout. Car la présidente de l'IVD qui n'en démord pas, est accusée d'avoir été derrière la dissolution de l'ancien parti au pouvoir alors qu'elle va juger ses responsables. Elle est désignée comme étant l'instigatrice de la « liquidation » de ce qui est appelé « la police politique », alors que ses membres pourraient être traduits devant « sa juridiction ». Elle est montrée du doigt quand il s'agit de « connivence et de collusion avec des puissances étrangères », le rapport de l'ancien « directeur de la reconstruction et de l'assistance humanitaire en Irak », Paul Bremer, et la lettre de son vice-président, Zouhaier Makhlouf, en donnent les preuves. Certes, elle a été parmi les premières personnalités à fustiger les écarts de l'ancien régime et la corruption des familles qui « pillaient la Tunisie» et elle en a payé pour sa liberté. Mais, pour son malheur, elle a dilapidé ce capital dont elle jouissait et même sa famille politique et ses anciens compagnons de route dans « le combat pour les libertés » l'ont désavouée. Son rapprochement avec la Troïka et surtout avec les sinistres « ligues de la protection de la révolution » ont fini par écorner fortement cette image qu'elle voulait se forger de « militante démocrate », et la discréditer aux yeux de l'opinion publique. Croisade contre l'initiative présidentielle L'initiative du président de la République pour la réconciliation avec les hommes d'affaires, une fois adoptée, finira par réduire le champ d'intervention de l'IVD qui, subséquemment devra se consacrer uniquement aux volets politique et la torture. C'est pourquoi Sihem Ben Sedrine a engagé une « véritable croisade » contre le projet de loi de la présidence, mobilisant autour d'elle beaucoup d'opposants dans les ranges des partis et de la société civile, laissant même libre cours à de graves dépassements langagiers comme c'est le cas d'Aziz Amami qui a menacé « d'incendier le siège de l'ARP » en cas d'approbation dudit projet, devant la sidération de certains membres de l'Instance et la délectation de sa présidente. D'ailleurs, une plainte a été déposée par près d'une vingtaine de députés contre Ben Sedrine et Amami pour « apologie d'une organisation terroriste et menace contre un établissement de souveraineté ». Elle est accusée de « complicité » puisqu'elle a publié l'intervention du blogueur sur la page officielle de l'Instance dans les réseaux sociaux. Déjà qu'elle est accusée de « non-respect aux institutions de la République », le jour où, débarquant en fanfare devant le palais présidentiel, suivie de quelque six camions de déménagement, pour récupérer de force les archives présidentielles dans une démonstration digne d'un « état bananier », elle se voit endosser, par des représentants du peuple, la responsabilité d'inciter à la destruction du « haut lieu » de la jeune démocratie. La réconciliation, c'est le partage équitable de la confiance Quelle issue pour cette situation alambiquée ? Ben Sedrine ne veut en aucun cas lâcher prise et démissionner alors qu'elle sait, après le départ de ses protecteurs, qu'elle est menacée de « destitution ». Les principes du jeu politique sont malléables et les « ennemis » d'hier sont devenus les alliés d'aujourd'hui. Rien n'est exclu et d'autres démissions pourraient intervenir d'ici peu et l'on parle déjà du départ de Hayet Ouertani et Mustapha Baazaoui, ce qui porterait le nombre à six et conduirait, systématiquement, au blocage en cas de non-remplacement des démissionnaires. D'autant plus que près de deux ans après sa mise en place, cette Instance n'a fourni pratiquement aucun travail. Un accord tacite pourrait, alors, intervenir entre les partis de la coalition, pour la recomposition de la direction de l'IVD. Des noms commencent déjà à circuler dont un ancien candidat à la présidentielle et un ancien haut magistrat, aujourd'hui à la retraite. Bien des pays, avant la Tunisie, ont réussi leur réconciliation, sans haine ni rancœur, mais en toute confiance. « La réconciliation, c'est le partage équitable de la confiance ». Beau slogan adopté par la Comité de réconciliation nationale de la Guinée Conakry. A méditer par les tenants de cette orthodoxie revancharde.