Par Abdelhamid Gmati Demain sera « la journée du compromis ». Le 18 août dernier, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, avait appelé au palais de Carthage le président de l'ARP, Mohamed Ennaceur, le chef du gouvernement, Habib Essid, le secrétaire général de l'Ugtt, Houcine Abassi, et la présidente de l'Utica, Wided Bouchamaoui. On y avait longuement discuté de la situation générale du pays et on avait décidé une seconde réunion pour ce 7 septembre, pour évaluer les accords sur les diverses questions et assainir le climat social. Aux dernières nouvelles, les négociations qui se sont poursuivies sans discontinuer ces dernières semaines ont abouti à des accords sur les augmentations salariales et il restait à s'entendre sur la date d'effet. Reste à savoir si cette « journée du compromis » tiendra ses promesses. Si certains cherchent le compromis, à savoir consentir des concessions mutuelles dans l'intérêt général, d'autres, par contre, recherchent la compromission et ne rechignent pas sur les moyens. Le secrétaire général du syndicat général de l'enseignement de base, Masmoudi Gammoudi, annonce «une journée de colère» qui sera observée à l'échelle régionale et centrale avant la grève sectorielle des instituteurs programmée pour les 17 et 18 septembre. De son côté, Lassâad Yacoubi, secrétaire général du syndicat de l'enseignement secondaire, menace : « Si le gouvernement ne tient pas sa promesse, le syndicat prendra des mesures sévères ». Est-ce ainsi que l'on négocie ? Tout le monde s'accorde sur le fait que le pays est « en récession technique ». Cela veut dire que le gouvernement a des difficultés budgétaires. « La loi de finances complémentaire adoptée par l'ARP n'a pas prévu d'augmentation pour 2015 et les dernières augmentations ont coûté près de 700 millions de dinars au budget de l'Etat. Les nouvelles augmentations telles que proposées par la centrale syndicale nécessiteraient la mobilisation de 1,5 milliard de dinars, soit environ 5% du budget total de l'Etat. Or, toujours d'après le gouvernement, l'année 2015 a été difficile, celle de 2016 sera plus difficile encore, alors que 2017 coïncidera avec le début du remboursement des crédits contractés par la Tunisie sous le gouvernement Mehdi Jomaa». Cette réalité ne semble pas émouvoir les syndicalistes qui veulent forcer la main aux gouvernants. Il faut dire que le gouvernement prête le flanc et cède souvent aux chantages. On l'a vu avec l'annulation de sa décision de retenir les jours de salaires des grévistes (sauvages) de l'enseignement. On le voit encore cette semaine avec cette « colère » des agriculteurs suivie immédiatement d'une série de mesures gouvernementales à leur profit. Une question s'impose : si le gouvernement était sensible aux difficultés des agriculteurs et avait arrêté des mesures en leur faveur, pourquoi attendre une manifestation et une « journée de la colère » pour les rendre publiques ? Le gouvernement ne semble pas agir mais il réagit. De ce fait, l'Etat tunisien est faible et semble incapable de faire respecter ses lois. Ce dont profitent les « sans-culottes tunisiens» pour imposer leurs desiderata. Les syndicats de l'enseignement font fi de l'état d'urgence dans lequel se trouve le pays. Et ils le déclarent. Le député du Front populaire Mongi Rahoui clame tout haut : «Cet état d'urgence, nous n'allons pas le respecter et nous allons nous révolter contre lui ». Dans leur « rage » à s'opposer au projet de loi sur la réconciliation économique, certaines parties s'opposent à l'Etat et ne respectent pas les lois. Et elles se disent disposées à utiliser tous les moyens, légaux ou illégaux. Ce comportement s'apparente à celui des « sans-culottes » de la Révolution française. « Les sans-culottes français étaient les défenseurs d'une république égalitaire. Ils sont jugés par les autres révolutionnaires comme « radicaux » car ils prônent une démocratie directe, c'est-à-dire sans intermédiaires comme les députés ». On les appelait ainsi car ils voulaient « se différencier des aristocrates et des bourgeois qui portaient des culottes de soie tandis qu'eux-mêmes se contentaient de pantalons de toile ». Il faut croire que chaque révolution engendre des « sans-culottes ». Nous avons les nôtres. Ils se réunissent, ils discutent, rédigent des pétitions et s'ils ont l'impression que les hommes politiques ne les écoutent pas, ils menacent de descendre dans la rue, de créer du grabuge, voire aller jusqu'à l'insurrection. Ils se retrouvent surtout chez les partis rejetés par les électeurs, les apprentis politiciens, les aigris, et même chez les partis représentés à l'assemblée, qui poursuivent des agendas bien particuliers, bien éloignés de ce que veulent les Tunisiens. Le problème est que le gouvernement cède à leurs revendications et les laisse « régner ». Mais « tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse ».