Le bilan de Habib Essid pour ses cent premiers jours à la tête du gouvernement ne saura être exhaustif. Beaucoup parmi ses promesses et parmi celles de ses ministres ne sont pas concrétisées. On attend encore, entre autres, la loi de finances complémentaire, la création du Conseil supérieur de la magistrature et la législation qui protégera les forces de sécurité dans l'accomplissement de leur mission Demain, samedi 16 mai, arrivent à terme les 100 premiers jours du gouvernement Habib Essid. Et sonne l'heure du bilan des promesses faites par le chef du gouvernement dans son discours d'investiture devant l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) après avoir obtenu la confiance des députés. Laquelle confiance, rappelle-t-on, a été obtenue à une large majorité de plus de 160 députés puisque les quatre partis formant la coalition gouvernementale (Nida Tounès, Ennahdha, Afek Tounès et l'Union patriotique libre) ont massivement accordé leur aval aux programmes et choix de Habib Essid. Le chef du gouvernement ayant livré sa feuille de route, les ministres ont été invités à présenter, chacun de son côté, dans un délai de dix jours, les cinq premières priorités pour les fameux cent premiers jours. Et ce fut un ballet interminable au cours duquel les ministres dévoilaient devant les journalistes les actions qu'ils allaient entreprendre en priorité durant leurs cent premiers jours. Qu'ont-ils réussi à concrétiser parmi les promesses qu'ils se sont engagés à tenir ? Certes, le pré-bilan que nous nous proposons de dresser dans notre présent article n'est pas exhaustif ou détaillé comme le promet l'Organisation I Watch qui va dévoiler demain «un rapport détaillé, chiffres à l'appui, qui démontre si le chef du gouvernement a bien tenu ses promesses, en particulier celles relatives aux mesures urgentes». Toutefois, nous évoquerons les grandes promesses et les événements les plus importants qui ont émaillé les trois premiers mois du quinquennat Habib Essid (au cas où il garderait son poste de chef de gouvernement jusqu'en 2019). Pléthore de grèves ! Et s'il existe un qualificatif à ce premier trimestre inaugural de l'ère de la stabilité tant attendue, c'est bien celui du débrayage général et généralisé où tout le monde a arrêté de travailler pour exiger une augmentation salariale promise par les deux gouvernements de la Troïka et celui de Mehdi Jomaâ et restée sans suite, ou demander que le modèle de développement soit revisité ou que les institutions constitutionnelles (comme le Conseil supérieur de la magistrature) soient instituées dans les délais prescrits par la constitution et soient ouvertes au maximum des composantes du secteur afin que tout le monde y trouve son compte. On commence par les enseignants du secondaire qui ont fini par faire plier Néji Jalloul, ministre de l'Education, et l'obliger à accéder à leurs demandes en attendant que les instituteurs obtiennent gain de cause. Parallèlement, le ministre de l'Education annonce la guerre aux cours particuliers et promet de les éradiquer, sans préciser comment il va procéder pour forcer les appartements particuliers où ces cours sont donnés. Il lance également le débat national sur la réforme éducative en obéissant en dernière minute au diktat des syndicats de l'enseignement et en oubliant d'inviter l'Utica aux assises du Palais des congrès de Tunis. Mais Néji Jalloul ne lâche pas prise et agit sur le terrain en multipliant les visites d'inspection dans les écoles primaires et collèges secondaires à l'intérieur du pays pour découvrir que beaucoup d'établissements sont à reconstruire entièrement et pour annoncer que la société civile est appelée à renouer avec les bonnes habitudes des premières années de l'indépendance quand les Tunisiens construisaient par leurs propres moyens les écoles auxquelles ils envoyaient leurs enfants. Le bilan de Néji Jalloul comporte tout de même une réalisation. Il s'agit d'une salle désaffectée au lycée Bourguiba (ex-lycée Carnot) qui vient d'être réaménagée grâce à l'appui du Centre culturel français pour servir d'espace d'animation culturelle, laquelle activité a pratiquement disparu de nos lycées depuis la révolution et que le ministre cherche par tous les moyens à réinstituer. Les forces de sécurité attendent toujours d'être protégées Najem Gharsalli, ministre de l'Intérieur, qui a été parmi les derniers ministres à révéler ses cinq priorités, peine toujours à faire valoir la loi qui protégera les forces de sécurité lors de l'accomplissement de leurs tâches en faisant la guerre aux terroristes. La loi sur la répression des atteintes aux forces armées, sortie des tiroirs de Ali Laârayedh à l'époque où il était ministre de l'Intérieur, a provoqué un tollé général et même les forces de sécurité qui étaient censées en bénéficier l'ont refusée en bloc. On attend toujours ce que les députés vont en faire en commissions parlementaires. Quant à la guerre contre les terroristes, elle se poursuit et les arrestations ou les des opérations terroristes découvertes lorsqu'elles sont en cours de préparation sont publiées tous les jours sur les quotidiens de la place. La stratégie d'information a semble-t-il changé puisque les sources sont maintenant diversifiées et on n'est plus suspendu au bon vouloir de Mohamed Ali Laroui qui a toujours ce petit faible pour la télévision, dans la mesure où Rafik Chelli, le secrétaires d'Etat chargé de la Sécurité livre aussi les informations qui lui passent entre les mains. Il reste, cependant, que le fameux congrès national sur la lutte contre le terrorisme est encore un projet. Des augmentations salariales en cascade Volet augmentations salariales, les salariés de la fonction et du secteur publics (au nombre de près de 750 mille) ont réussi à arracher une majoration salariale de cinquante dinars pour le compte de 2014 et une promesse qu'ils seront aussi augmentés pour 2015 et 2016. En contrepartie, le ministère des Affaires sociales est revenu à la charge (peut-être avec l'appui de l'Ugtt) et à l'idée de faire prolonger de deux années l'âge de la retraite. Les bourdes du professeur Taïeb Baccouche, ministre des Affaires étrangères a beau promettre de recentrer la diplomatie tunisienne et lui permettre de retrouver l'aura et le respect dont nos diplomates bénéficiaient sur les scènes régionale et internationale, à l'arrivée, il a réussi à provoquer une crise, heureusement rapidement contenue, avec la Turquie quand il l'a accusée de faciliter l'accueil des terroristes jihadistes tunisiens et leur transfert en terre syrienne. Pour ce qui est du rétablissement des relations diplomatiques avec la Syrie, il a obligé le président de la République, Béji Caïd Essebsi, à le désavouer publiquement en déclarant : «L'ambassadeur syrien ne reviendra pas en Tunisie», contrairement aux déclarations de son ministre des AE. Le bilan de Taïeb Baccouche serait sûrement tronqué si l'on ne parlait pas de l'affaire Soufiène Chourabi-Nadhir Ktari. En effet, selon les déclarations des familles des deux journalistes, le ministère des Affaires étrangères a promis de prendre les choses en main. Malheureusement, il n'a réussi qu'à faire de fausses promesses. Et l'on s'est retrouvé, en fin de compte, devant la nécessité de dire, par la voix du chef de l'Etat : «Nous avons fait ce que nous pouvions faire». A quand la loi de finances complémentaire ? Slim Chaker, ministre des Finances, promet une loi de finances complémentaire qui permettrait de renflouer les caisses de l'Etat laissées vides par Mehdi Jomaâ, de rassurer, d'un côté, les fonctionnaires de l'Etat sur leurs salaires et, de l'autre, les investisseurs tunisiens et étrangers qui voudraient reprendre leurs activités sur le marché tunisien. Voilà cent jours qu'on est suspendu à ce que Slim Chaker va proposer à l'Assemblée des représentants du peuple. En attendant que les choses se clarifient, la Compagnie des phosphates de Gafsa a fermé samedi 9 mai sa dernière unité de production. La veille, le vendredi 8 mai, Béji Caïd Essebsi assurait sur la chaîne El Hiwar Ettounsi que Habib Essid lui a promis «une solution finale dans une semaine ou au plus tard dix jours». Les créateurs attendent Latifa Lakhdhar Du côté du ministère de la Culture, ce sont les créateurs et les producteurs qui ne sont pas en odeur de sainteté auprès du département qui s'activent et s'impatientent pour savoir ce que Latifa Lakhdhar, la nouvelle ministre de la Culture a programmé en prévision de l'été culturel. On ne sait pas encore si Sonia M'barek va préserver son poste de directrice du festival de Carthage ou si la politique gérant les festivals régionaux et locaux va changer ou non. Pour le moment, Latifa Lakhdhar se familiarise avec les arcanes du ministère de la Culture et les administrateurs qui y exercent depuis l'ère Bourguiba. Elle a quand même pris une décision : Brahim Ltaïef, le réalisateur-chroniqueur sur Mosaïque, dirigera la prochaine édition des Journées cinématographiques de Carthage. Parallèlement, les cinéastes tunisiens rateront le festival de Cannes et les producteurs perdront le stand de la Tunisie au marché du film.