Avec ces décisions fortes le prix de la viande devrait baisser nettement…    Fédération de l'enseignement de base : Titularisation de 850 agents temporaires chargés de l'enseignement    BAD: Nouvelle nomination pour Jalel Trabelsi    Néji Ghandri : malgré une année 2023 difficile, Amen Bank a relevé plusieurs défis    Burkina Faso : BBC et Voice of America suspendus pour avoir évoqué les centaines de civils tués par l'armée    Omar El Ouaer Trio et Alia Sellami au Goethe Institut Tunis pour célébrer la journée internationale du Jazz    Thibaut Courtois de retour après huit mois d'absence    Guerre en Ukraine: Situation actuelle (Ambassade d'Ukraine en Tunisie)    Fini les récompenses de TikTok en Europe, et un départ probable de ByteDance des USA    Le nouveau pont de Bizerte : Date de début des travaux    La Mauritanie joue dans la cour de l'Egypte et du Maroc : les Européens signent 3 accords qui pèsent lourd    ActionAid : G-a-z-a devient "un cimetière" pour les femmes et les filles    France-Attal sait où trouver l'argent : TotalEnergies affiche un bénéfice net de 5,7 milliards de dollars en 6 mois    Ons Jabeur affronte Leilah Fernandez en 16e de finale du tournoi WTA 1000 Madrid    Match Mamelodi Sundowns vs EST : où regarder la demi-finale de ligue des champions du 26 avril?    Energie: Tunisiens et Ivoiriens explorent de nouvelles opportunités d'affaires    Fléau de la violence: Une enseignante agressée par un parent d'élève à Béja! [Vidéo]    Les prix des moutons de sacrifice pourraient augmenter cette année pour ces raisons [Déclaration]    Ministère de l'éducation : Un programme de lutte contre les fraudes dans les examens nationaux    Béja : Les récentes précipitations favorables à près de 30% des superficies céréalières    Interruption temporaire du site de l'ATTT pendant deux heures    Réunion de concertation Tunisie-Algérie-Libye : «Le Sommet de Tunis est inédit»    Sousse - L'Institut français de Tunisie inaugure un nouvel espace dédié à la jeunesse et à la coopération    Hédi Timoumi : certains donnent des cours d'histoire sans l'avoir jamais étudiée    Journée internationale de la danse : Le Théâtre de l'opéra de Tunis organise la manifestation "Danse pour Tous"    Institut de Presse et des Sciences de l'Information : Un nouveau centre de recherche sur les médias, la communication et la transition    Composition probable de l'EST face à Mamelodi Sundowns    L'Office des phosphates marocain lève 2 milliards USD sur les marchés internationaux    Daily brief national du 26 avril 2024: Saïed s'entretient au téléphone avec Emmanuel Macron    Les préparateurs en pharmacie porteront le brassard rouge à partir du 3 juin    Ligue des champions – Demi-finale retour – Ce soir (19h00) – Mamelodi Sundowns-EST : Faire attention à tous les détails...    Les chinois chargés de remettre à niveau le Stade d'El Menzah : Dans le vif du sujet    Expatriés : Derby County sur Driss Mizouni    Miguel Cardoso : Détermination absolue avant la bataille contre Mamelodi Sundowns    Le statut de l'artiste exige une classification fiscale    En bref    Exposition pluriculturelle «Regarde !», du 27 avril au 19 mai, à l'espace d'art Sadika à Gammarth : Autres perspectives de l'Art    Météo : Températures maximales comprises entre 19 et 25 °C    Entretien Saïed-Macron : La version de l'Elysée    Kais Saied réaffirme l'indépendance financière de la Tunisie lors de sa rencontre avec le gouverneur de la BCT    Nabil Ammar participe à la 11e session du Comité mixte tuniso-camerounais à Yaoundé    Kaïs Saïed, Emmanuel Macron, affaire de complot… Les 5 infos de la journée    Hamma Hammami : Kaïs Saïed opère de la même façon que Zine El Abidine Ben Ali    Kenizé Mourad au Palais Nejma Ezzahra à Sidi Bou Said : «Le Parfum de notre Terre» ou le roman boycotté    Safi Said poursuivi suite à son projet pour Djerba    Hospitalisation du roi d'Arabie saoudite    L'homme qui aimait la guerre    Soutien à Gaza - Le ministère des Affaires religieuse change le nom de 24 mosquées    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Entretien avec Guilda Chahverdi, commissaire de l'exposition : «Une nouvelle génération d'artistes qui ose !»
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 12 - 2019

Près de vingt ans après la chute des talibans, quelle est la situation en Afghanistan aujourd'hui ?
Après la chute des talibans en 2001, le pays a connu une belle effervescence. Des sommes importantes ont été dépensées pour la reconstruction, pour développer l'économie, l'éducation, la culture… Mais la gestion des dépenses n'a pas profité au renforcement de l'Etat : la corruption triomphe, les services publics sont défaillants…
Et la confiance des Afghans envers leur gouvernement s'en est trouvée affaiblie. Dans ce pays en reconstruction, encore fragile, les talibans, qui s'étaient retranchés après 2001, ont progressivement regagné du terrain. Ainsi, dès 2005-2006, les attentats ont recommencé, ils sont devenus une nouvelle arme de guerre. Durant leur période de repli, les talibans ont noué des alliances, notamment avec le Pakistan et l'Arabie saoudite qui ont tout intérêt à maintenir les divisions dans ce pays et à soutenir les mouvements extrémistes sunnites, afin, surtout, de se préserver de l'Iran chiite. L'argent de l'opium, entre autres ressources, leur aurait aussi permis de se procurer des armes. Ils ont de toutes les façons déjà créé un gouvernement parallèle : il y a aujourd'hui un Etat taliban dans l'Etat. En 2019, on estime que les talibans contrôlent 70 % du territoire de l'Afghanistan.
Le pays se trouve donc au bord d'une impasse pouvant mener à la guerre civile. La fragilité de l'Etat afghan réveille les divisions ethniques du pays. Les armes circulent, l'économie est faible, la pauvreté n'a pas été éradiquée, le taux de corruption est l'un des plus élevés au monde. La population afghane n'est pas explicitement «pro-talibane». Mais ces derniers ont des moyens financiers et peuvent sembler plus à même d'assurer la sécurité et la protection de la population. L'appui du gouvernement est en définitive perçu comme moins fiable que celui des talibans ! Si un policier afghan est rémunéré 200 dollars, les talibans peuvent lui donner le double, voire le triple s'il travaille pour eux. Ils peuvent même faire figure de rempart contre la corruption !
Pourquoi avoir choisi l'art contemporain pour nous parler de l'Afghanistan ?
Quand on pense à l'art en Afghanistan, on pense à l'archéologie ou à l'orientalisme. Ici, nous sommes dans un contexte tout à fait autre : l'exposition présente une création contemporaine afghane arrivant à une certaine forme de maturité. Cette nouvelle génération d'artistes ose, et c'est bien ce qui fait son originalité. Qu'ils soient peintres ou photographes, ce qui intéresse ces artistes, c'est raconter des histoires. On peut y voir, en quelque sorte, une façon de réinventer la tradition du conte à travers, non pas des récits traditionnels, mais l'histoire contemporaine de l'Afghanistan. Une histoire qui, aujourd'hui, n'est pas enseignée.
Pour cette exposition, nous avons choisi onze artistes, dont la majorité vit encore en Afghanistan. Chacun à sa manière, ils parlent de leur quotidien, ils racontent l'insécurité, comment ils la vivent, comment ils la sentent. Ils s'interrogent sur cette violence permanente qui les révolte et les inspire en même temps, non sans ressentir une forme de malaise.
Ils souhaitent enfin aller au-delà des clichés décrivant un pays figé dans les ruines de la guerre : l'Afghanistan participe pleinement au phénomène de mondialisation avec Internet, les plateformes de streaming, etc. Aujourd'hui, les connaissances circulent, le regard sur le monde est direct, le pays n'est plus enfermé sur lui-même.
Mais il est vrai que la modernité n'est pas toujours bien acceptée dans une société encore très marquée par le poids des traditions et de la religion. Dans l'exposition, on verra par exemple le travail de M. Mahdi Hamed Hassanzada, qui a quitté le pays où il se sentait mal accepté du fait qu'il était artiste, appartenant à la minorité Hazara et homosexuelle.
Comment avez-vous choisi les artistes participant à l'exposition ?
Nous avons essayé de faire une sélection relativement représentative de la société afghane, mais nous n'allions pas faire des « quotas » avec une certaine part de Pachtounes et de Hazaras, d'hommes et de femmes… Il s'agissait donc tout simplement de choisir des artistes aboutis, qui sont confrontés au risque sécuritaire dans leur quotidien et dont les propositions sont ancrées dans la réalité du pays.
Chacun d'entre eux raconte quelque chose de la société afghane, chacun d'entre eux apporte une couleur différente permettant de comprendre la complexité de ce pays traversé par une certaine modernité, mais qui se révèle être un huis clos dans lequel chacun est assigné à résidence.
Une des conséquences du risque sécuritaire est la migration. Parmi les artistes participant à l'exposition, certains ont dû quitter leurs pays : Kubra Khademi, qui vit en France, et M. Mahdi Hamed Hassanzada, qui vit à Chicago. Le cas de Zolaykha Sherzad est un peu particulier, car elle vit entre les Etats-Unis, l'Europe et Kaboul. Plusieurs raisons ont motivé ce choix.
D'abord, le Mucem est un musée des civilisations, des arts et des traditions populaires. Il nous semblait dès lors important d'évoquer dans l'exposition l'artisanat, l'art du tissage, la préservation et la transmission des savoir-faire. L'installation de Zolaykha Sherzad reprend par ailleurs la technique du plissage utilisée pour le Tchadri, cet habit que porte la femme afghane et qui raconte beaucoup de son évolution dans la société, de sa place dans l'espace public. Enfin, cette structure permet de créer un espace qui nous a semblé propice au conte…
Que signifie le mot kharmohra, qui a donnénson titre à l'exposition ?
Cela fait référence à une croyance ancienne : la « pierre de kharmohra » ou « pierre de l'âne ». En réalité, il ne s'agit pas d'une pierre, mais d'une glande ou d'un cartilage situé dans la gorge de l'animal, qui, une fois retiré puis séché, ressemble à une pierre. En Afghanistan, la tradition veut que l'on apporte cette pierre à un mollah – qui soufflera certains versets du Coran dessus – afin de voir son vœu exaucé. Mais cette pierre a un coût, il faut payer le mollah. Et puis souvent, le souhait ne se réalise pas.
Nous avons choisi ce titre pour faire un parallèle avec la sécurité en Afghanistan. Elle a coûté des milliards de dollars, elle a coûté des vies, mais on n'en voit toujours pas la couleur. C'était l'idée de l'artiste Abdul Wahab Mohmand qui a utilisé cette parabole pour évoquer la manipulation dont sont victimes les Afghans.
On aurait donc envie de faire une réponse un peu simplificatrice, mais non dénuée de réalité : on sait aujourd'hui que personne n'a intérêt à ce que l'Afghanistan devienne un Etat fort. Car ainsi peut y circuler tout ce que l'on veut : drogue, armes… Un tel territoire est bien utile dans cette zone tiraillée entre l'Iran, l'Inde, le Pakistan, l'Arabie saoudite, la Turquie, la Russie, la Chine… Tout cela, les Afghans le savent, ils ne sont pas dupes. C'est leur histoire depuis quarante ans, et même bien plus…


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.