Par Khaled Tébourbi L'automne n'est pas «la saison morte» des arts. C'est juste, une courte halte pour la scène. Les spectacles se raréfient après la folle «équipée» de l'été. Et les médias écopent de la pénurie que tout le monde sait (sauf les télévisions !). Mais s'agissant du reste, de tout le reste, c'est-à-dire de l'écriture, de la création, de la production, de la programmation, de la préparation, des événements (il s'en profile) personne n'est, à proprement dire, à l'arrêt . On sait que JCC et JTC sont aux portes. Le public ne s'en rend sans doute pas compte, quelques confrères, peut être aussi, mais c'est déjà le branle-bas de combat. Il y a une organisation à mettre au point, il y a des concours à affûter, des pièces et des films à préparer ou à ramener. Il y a, surtout, une communication à mettre en place. La communication attire les foules et l'argent. La substantifique moelle aujourd'hui. A fortiori, nul ne s'autorise le moindre repos. Sans exception: les organisateurs, les décideurs, les artistes, bien sûr, les «gens de l'ombre», «ces héros que l'on ne voit pas et qui font pratiquement tout le boulot» écrivait l'autre jour Dorra Bouchoucha, ex-directrice des JCC. Non, nos arts ne sont pas à l'arrêt. On a évoqué le théâtre, le cinéma, ça bouge aussi dans la musique, ce qui étonne un peu, car après les festivals, chanteurs, danseurs et musiciens sont plutôt harassés. ça bouge de partout. A commencer par «nos prestations» à l'étranger. Elles sont fréquentes, mais on en parle peu. Dhafer Youssef et Yassmina Azaiez se produisent régulièrement au plus haut niveau du circuit culturel mondial. Sonia M'barek était en concert, ce 8 septembre, au Queen Elisabeth hall à Londres. Bouchnaq et Sabeur Rebaï sont également à pied d'œuvre au Maghreb, au Khalij ou en Egypte. Côté diplomatie culturelle, on ne peut être mieux servi. Les événements, ensuite. L'octobre musical de notre ami Okbi, tout proche, et toujours d'un bon choix. Et «Mùsiqat» en novembre à Ennejma Ezzahra. La reprise est rapide. Agrémentée, cette année(le 1er novembre au théâtre municipal de Tunis)par un concert de musique classique arabe(«voix de demain») conçu et dirigé par le luthiste, musicologue et compositeur Mohamed El Mejri. Ce travail vient prolonger «les hymnes à l'amour et à la paix» présentés, l'été dernier, au festival de Carthage, qui eurent un certain succès critique, mais qui déplurent visiblement à nombre de spectateurs et commentateurs de radios et de télés. Un avis :on a eu tort de faire la moue à une musique exécutée, alors, à des niveaux d'excellence. Le projet musical de Mohamed El Mejri n'a pas changé depuis les années 80, depuis qu'il a composé «Tir El Hammam» et «Eaouegt iji» pour Amina Fakhet, «Mahla Al Hayet» pour Sonia M'barek, «Matkhallinich» pour Sabeur Rebaï, «Akhaf Alik» pour Najat Attia et d'autres petits joyaux encore à l'adresse de jeunes nouveaux talents . C'est un projet de réhabilitation de la chanson et du chant classiques arabes, ceux que l'on attribue au Maqam (le modal)à ses subtils quarts de tons et à ses fines variations; ceux que le regretté grand critique musical égyptien Kamal Ennejmi qualifiait de «Fann El Motqan» (art de l'élaboré). Réhabilitation par référence à la grande tradition du Charqui, mais dans le même temps à travers un essai d'harmonisation et d'enrichissement sonore et acoustique. Les compositions de Mohamed El Mejri ont d'emblée fait école, et font toujours école, principalement parce qu'elles ont apporté à la musique locale(tunisienne)cette orientalité propre et cette modernité qui souvent, très souvent , lui aura fait défaut. Le concert «voix de demain», poursuivra sur la même voie. Il faut espérer que les écoutes soient plus attentives cette fois-çi, la bonne chanson savante et le bon vieux chantent le mériteraient bien. On se bouge dans la musique, on va clairement de l'avant. A preuve, aussi, les Jmc qui se remettent en route, même équipe et même date(fin mars)que l'an dernier. Le nouveau concept du concours(créations de 30 à 50 minutes)la diversité sans limites, l'ouverture à l'Afrique et au monde arabe, devraient être maintenus. La question , dès lors, est de savoir si les professionnels de la «Wataria» voudront, enfin, tendre la main. On verra. Mais ces Jmc n'en sont, décidément, qu'a leurs débuts. Le chemin de la réussite est encore long. Un mot , pour finir, à propos de l'arrivée de Saima Sammoud à la direction de la musique et de la danse au ministère de la Culture. Place à la jeunesse. On félicite et on applaudit : le nom, le profil académique et personnel sont très appréciés dans le milieu. Et nos encouragements vont à notre ami Fathi El Ajmi qui quitte le poste, fort d'éminents services rendus et du souvenir d'excellents rapports humains.