La commission de sélection n'a pas encore tranché et il n'y a pas d'intention de censure en vue. Les filles de Much loved continuent à être harcelées. Voici quelque chose qui devrait nous étonner alors que la polémique autour du film de Nabil Ayouch, interdit au Maroc, est censée s'estomper. C'est une interview de l'actrice marocaine Lobna Abidar pour Télérama qui relance la question. «Des tas de gens m'ont dit de ne pas le faire (jouer dans ce film). Et maintenant, ces gens-là ne me regardent plus, ne m'adressent plus la parole. Au Maroc, on me traîne en justice. Je suis accusée de faire du cinéma pornographique et d'encourager les jeunes filles à se prostituer. Je me suis dit : un homme a le courage de faire un film sur ces femmes et toi, tu aurais peur ? En tant que femme, je devais avoir du courage moi aussi. Et puis, le film allait être fait par Nabil Ayouch, notre grand réalisateur. Travailler avec lui, c'était un rêve : je pouvais être sûre que je serais juste, j'avais confiance en moi et en mon travail. Ça m'a donné encore plus de courage. Je me disais aussi : si on ne fait pas ce film maintenant, on le fera quand ? On nous dit toujours que la société marocaine va changer, que ça finira par arriver un jour. Moi, je préfère que ce jour-là, ce soit aujourd'hui. Il faut beaucoup de courage pour se dire ça !». Rien ne semble avoir changé depuis que les actrices ont été escortées par des gardes du corps après la projection du film dans la quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes. «C'est une réalité que le Maroc ne veut pas voir», «c'est un film provocateur», combien de fois avons-nous entendu ces phrases serinées par les médias. Soit, mais on sait bien que ce métier existe bel et bien partout dans le monde à des échelles différentes, mais ce que peu de gens ont remarqué, c'est que ces femmes ont conquis leur indépendance, leur petit espace — elles sont quand même maîtresses de leur entreprise —, n'ont pas de souteneurs, comme il y en a en Occident. Ces paroles sont en substance celles de Nabil Ayouch aussi, qui affirme avoir dressé un miroir à la réalité. Mais voici que les Tunisiens cinéphiles qui sont en train de suivre cette polémique se posent cette question : le film sera-t-il présenté aux JCC cette année ? Le film a été déjà présenté pour la sélection et la commission n'a pas encore tranché; cela dit, nous croyons savoir que la décision de cette commission serait souveraine et qu'il n'y a aucune intention de censure de la part du ministère de la Culture.