Un film à contre-courant des flux médiatiques qui ont conduit au «printemps arabe» Voici un film marocain qui n'a pas laissé indifférent en raflant au moins six prix dans des festivals prestigieux. Encore la preuve que les cinéastes marocains savent raconter une histoire passionnante qui parle de politique et qui interroge la mémoire sans passer par la case usitée de l'invective et de la mise à l'index au premier degré. Le film est sorti en 2013 et il ne fut pas sélectionné au Festival de Cannes, mais plutôt par l'Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid) qui organise une sorte de «sélection» en marge du Festival de Cannes. Sa sortie commerciale est prévue pour 2014 et on espère que les distributeurs tunisiens l'auront programmé... «Un road movie punk au cœur du printemps arabe», lit-on sur l'affiche du film en forme de pitch accrocheur. Mais lorsque nous avons visionné ce film au Festival méditerranéen de Bruxelles, on s'était dit que l'accroche n'exprime pas un propos d'une telle force. D'abord, le synopsis : «Maroc 1981. Durant les émeutes du pain, Majhoul est emprisonné. Trente années plus tard, il est libéré en plein «printemps arabe». Une équipe de télévision publique, à la recherche du sensationnel et qui réalise un reportage sur les mouvements sociaux au Maroc, décide de le suivre dans la recherche de son passé». Cela semble presque une histoire banale, comme celle de milliers d'hommes libérés des geôles des dictateurs suite à ce que l'on nomme le «printemps arabe»... Mais voici que le traitement du film, l'étonnant parti pris dans la réalisation et le montage des images, et la structure narrative ont tout changé ! Le réalisateur y introduit le concept de la caméra «youtubienne» avec laquelle il réalise des mises en abîme et s'accorde des libertés nouvelles sur le grand écran. Il y a aussi le jeu de l'acteur principal Hassan Badida qui a fini par couronner l'ensemble car il s'agit d'un rôle de composition assez difficile durant l'heure et demie que dure le film. En fait, C'est eux les chiens emprunte quelques expressions du langage documentaire pour offrir une superbe mise en image des révoltes passées et à venir, tout en posant la question de la mémoire collective. Le comédien Hassan Badida, en fantôme rescapé de prison, au début muet et hagard, devient la locomotive d'un thriller attachant où la manipulation des images par le pouvoir devient le principal enjeu. Et c'est en filigrane que se dresse le point de vue d'un réalisateur qui se bat contre les images qui créent l'amnésie collective. Le film est produit par Nabil Ayouch, le réalisateur marocain de Ali Zaoua et Les chevaux de Dieu, qui a distingué le jeune cinéaste lors de son premier long métrage en 2011 (The End) tourné en noir et blanc. Nabil Ayouch aurait volontairement produit ce film sur fonds propres.