Demain, à la Bibliothèque nationale, une journée de débat sera consacrée à la société civile tunisienne. Une initiative du Global Studies Institut de l'Université de Genève et de l'Association Beity Elle est considérée, d'après les observateurs de la scène politique tunisienne, parmi le meilleur de ce que la révolution et la transition ont engendré. Réactive, vivace, pleine de ressources, certains vont même jusqu'à affirmer que c'est grâce à la vigilance de la société civile et à son expertise, notamment en matière de droit constitutionnel et de veille électorale, que la transition politique a pu suivre, sans grands heurts, son cours dans le premier pays du «Printemps arabe». Les organisations de la société civile se sont-elles quelque part substituées à des instituons étatiques que la révolution a ébranlées ? A travers la voie des hommes et des femmes, qui la constituent, la société civile compte-t-elle désormais peser dans la vie de la cité selon un impératif paru dans les années 60, celui de « démocratiser la démocratie ? Que reste-t-il de cet enthousiasme cinq après la fuite d'un dictateur, qui a aliéné par la force, par la peur, une bonne partie de ces énergies tout au long de son règne ? Grâce à un décret-loi libéral en matière de création d'ONG, celui du 24 septembre 2011, près de 10.000 associations voient le jour le long de ces cinq dernières années. Elles s'ajoutent aux 8.052 associations dénombrées à la veille du 14 janvier. Toutes ne sont certes pas animées par le même dynamisme, ni le même sens de l'intérêt public. Beaucoup sont entrées dans le jeu de la bipolarisation politique, qui a marqué la période post-23 octobre 2011... Mais face à cet arsenal important, et à tous ses enjeux, très peu d'occasions de réflexion et de débat sur la société civile ont eu lieu en Tunisie. Une initiative dans ce sens vient du Global Studies Institut de l'Université de Genève, qui conduit actuellement une étude sur «les préoccupations et les aspirations des sociétés civiles dans le monde arabe». Il soutient dans ce cadre une série d'ateliers dans les pays de la région. En partenariat avec l'association tunisienne Beïty, une journée d'étude et de discussion intitulée «La société civile cinq ans après la révolution» sera organisée demain à partir de 9h30 à la Bibliothèque nationale de Tunis. «Le débat que nous organisons n'a pas pour objet d'établir un diagnostic précis de la société civile tunisienne. Il ne s'agit pas non plus de définir le rôle précis de cette entité par rapport à la classe politique (contre-pouvoir, appui au gouvernement de transition, force de proposition ou autre). Il nous paraît en revanche utile et opportun de réinterroger le rôle et l'implication de ses acteurs durant cette période de transition», écrivent dans leur note de cadrage Khadija Mohsen-Finan (Global Institut) et Sana Ben Achour (Beity), les deux initiatrices de la table ronde. Cette rencontre rassemblera une trentaine d'acteurs de la société civile qui opèrent dans différents domaines : migration, médias, fonctionnement des institutions, consultation électorale, santé, femmes, jeunesse, droits et libertés, précarité et justice sociale. Du vécu et de l'expérience de ces agents des transformations sociales et politiques, qui ont marqué le pays ces cinq dernières années, émergeront probablement des lignes et des perspectives de recherche pour les temps à venir.