80% des familles tunisiennes refusent de faire don des organes de leurs proches décédés ou en état de mort encéphalique Alors qu'on célèbre partout dans le monde la Journée mondiale du don d'organe et de la greffe, le geste de faire don de ses organes en Tunisie peine à entrer dans les mœurs, alors qu'il peut sauver des vies. L'approche d'une famille en deuil reste toujours aussi difficile pour les médecins qui essuient souvent un refus net de proches ne voulant pas faire don des organes de leur enfant ou proche décédé ou en état de mort encéphalique (EME). Alors que la réglementation en vigueur depuis 1993 donne la possibilité aux personnes de mentionner le terme « donneur » sur leur carte d'identité, on omet souvent de le dire à ceux qui veulent faire ou renouveler leur carte d'identité. On ne communique pas assez sur ce sujet, a affirmé le ministre de la Santé, Said Aidi, au cours d'une conférence de presse organisée, hier, à la faculté de Médecine par le Centre national pour la promotion de la transplantation d'organes (Cnpto) ajoutant, par ailleurs, que la société civile peut jouer un rôle important en sensibilisant les citoyens au don d'organes. Pénurie de greffons cadavériques Le ministre de la Santé a, par ailleurs, appelé les cadres du Cnpto à élaborer un projet afin de promouvoir le don d'organes, en coordination avec les associations œuvrant dans ce domaine. Ils sont des centaines de malades à figurer sur une liste d'attente anonyme et à nourrir l'espoir de recevoir, un jour, un rein, un foie ou un pancréas leur permettant de retrouver une vie normale dans la mesure où la greffe d'organes représente la meilleure alternative thérapeutique pour l'insuffisance rénale et la cirrhose du foie. En Tunisie, entre 30 et 40% des insuffisants rénaux et des malades atteints de troubles cardiaques, pulmonaires et hépatiques finissent par trouver un donneur. 1.325 malades figurent, par contre, sur la liste d'attente d'un rein. Mais, cet organe n'est malheureusement pas disponible en quantités suffisantes et les candidats potentiels doivent patienter parfois des années avant de trouver un rein ou un foie. Ils sont, par ailleurs, entre 100 et 200 candidats à figurer sur la liste d'attente d'un foie, 50 à être inscrits chaque année sur la liste d'attente d'un cœur alors que entre 50 et 54 cas nécessitent une transplantation pulmonaire. Entretemps, certains patients finissent par décéder, faute de donneur. Entre 1986 et 2014, 1.598 transplantations rénales ont été réalisées, à partir d'organes provenant de donneurs en mort encéphalique (21%) et de donneurs vivants apparentés (79%). S'agissant des organes du foie et du cœur, 39 transplantations de foie et 18 transplantations cardiaques ont été également effectuées. Mais bien que la Tunisie dispose de compétences tunisiennes reconnues, les greffes d'organes réalisées chaque année restent faibles. La pénurie de greffons cadavériques, le nombre encore élevé des cas de mort cérébrale non déclarées, le nombre limité des structures hospitalières spécialisées dans les transplantations d'organes et le taux de refus élevé des familles tunisiennes (plus de 80% des familles tunisiennes refusent de faire don des organes de leurs proches décédés pour des motifs culturel, religieux....) figurent parmi les principales causes responsables de la baisse du nombre de transplantations d'organes en Tunisie, a indiqué Mme Rafika Bardi, directrice du Cnpto et professeur d'immunologie à la faculté de Médecine de Tunis. S'exprimant sur le refus des familles, la directrice du Centre a, en outre, souligné que les informations et les messages diffusés dans les médias sur la greffe d'organes en Tunisie ont contribué à accroître la méfiance des citoyens vis-à-vis des structures hospitalières publiques « irrespectueuses de l'intégrité physique d'une personne qui décède », selon le citoyen lambda. Pour dissiper ces préjugés courants, le Cnpto prévoit d'élaborer une stratégie de communication, d'information et de sensibilisation destinée aux cadres médicaux et aux citoyens. Présents à cette journée, des patients ayant subi une greffe d'organes ont pris également la parole pour témoigner de leur expérience. I.H.