Architecte de formation, designer par passion, journaliste à l'occasion, Chacha Atallah est de ces touche-à-tout de talent qui font bien tout ce qu'ils entreprennent. C'est à Paris qu'elle commence son parcours, dans une école d'architecture de la ville et du territoire : «Une école très orientée sur les superstructures et l'urbanisme. Des professeurs illustres, un enseignement passionnant dispensé par des gens idéalistes et réalistes à la fois». Un enseignement qui éveille en elle un désir d'en savoir plus, d'aller voir ailleurs. Cet ailleurs pour elle, c'est le Japon dont elle rêvait depuis qu'elle avait, dans le cadre de ses études, travaillé sur la maison traditionnelle. Elle y va donc, et a la chance de travailler avec les plus grands architectes japonais. Elle en revient à contrecœur, avec des envies de faire des choses outre l'architecture. Elle monte donc, à la maison Sebastian de Hammamet, une exposition sur la période de reconstruction après guerre. Bernard Zerfuss, architecte qui avait réalisé le siège de l'Unesco, avait été commissionné par l'Etat français pour reconstruire la Tunisie. Celui-ci réunit une équipe d'architectes et d'ingénieurs pour reconstruire tous les équipements manquants : écoles, hôpitaux, marchés.... «On a pu les appeler architectes de l'urgence, mais il y avait une vraie réflexion sur la modernité». A cheval entre Paris et Tunis, Chacha Atallah travaille un temps sur un sujet de brûlante actualité : le centre-ville de Tunis et les marchands ambulants, réalise quelques maisons, des bureaux, réaménage un hôtel, puis se lance dans l'aventure Slow. Slow, c'est une aventure à deux dans laquelle Chacha s' engage avec son époux : il s'agissait de lancer une maison d'édition de meubles 100% tunisienne, tournée vers l'international, qui ferait appel à des designers tunisiens ou étrangers, avec pour seul impératif que les meubles en question soient réalisés dans des ateliers tunisiens. Chacha en est la directrice artistique, et crée une collection pour Slow. Elle est invitée par l'espace Musk and Amber à concevoir une ligne qui remporte un succès certain, tant et si bien qu'elle est choisie par Lamia Ben Ayed, commissaire d'une exposition de designers arabes à la Down Town Design, important rendez vous international qui réunit la planète design à Dubaï. Là encore, on la remarque, et quand on monte un deuxième événement, la Dubaï Design Week, et qu'on y invite six pays à y participer, c'est à elle qu'on confie la réalisation du pavillon tunisien avec la complicité de l'architecte Karim Ben Amor et de l'artiste Haythem Zacharia. Le thème proposé étant le jeu, le pavillon tunisien présente une installation puzzle géant, composée de 999 éléments de bois articulé qui se décompose à la demande en dix structures autonomes. Fait remarquable et remarqué, le sponsoring tunisien de cette opération est exclusivement féminin, et Chacha Atallah tient particulièrement à remercier les cinq mécènes qui se sont impliquées personnellement. En attendant, Chacha Atallah ne chôme guère : elle met la dernière touche à la restauration et au réaménagement du Dar Zarrouk à Sidi Bou Saïd, tâche particulièrement délicate car il s'agit de restaurer un lieu ancien sans en dénaturer l'esprit et l'harmonie ; elle prépare une exposition de ses dernières créations, et surtout elle pouponne une ravissante petite Kenza qui vient de voir le jour. Ce qui est, incontestablement, sa création la plus réussie.