Un concept inédit qui relève d'une vision globale de l'art contemporain, et d'une volonté affichée de créer des passerelles entre le design, l'art et l'artisanat. Jamais on n'avait vu le musée du Bardo aussi beau et, faut-il le dire, aussi fréquenté. On faisait la queue l'autre soir pour découvrir le parcours proposé par Lamia Bousnina Ben Ayed, à travers les salles principales. C'est que l'évènement était inédit. Au milieu des mosaïques et des statues, un ensemble de créations contemporaines, meubles, objets, accessoires, luminaires, s'était invité et trouvait sa juste place. Une scénographie originale présentait des créations de designers contemporains magnifiquement accordées aux antiques témoignages d'un passé dont on se revendique. Et il était surprenant de voir comme ces créations s'intégraient dans une esthétique éternelle. Une harmonie en trois temps Les robes toges, dessinées par Rabi Kayrouz, le Libanais, ou Mouna Jmel, la Tunisienne, se faisaient l'écho animé des drapés antiques. Les céramiques dorées à la feuille, et les nacres incrustées dans le plexiglas des objets de Nada Debs se revendiquent d'une tradition islamique séculaire, et ont été magnifiquement mises en scène sur des podiums à la sobriété intemporelle. Dans les vitrines de la grande salle des mosaïques, les accessoires aux allures de coffrets précieux et de réceptacles somptueux avaient su trouver la juste proximité. Plus loin, dans la grande galerie aux voûtes de pierre, les meubles de Bokja gardent la mémoire des tissages anciens, et côtoient en belle harmonie les éditions de designers internationaux, tels Knoll, Mooi, ou De Padova. C'est que tous, dans leur parcours, s'appuient sur une culture esthétique assimilée, et ne font du neuf que parce qu'ils dominent parfaitement leurs classiques. Lesquels classiques étaient réunis en une bibliothèque éclectique et érudite, qui fait également partie des propositions de la galerie. Une approche vertueuse Ceci explique probablement l'harmonie magique de cette rencontre des collections antiques du musée avec ces créateurs contemporains, laquelle aurait pu paraître iconoclaste si elle n'avait été réalisée avec autant de respect, de goût et de savoir-faire. Il est vrai aussi qu'on avait offert, pour la circonstance, un nouvel éclairage, et une belle toilette au musée et à son environnement immédiat. L'approche est originale et vertueuse. Et la visite-inauguration au musée du Bardo était là pour donner le ton et offrir un avant-goût de ce que sera ce concept inédit. Musk and Amber, concept inédit, relève d'une vision globale de l'art contemporain, et d'une volonté affichée de créer des passerelles entre le design, l'art et l'artisanat. Se voulant dans un ancrage patrimonial, Lamia Ben Ayed structure son activité en trois axes qui se recoupent et se complètent. Une histoire en trois temps La galerie est le début du rêve de cette voyageuse qui n'aime rien tant que découvrir et partager ses coups de cœur. Elle y invite à exposer des designers du monde arabe, car c'était là le projet initial de cette fille de diplomate ayant beaucoup voyagé, curieuse de tout, et partageant les même goûts avec un réseau d'amitiés internationales. Mais la créativité et le talent n'ayant pas de frontières, elle reçoit également dans sa galerie les grands noms du design international : Knoll, Ecart International, De Padova, Kartell, Flos, Mooi. On y trouvera indifféremment des meubles, des objets, des luminaires, mais aussi des vêtements de collection en série limitée, des bijoux, des accessoires, tous dessinés par des artistes, tunisiens, libanais, marocains, turcs, français ou italiens, dont certains produits par la galerie. Un rayon de livres d'art offre une superbe sélection. Des photographes sont également invités sur les cimaises de cette galerie où seront organisées des rencontres culturelles à thème autour d'un artiste, d'un couturier, d'un auteur, d'un designer. La création et la conception de l'espace ont été conseillées artistiquement par le cabinet italien de renommée internationale Ludovika et Roberto Palomba. Revisiter le patrimoine à travers l'art contemporain et le design La galerie, qui n'est que la partie immergée de l'iceberg, sera soutenue et complétée par Musk And Amber International Contract, équipe de designers et d'ensembliers, spécialisée dans la planification de projets, l'aménagement et la décoration d'intérieur, et la réalisation de projets « clés en mains ». Ces deux entités permettront, par ailleurs, de développer Musk and Amber Patrimoine, association qui œuvre au développement et à la revalorisation du patrimoine. Et c'est là que réside le but premier de Musk and Amber : créer de nouveaux modèles issus d'une recherche commune entre l'association, les artisans, les artistes tunisiens et étrangers, pour rendre le produit plus attractif, donc plus compétitif sur le marché national et international. Pour atteindre ce but, Lamia Bousnina Ben Ayed est pleine de projets et d'ambitions. C'est ainsi que l'association se propose de créer des centres de formation dans les zones rurales. Probablement à Siliana en premier lieu. On y apprendrait aux jeunes un métier artisanal, mais on les initierait également à la gestion de leurs petites entreprises ou ateliers. Par ailleurs, on inviterait des artistes et des designers tunisiens ou étrangers pour travailler en osmose avec ces ateliers. Des contacts ont également été pris avec l'Ecole des Beaux-Arts pour des partenariats. L'association se propose également d'instaurer la tradition du compagnonnage, tradition séculaire en Europe, mais encore inédite chez nous. Des jeunes, ayant passé un ou deux ans dans les centres de formation, entameraient ensuite un tour de la Tunisie à travers des ateliers de maîtres artisans. Dans un autre registre, l'association Musk and Ambre Patrimoine souhaite créer un prix annuel consacrant une collaboration réussie du design et de l'artisanat. Tout ceci ayant pour but de revaloriser l'artisanat séculaire en lui insufflant un souffle nouveau, une créativité inédite, en le revisitant par le biais de l'art contemporain et du design. Et donc de donner aux jeunes qui souhaitent s'y consacrer accès à des marchés internationaux, et à une compétitivité certaine.