La crise liée au tourisme avançait à visage découvert fin octobre-début novembre à Djerba. Dans l'île des rêves, l'on a peur que la situation actuelle ne se transforme en cauchemar. Faisant partie des dix meilleures destinations dans le monde, Djerba, l'île des rêves, a subi de plein fouet, tout comme le reste du pays, l'impact des dernières attaques terroristes. Celles ayant visé tour à tour des touristes étrangers au Musée du Bardo le 18 mars et à Sousse le 26 juin. Elle garde, heureusement, intacts tous ses atouts et peut ainsi facilement dépasser la crise. C'est que la baisse notable de la fréquentation au cours de la saison touristique qui s'étale, à Djerba, de début mars à fin octobre, par rapport à celle de l'année dernière, a eu pour conséquences directes la fermeture, non programmée, de plusieurs hôtels, soit 25 unités comptabilisant 18 mille lits correspondant à 46% de la capacité exploitée, dont six qui ont totalement licencié leur personnel, et un énorme manque à gagner pour les activités liées au secteur. Ainsi, la crise liée au tourisme avançait à visage découvert fin octobre-début novembre à Djerba. Dans l'île des rêves, l'on a peur que la situation actuelle ne se transforme en cauchemar, surtout à cause du flou qui accompagne l'évolution de ladite situation, puisque les réservations précoces habituelles, pour la prochaine saison, sont quasiment nulles en ce moment. «Très difficile mais non catastrophique» Quant au tourisme intérieur, qui pourrait amortir le choc, et qui est caractérisé par des séjours assez courts, il reste freiné surtout par la difficulté de l'accès à l'île par voie maritime en raison du temps d'attente pour l'embarquement à bord de l'un des trois bacs encore fonctionnels sur les huit existants. Une visite de détente, de découverte, d'étude, de soutien et de promotion, organisée récemment par l'Association tunisienne de développement touristique (Atdt ou Les anciens du Tourisme) et à laquelle nous avons pris part, a permis de constater de plus près la situation particulièrement difficile par laquelle passe l'île. Destination connue pour être à la fois un grand pôle touristique, spirituel et d'artisanat, et une région au riche patrimoine naturel et culturel, dans la Méditerranée. «C'est une occasion en or pour revoir de fond en comble nos stratégies pour l'île et pour résoudre définitivement les problèmes chroniques dont souffre la région». C'est ce que souligne M. Ahmed Kalboussi, commissaire au Tourisme pour Djerba-Zarzis, à propos de la crise qui vient de frapper le secteur dans cette région. Le responsable s'exprimait ainsi après avoir accepté de répondre aux questions des anciens du secteur, et au tout début d'une présentation générale, lors d'une rencontre organisée le week-end dernier dans le cadre de ladite visite, et animée par M. Lotfi Khaiat, président de l'association. Plusieurs hauts cadres du secteur, aujourd'hui à la retraite, dont bon nombre formant le bureau directeur de l'association, ont ainsi posé des questions pertinentes au responsable. Il s'agit de MM. Mahjoub Guerfali, Hamadi Bsaïess, Samir Ben Ghachem, Mohamed Maamouri, H'ssan Lazrag, Chedly Malouch, et Mmes Fétia, Souad Lachehab, Radhia Miled, Rafika Milad Zitouni. Cela sans oublier M. Mohamed M'rabet, ancien guide et organisateur d'événements qui a Djerba pour lieu de résidence permanente après avoir pris sa retraite, il y a deux ou trois ans. Et le responsable régional d'ajouter qu'il est convaincu que la situation est très difficile mais en aucun cas catastrophique et que les solutions aux problèmes posés ne manquent pas. «Je suis pessimiste», a fait constater, quant à lui et non sans une note d'amertume, M. Tarak Bouattour, directeur d'un sympathique quatre étoiles qui a pu jusqu'ici résister à la crise. Et de préciser que les sept mois à venir seront très difficile pour l'unité qu'il dirige, tout d'ailleurs comme pour la totalité des unités encore debout. «Nous allons affronter sans ressources et sans les perspectives habituelles des liquidités provenant, comme avant, des réservations précoces, toutes les charges fixes. Là, nous allons être secoués pour de bon par la crise». Plusieurs remarques ont été par ailleurs soulevées par les participants au débat, telles que celles ayant trait à une meilleure animation, à la nécessité de multiplier les structures médicales performantes permettant de rassurer surtout les seniors, au développement du produit paratouristique dans la localité d'Erriadh, où est située la célèbre synagogue d'El Ghriba. Localité qui abrite aussi les œuvres de graffitis sur ses murs, réalisées par des artistes chevronnés lors d'une manifestation organisée dernièrement et qui a bénéficié d'une large couverture médiatique internationale, etc. Lors des visites effectuées par les membres de l'Atdt sur le terrain, nous avons pu constater à Houmet Souk, à Midoun, à Guellala et dans d'autres localités que les touristes étrangers, Français, Allemands, Libyens et autres, sont à l'aise et fréquentent même les commerces et les cafés ordinaires. Dans l'hôtel où nous étions descendus, dans le parc à crocodiles, au musée de Guellala, dans la marina pour les excursions en mer, et dans autres endroits, ils sont là, certes en petit nombre, mais semblent très satisfaits de leur séjour. Leurs enfants exprimant plus haut et plus fort cette appréciation. «L'état de la propreté, cela se voit, s'est nettement amélioré», a fait remarquer M. Guerfali, ancien directeur général de l'Office national du tourisme. Constatation confirmée par M. M'rabet, qui a évoqué la situation dramatique de l'hygiène publique depuis le déclenchement du processus révolutionnaire fin 2010-début 2011 et jusqu'à il y a quelques mois. La discussion avec des commerçants dans les souks traditionnels, dans les magasins d'articles d'artisanat et avec quelques chauffeurs de taxi nous a permis de mesurer le stress régnant dans ces milieux qui constituent une bonne majorité de la population active occupée dans l'île. Le flux de touristes est nettement plus bas et moins fluide que l'année dernière surtout en fin de saison, ont-ils fait remarquer. Les pères de famille croulent sous les dettes et bon nombre d'entre eux sont aujourd'hui au chômage, ont-ils aussi déploré. Et certains parmi eux d'attirer notre attention sur l'augmentation des cas de violence dans l'île, y compris les suicides. Sans les petits groupes de revenants, tout le secteur aurait pu s'écrouler, ont-ils noté en exprimant leurs doutes quant à une éventuelle éclaircie. Même les touristes libyens deviennent moins nombreux et leur monnaie accuse une dévaluation continue par rapport au dinar tunisien, ont fait remarquer certains parmi eux. C'est aussi la faute aux salariés du secteur public qui, à cause de leurs revendications sans fin et tout ce qui s'en est suivi comme grèves, sont responsables de l'affaiblissement des ressources de l'Etat. Ce dernier, a déploré un vendeur, n'a plus les moyens pour mieux financer les projets de développement et pour mieux favoriser la création d'emplois. Crise oui, espoir aussi. La situation dans l'île est certes critique mais les atouts de ce coin de paradis sur terre sont immenses. Reste qu'il faudrait se pencher sérieusement sur les lacunes et les défaillances, dont certaines sont communes à d'autres régions afin que le tourisme dans l'île puisse rebondir et qu'Ulysse ne puisse jamais connaître le même sort qu'Icare.