Les trente-deux députés nidaïstes proches du clan Marzouk qui ont décidé de quitter le bloc parlementaire du parti risquent non seulement de diviser définitivement Nida Tounès, mais aussi de lui faire perdre sa place au parlement en tant que premier parti bénéficiant de la priorité de choisir les commissions qu'il veut présider et de réduire le nombre de députés le représentant au sein de ces mêmes commissions. Et c'est Ennahdha qui récoltera les dividendes Il semble que la crise au sein de Nida Tounès est arrivée au point de non-retour et que toutes les tentatives de réconciliation ou de consensus de la dernière minute se sont soldées par un échec. A partir d'hier, la guerre que se livrent Mohsen Marzouk et Hafedh Caïd Essebsi s'est déplacée au Palais du Bardo dans la mesure où trente-deux députés nidaïstes considérés comme les partisans du secrétaire général du parti (ils ont beau répéter sur les plateaux TV et radio qu'ils appartiennent uniquement au parti et qu'ils défendent son unité et sa cohésion, loin des clans le déchirant, personne ne prend leurs déclarations au sérieux) ont déposé, hier, officiellement, auprès du bureau de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) leur démission du bloc parlementaire nidaïste. Ils déclarent pour le moment qu'ils n'ont pas l'intention de quitter le parti des Berges du Lac et de fonder leur propre parti. Ils indiquent également le maintien de leur soutien au gouvernement Essid. Toutefois, ils ne ferment pas la porte définitivement aux négociations et aux médiations en cours en vue de parvenir à une solution consensuelle à même de satisfaire les deux clans en conflit et de sauver «la barque». Sabrine Gobantini, députée nidaïste démissionnaire du bloc parlementaire (voir ci-contre la liste des démissionnaires) a martelé, hier, sur les ondes de Radio Mosaïque : «Nous ne sommes pas des scissionnistes. Nous sommes toujours attachés à l'esprit et à la philosophie qui ont présidé à la naissance de Nida Tounès. Nous avons refusé de participer à la réunion de conciliation tenue au Palais de Carthage par respect à l'institution de la présidence de la République. Nous voulons qu'elle reste à l'écart des conflits traversant notre parti et nous estimons que ces différends peuvent être résolus au sein des structures légitimes du parti». La majorité ne tombera pas Reste à savoir maintenant comment les choses vont évoluer au sein de l'ARP et au niveau du gouvernement Essid au cas où les 32 députés démissionnaires maintiendraient leur décision de quitter le bloc parlementaire nidaïste. En plus clair, le gouvernement Essid est-il menacé de tomber et l'action parlementaire au niveau de la constitution des commissions parlementaires risque-t-elle d'être perturbée puisque Nida Tounès va perdre son droit de choisir prioritairement les commissions qu'il désire présider? Pour le constitutionnaliste Jawher Ben M'barek, coordinateur du réseau Doustourna, «il n'est pas question que le gouvernement Essid tombe. D'abord, les démissionnaires du bloc nidaïste assurent jusqu'ici le soutenir encore. Ensuite et même au cas où ils changeraient d'avis, il continuera à bénéficier d'une majorité très confortable. Faut-il rappeler que Habib Essid et son gouvernement ont reçu la confiance de 166 députés. Au cas où les 32 députés démissionnaires décideraient de lui retirer leur aval, il restera 134 députés pour le soutenir, sachant que la majorité requise pour son maintien est de 109 sur 217 députés». «Mais les problèmes qui pourraient se poser, ajoute-t-il, concernent la distribution des sièges au sein des commissions parlementaires et la présidence de ces mêmes commissions, à l'exception de la commission des finances dont la présidence est confiée constitutionnellement à l'opposition. Autrement dit, le bloc parlementaire Nida Tounès se réduira de 86 à 54 députés et perdra automatiquement la priorité de choisir les commissions qu'il veut présider. Et par ricochet, cette priorité reviendra à Ennahdha avec les 69 députés qui représentent le parti au sein du palais du Bardo». La situation actuelle des commissions est illégale A la question de savoir si Abada Kéfi, l'actuel président de la commission de législation générale, et Bochra Belhaj H'mida, présidente de la commission des droits et des libertés, sont menacés de perdre leurs postes lors de la formation des commissions parlementaires, le Pr Jawhar Ben M'barek précise: «Oui, Abada Kéfi pourra quitter son poste de président de la commission de législation générale même si Ennahdha ne choisira pas la présidence de la commission puisque à ce moment, ce sera au tour du bloc nidaïste composé de 54 députés (ceux qui s'opposent actuellement à leurs collègues démissionnaires) de bénéficier du droit à la priorité du choix. Quant à Bochra Belhaj Hamida, elle connaîtra aussi le même sort puisqu'Ennahdha ne lâchera pas sûrement la présidence de la commission des droits et des libertés». Subsiste encore un autre problème : quand seront constituées les commissions parlementaires, alors que la deuxième session parlementaire a déjà démarré, les désaccord au sein du bloc parlementaire nidaïste ayant tout bloqué jusqu'ici ? «La constitution, relève le Pr Ben M'barek, stipule que la session parlementaire démarre en octobre et est clôturée en juillet. Seulement, elle n'impose pas le renouvellement des commissions parlementaires pour que la session soit déclarée ouverte officiellement. Toutefois, le règlement intérieur de l'ARP spécifie que les commissions parlementaires doivent être constituées pour que la nouvelle session puisse démarrer. Donc, la situation actuelle est en contradiction avec le règlement intérieur du parlement. Les commissions parlementaires élues lors de la session précédente continuent à siéger, à examiner les projets de lois, à les adopter et à les soumettre à la séances plénière. Comme si la nouvelle session parlementaire n'avait pas encore démarré. Sur le plan réglementaire, la situation de ces commissions est illégale et les lois qu'elles avalisent peuvent tomber, après leur adoption par le parlement, au cas ou une opposition serait introduite auprès de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi. Pour être encore plus clair, la loi de finances 2016 discutée actuellement au palais du Bardo, au niveau des commissions, risque de tomber après son adoption». La liste des députés démissionnaires Voici la liste des 31 députés qui ont démissionné, dimanche soir, du bloc parlementaire de Nida Tounès et déposé leur démission auprès du bureau d'ordre de l'Assemblée des représentants du peuple hier matin : - Mohamed Bouguerra Rachdi, Bochra Belhaj Hamida, Souheil Alouini, Abderraouf El May, Sahbi Ben Fraj, Mohamed Naceur Jbira, Sabrine Goubantini, Mohamed Troudi, Belkacem Dkhili, Walid Jaled, Mustapha Ben Ahmed, Mondher Belhaj Ali, Ismail Ben Mahmoud, Samah Bouhaouel, Hajer Laroussi, Hassouna Nasfi, Ibrahim Nacef, Mohamed Néjib Torjmen, Khaoula Ben Aicha, Myriam Boujbel, Noura Aâmri, Jihène Aouichi, Leila Zahaf, Abderraouf Chérif, Fatma Mssidi, Slah Bargaoui, Rebha Ben Hassine, Houda Slim, Abeda El Kéfi, Olfa Soukri Chérif, Nadia Zankar. Il est probable qu'un autre député présente sa démission du bloc parlementaire de Nida Tounès, a déclaré à l'agence TAP Mustapha Ben Ahmed, chargé de la communication avec les médias en relation avec le groupe démissionnaire, sans fournir de plus amples détails.