Démission des directeurs des chaînes Watanya I et Watanya II La Haica : «Des pratiques d'une époque révolue» Les directeurs des chaînes de télévision Wataniya 1, Iheb Chaouch, et Wataniya 2, Chadia Boukdhir, ont déposé hier leur démission de la direction des deux chaînes publiques tunisiennes à la Haica, apprend-on dans un communiqué publié sur le site de l'Instance. Iheb Chaouch et Chadia Boukdhir se sont déplacés hier matin au siège de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) et ont remis leur démission de la direction des deux chaînes de télévision au bureau du conseil de l'Instance qui l'a transmise à la direction de l'Etablissement de la Télévision tunisienne, indique-t-on de même source. Les deux directeurs ont apposé leur signature sur la lettre de démission dans laquelle ils expliquent que celle-ci intervient après « la décision du chef du gouvernement de révoquer le P-DG de la télévision tunisienne, Mustapha Ben Letaief, et de désigner un responsable pour assurer l'intérim (à la tête de l'institution), sans se référer à la Haica, instance compétente en matière de désignation en vertu du décret-loi 116 ». Atteinte à la liberté d'expression « Nous avons décidé de présenter notre démission non pas pour défendre des personnes précises, mais pour des considérations de principe et forts de la conviction que procéder à la révocation et à la désignation de cette manière est en déphasage avec le processus de réforme du secteur de l'information, de façon générale, et dans le secteur public, en particulier», lit-on dans le texte de la démission. Cette manière de procéder confère au pouvoir exécutif une grande marge de manœuvre lui permettant de contrôler les désignations et porter atteinte ainsi à la liberté d'expression et de presse acquise grâce à la révolution, ont-ils jugé. Le chef du gouvernement, Habib Essid, avait décidé dimanche de désigner Rached Younes pour assurer l'intérim à la tête de la télévision tunisienne en remplacement de Mustapha Ben Letaief. Cette décision intervient un jour après la diffusion, dans le bulletin d'information de 13h00 sur Wataniya I, des images de la tête du jeune berger, décapité vendredi au mont Mghilla à Sidi Bouzid par des terroristes. Le rédacteur en chef du journal télévisé de la chaîne de télévision publique Wataniya I, Hamadi Ghidaoui, avait été relevé, samedi, de ses fonctions, après la diffusion de ces images. Une occasion idéale La décision de « ma révocation n'a pas respecté les procédures légales », a déclaré de son côté, hier, Mustapha Ben Letaief, Président-directeur général de l'Etablissement de la télévision tunisienne, démis de ses fonctions, dimanche, par le chef du gouvernement. Cette décision intervient, en apparence, sur fond de diffusion de l'image de la tête du jeune berger, décapité vendredi, à Sidi Bouzid, par des terroristes, mais vise, réellement, « la direction de l'ETT et son impartialité qui ne plaît pas à certains », a-t-il dit dans une déclaration à l'agence TAP. L'ETT a pris les mesures nécessaires au sujet de la diffusion de l'image qu'elle considère comme « faute professionnelle grave » et décidé de démettre le rédacteur en chef du Journal télévisé de ses fonctions. Mais, a priori, cette mesure n'a pas été suffisante pour la présidence du gouvernement, a-t-il ajouté. Pour Mustapha Ben Letaief, la diffusion de l'image du berger était l'« occasion idéale » pour l'éloigner de la tête de l'ETT. Il estime que la décision de sa révocation intervient suite à «plusieurs accumulations », dont le refus de l'ETT de transmettre la cérémonie organisée en l'honneur du prix Nobel de la paix, le Quartette parrain du Dialogue national, et aussi de se soumettre aux « demandes émanant de certaines parties officielles ». Le chef du gouvernement, Habib Essid, a décidé, dimanche, de confier à Rached Younes la gestion par intérim des affaires de l'Etablissement de la Télévision tunisienne en remplacement de Mustapha Ben Letaief. Un pas en arrière D'autre part, le président de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica), Nouri Lajmi, a estimé que le fait de révoquer le P.-d.g. de l'Etablissement de la télévision tunisienne (ETT) et de désigner un responsable par intérim sans consulter la Haica « est un pas en arrière et un déni de son rôle de régulation ». « Le conseil de la Haica se réunit aujourd'hui (Ndlr, hier) pour prendre une décision adéquate dans le cadre de la loi », a déclaré, hier, Nouri Lajmi à l'agence TAP, en marge de sa participation à une conférence à Hammamet sur « l'économie de l'audiovisuel à l'ère du numérique ». « Nous sommes un peu déçus par l'attitude de la présidence du gouvernement », a lancé le président de la Haica qui s'est dit étonné que l'on ne prenne plus en considération le rôle des instances de régulation, alors que « la Tunisie effectue ses premiers pas sur la voie de la démocratie». « Ce sont là des pratiques d'une époque révolue », a-t-il regretté. « Il faut qu'il y ait une bonne volonté, qui consiste à traiter avec les instances et à leur permettre de travailler en toute indépendance », a soutenu le président de la Haica, relevant une «certaine ambiguïté chez certains politiques vis-à-vis du rôle des instances de régulation ».