Le Quartette est appelé à fructifier sur le terrain cette haute distinction universelle, loin de la désunion et des conflits d'intérêts... Il y a à peine un mois, le prix Nobel de la paix 2015 a été décerné au Quartette parrain du Dialogue national, pour son rôle crucial dans la réussite de la transition politique dans le pays. Les quatre organisations nationales qui le composent, à savoir l'Ugtt, l'Utica, le Conseil de l'ordre des avocats et la Ltdh, avaient, non sans difficulté, su conduire les négociations vers un consensus abouti à l'arraché. Et c'est là, de surcroît, une distinction première dans l'histoire de la Tunisie qui lui a valu haute estime et reconnaissance à une large échelle. C'est que l'annonce officielle faite, un vendredi 9 octobre 2015, par le comité directeur du Nobel à Oslo, a fait la Une des médias, sans exception. En si peu de temps, la nouvelle circulait, à la vitesse de la lumière, sur la Toile et dans les réseaux sociaux, hissant, ainsi, le pays dans la cour des grands. Et depuis, hélas, c'est le silence radio, comme si de rien n'était. Ce jour-là ne sera jamais une date ordinaire. Sa symbolique dépasse, de loin, toutes les frontières, repositionnant le pays sur l'échiquier géopolitique international . Et l'on voit, aujourd'hui, les yeux du monde rivés sur un tel « miracle tunisien » digne de ce nom. Et ce n'est guère un hasard si ce grand prix prestigieux nous revient. Mais aussi de par le choix du dialogue comme seule voie de résolution du désaccord. Pour toutes ces raisons, le Quartette tunisien s'offre une occasion en or pour écrire son nom dans les annales de l'histoire. Tout comme Henri Dunand et Frédéric Passy, les premiers à avoir reçu, ex aequo, ce même prix, dans sa première édition en 1901, pour leur militantisme dans la fondation du mouvement de la Croix-Rouge internationale. Ou aussi à l'instar de la Pakistanaise Malala Yousafsai et de l'Indien Kailash Satyarthi, deux droit-de-l'hommistes primés l'année dernière pour leur engagement en faveur de l'éducation des enfants. Ces deux lauréats succèdent, à leur tour, à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (Oiac), récipiendaire du prix Nobel de la paix 2013. Significations à juste titre Le Quartette, avec toutes ses composantes, faut-il le noter, se doit, donc, de s'inscrire dans la logique des choses. Il est tellement vrai qu'il a bien mérité cette distinction, en guise de récompense, comme le disait le comité du jury au moment de l'annonce, pour sa « contribution décisive à l'édification d'une démocratie pluraliste en Tunisie et à la suite de la révolution du jasmin en 2011... ». Mais qu'il intègre aussi sa juste signification et l'impact direct et indirect que ce prix pourrait avoir sur l'image de la Tunisie, notamment au sein de son environnement maghrébin et européen. Sa politique diplomatique avec les pays frères et amis en aurait, sans doute, tiré profit. Tous les observateurs nationaux et internationaux sont, déjà, unanimes à l'idée d'investir ce fait marquant de l'année. Bref, tenter de jouer la corde sensible, tout en misant sur la communication événementielle. Mises à part une cérémonie à Carthage et une ou deux réceptions à l'étranger organisées en son honneur, le Quartet n'a fait presque rien jusque-là. Par ricochet, ce fameux 9 octobre 2015 ne serait qu'un bon souvenir sans lendemain. Alors que le 10 décembre prochain, journée où aura lieu, à Oslo, la cérémonie officielle de remise du prix aux lauréats tunisiens, c'est demain. Que faire pour mieux communiquer cet exploit ? Le Quartette du dialogue a-t-il bien pesé ses mots pour savoir tout dire le jour « J » ? Comment va-t-il profiter de ce moment fort de l'histoire qui n'arrive pas tous les jours ? Surtout que ce jour-là commémorera, tous les 10 décembre, la mort d'Alfred Nobel à qui ce prix doit son nom, mais également coïncidera avec le 67e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Une date phare dont la portée n'échappe à personne. Et que tout défenseur de la paix et de la démocratie dans le monde entier aura, encore une fois, gain de cause. Que fait-on de ce prix ? Face aux grands défis de l'étape actuelle, notre Quartette est-il en mesure de tirer, plus efficacement, le meilleur du prix Nobel de la paix 2015 aussi bien en Tunisie que lors des fêtes internationales ? D'ailleurs, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, en avait déjà parlé, l'exhortant à faire fructifier cette haute distinction universelle sur le terrain, loin des désunions et des conflits d'intérêts. D'autres experts ont, également, partagé cet avis. Cela dit, cette reconnaissance d'envergure demeure un gage de confiance qu'il faudrait préserver. Cependant, au regard de ce qui se passe, actuellement, entre l'Ugtt (centrale ouvrière) et l'Utica (organisation patronale) à propos des négociations salariales dans le secteur privé, l'on se rend compte que l'on avance à reculons. Sur fond de déclarations et de contre-déclarations fusant des deux camps, l'on assiste, plusieurs jours durant, à un combat de coqs qui s'est, finalement, soldé par une crise de dialogue. Ce statu quo a cédé la place à une série de grèves envisagées dans les régions du pays. Au point que le prix qui leur a été décerné semble passer sous silence et a été relégué au simple fait d'actualité ordinaire. Retour de manivelle qui aura beaucoup à surprendre, à commencer par les donneurs du prix. Et là, il y a tant de questions dont on est en droit de poser franchement. Comment les lauréats du Nobel de la paix 2015 n'arrivent pas à dépasser leurs différends ? Ont-ils perdu raison ?, s'étonne-t-on ainsi. Les deux protagonistes majeurs du dialogue national, aux côtés de la Ltdh et l'Ordre des avocats tunisiens, sont appelés à mieux saisir l'occasion. Car, l'après prix Nobel compte aussi beaucoup. La Tunisie devrait en profiter énormément, et à plusieurs niveaux, partant de la lutte antiterrorisme, de la sécurité jusqu'à la promotion du tourisme.