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Commémoration de La Bataille de Bizerte : Un haut fait d'armes et de bravoure
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 10 - 2020

Le 15 octobre 1963, les Français ont, en effet, fini par quitter Bizerte. Après l'un des épisodes les plus sanglants de la décolonisation. Artillerie lourde, blindés, bombardements face à la volonté désarmée de civils et de la Jeunesse destourienne décidés à résister « par tous les moyens à l'occupation de la ville de Bizerte par les troupes françaises ». C'est aussi l'occasion pour La Presse de Tunisie de commémorer le martyre de ces milliers de jeunes Tunisiens tombés au champ d'honneur. Pour notre souveraineté, notre dignité retrouvée.
Jules Ferry proclamait lors de l'installation du Protectorat que « ce Lac de Bizerte valait bien, à lui seul, la possession de toute la Tunisie ». Dès 1913, Bizerte était incluse dans la Sixième zone maritime française avec Mers El Kébir en Algérie et Toulon en France.
En effet, de 1949 à 1956, l'Afrique du Nord, toujours française, s'impose de facto comme l'arrière-cour stratégique du bloc occidental. Le jeu des alliances, caractéristique de la guerre froide, permet ici de procéder à une extension des zones d'influence (Afrique du nord) ou de contrôle (Algérie et Bizerte).
Les Etats-Unis l'avaient d'ailleurs clairement exprimé en juillet 1954. Pour le camp occidental, l'impératif de se fixer à Bizerte tire sa force de cette situation de tensions internationales.
Quand surviennent les indépendances marocaine et tunisienne au printemps 1956, et que simultanément se renforce la rébellion, la donne est fatalement transformée. D'une part, parce que les Etats-Unis qui, quoi qu'on en dise, portaient seuls ou presque l'Otan, récusent à l'époque la colonisation et l'occupation. D'autre part, parce qu'à partir de 1956, la présence française en Afrique du Nord répond davantage pour Paris à des intérêts stratégiques nationaux qu'à des préoccupations occidentales.
Défense du monde libre
Or, la France va inlassablement se référer à la défense du monde libre pour tenter de légitimer son ancrage à Bizerte jusqu'en 1958, pour justifier son important maintien militaire en Tunisie. Concentrée par la suite dans la seule enceinte de Bizerte, cette présence militaire française est supposée protéger le nouvel Etat tunisien des risques de déstabilisation que peuvent causer l'idéologie soviétique ou l'idée panarabe s'exprimant alors en Egypte ou agissant déjà en Algérie.
Par ces syllogismes quelque peu réducteurs, la France obtient du jeune gouvernement tunisien la possibilité de stationner militairement sur son territoire dans le double cadre de la défense du monde libre et du besoin en sécurité d'un Etat tunisien en construction.
Mais la détermination de Habib Bourguiba à rapidement construire l'Etat tunisien, l'amène cependant à dépasser les termes de cet accord. Certes, il concédait à ce que Bizerte demeure française le temps d'une période provisoire. Mais, en très peu de temps, il était parvenu à positionner la Tunisie sur la scène internationale.
La base de Bizerte symbolise ainsi la position occidentale de la Tunisie, devenue le bastion sud-est de la défense du monde libre. La France en fait son leitmotiv pour rester présente sur le territoire tunisien après 1956, puis à Bizerte uniquement à partir d'octobre 1958.
Putsch des généraux
Mais voilà que le printemps de 1961 fut marqué par un faisceau des faits isolés dont la conjonction a sûrement pesé sur les réactions des milieux politiques des deux pays. D'abord, le putsch des généraux d'Algérie, déclenché aux premières heures du 22 avril 1961, ensuite l'ouverture des négociations franco-algériennes à Evian (20 mai 1961), et enfin la montée de la surenchère yousséfiste via Radio Le Caire, et l'exclusion de la Tunisie de la Conférence des pays non-alignés qui devait se tenir en septembre, en raison de « ses positions pro-occidentales ».
Dans le chevauchement de ces événements, un fait troublant mérite d'être relevé : c'est la concomitance du dénouement du putsch d'Alger avec le démarrage des travaux d'agrandissement et de renforcement de la piste d'envol de l'aéroport militaire de la base de Bizerte, point de départ de la crise franco-tunisienne. Les archives ne permettent pas d'établir un lien de cause à effet entre les déboires subis à Alger et les avantages consentis à la Marine à Bizerte. Mais, il est permis de postuler que pour récompenser la Marine de son attitude loyale pendant le putsch et s'assurer de sa fidélité future, de Gaulle a accepté de renforcer l'une de ses œuvres les plus prestigieuses : la base de Bizerte. On peut aussi admettre qu'au-delà de la Marine, de Gaulle a cherché à présenter un gage à une armée hostile à la décolonisation de l'Algérie.
Quoi qu'il en soit, les négociations d'Evian échouent et sont suspendues le 13 juin 1961. Motif : la persistance de la France à vouloir maintenir le Sahara sous sa souveraineté. Le même jour, le premier incident est signalé entre les gardes nationaux tunisiens et les autorités militaires françaises de Bizerte.
Renforcement de la base
L'affaire du renforcement de la base permet aux autorités tunisiennes de s'inscrire en faux, à travers un amalgame subtil, contre les prétentions françaises sur Bizerte et le Sahara. L'ampleur des travaux entrepris exclut aux yeux des Tunisiens toute idée de départ.
L'argument a un poids juridique incontestable, mais il ne peut à lui seul expliquer l'émotion qu'il a déclenchée et encore moins être admis comme un mobile suffisant à une crise qui a débouché sur un conflit armé particulièrement meurtrier.
Faute d'archives, il est permis d'avancer la thèse d'un pari hasardeux dont l'objectif est de desserrer l'isolement diplomatique de la Tunisie, tout en accélérant la satisfaction, par la force si besoin est, de deux exigences du nationalisme tunisien : Bizerte et le Sahara.
La relance de la bataille de l'évacuation est un thème rassembleur qui permet de réaliser en un tour de main l'union sacrée. Il n'est pas exclu que Bourguiba ait pensé qu'il peut rééditer, avec les mêmes moyens, la victoire qu'il a remportée sans effusion de sang en 1958 face au dernier gouvernement de la IVe République.
L'offensive
Son offensive sur Bizerte reste fidele, du moins au début, au principe du compromis et aux moyens du pays, c'est-à-dire qu'elle se veut avant tout politique et non militaire. La stratégie adoptée est celle de Sakiet, elle a consisté à acheminer sur Bizerte, par les soins du Néo-Destour, plusieurs milliers de volontaires et de jeunes destouriens pour bloquer, le cas échéant, avec l'aide de l'armée, les communications entre les installations militaires françaises. Cette action de masse sans précédent dans l'histoire tunisienne s'inscrit dans une stratégie éprouvée qui combine l'agitation populaire et la proposition de négocier.
Le 6 juillet 1961, Bourguiba charge son directeur de cabinet, Abdallah Farhat, de remettre à de Gaulle une lettre personnelle. Rédigé par Bechir Ben Yahmed, ce message pose le problème de l'évacuation en termes vigoureux et adjure le président français de sauver les chances de coopération en admettant le principe de négociation sur l'évacuation de Bizerte et des territoires du Sud.
Pendant plus de dix jours, le gouvernement tunisien a espéré une réponse favorable, ou du moins une ouverture diplomatique qui permet de désamorcer la crise sans coup férir. Mais de Gaulle refuse purement et simplement de répondre au message de Bourguiba. Cherche-t-il à faire perdre la face au président tunisien ou à le pousser vers la confrontation ? Quoi qu'il en soit la pression populaire s'est développée à Bizerte.
En marge des grandes manifestations de rue organisées à Bizerte, à Menzel Bourguiba et à Médenine, des tranchées sont creusées à proximité des installations françaises et des barrages de grosses pierres et de sacs de sable sont dressés par les jeunesses destouriennes.
Le 12 juillet, l'amiral Amman, commandant de la base, rend compte à son gouvernement de l'évolution de la situation en ces termes : « Etant donné la surexcitation dans laquelle se trouvent les jeunesses destouriennes qui affluent à Bizerte, des opérations très sérieuses, comportant l'emploi des armes, me paraissent inévitables à bref délai, dans le cas où aucune négociation n'aurait lieu ».
Engagement de l'armée
La tension s'aggrave davantage avec l'entrée en lice de l'armée tunisienne qui a été mise sur le pied de guerre à partir du 13 juillet, et dont quatre bataillons, formés pour la plupart de vétérans des guerres indochinoises, ont pris position autour de la base.
L'engagement de l'armée dans un mouvement de masse d'une telle ampleur relève-t-il de la simple intimidation ou d'une option militaire sérieusement envisagée ? A cette question, M. Bahi Ladgham a répondu que le rôle assigné aux militaires engagés dans cette action a consisté à encadrer les volontaires et les jeunesses destouriennes, à servir de force d'appoint, en cas de marches populaires sur les installations françaises de Bizerte et à neutraliser, le cas échéant, les pistes d'atterrissage de l'aéroport de Sidi Ahmed.
Mais si le mécanisme de l'épreuve de force se met lentement en place, la situation diplomatique reste bloquée. Ulcéré par le silence français, Bourguiba publie, contrairement aux usages diplomatiques, le message secret adressé à de Gaulle.
Le 17 juillet, c'est-a-dire le jour même où on annonce la reprise des négociations franco-algériennes, s'adressant à l'Assemblée nationale, Bourguiba annonce que s'il n'a pas une réponse positive française, dès mercredi 19 juillet, 0 heure, le blocus total de Bizerte sera effectif et les volontaires partiront dans le sud, en direction de la borne 233.
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La réponse de De Gaulle
L'action de masse qui s'est voulu, au départ, pacifiste et graduelle s'est subitement muée en un moyen de pression violent. Pour les observateurs de l'époque, il s'agit là « d'une reconversion du «bourguibisme», méthode de compromis et de décolonisation progressive, muée soudain en technique de liquidation radicale des séquelles du colonialisme ».
Les délais fixés par Bourguiba précipitent les choses. Mardi 18 juillet à midi 30, la réponse de De Gaulle arrive par la voie diplomatique classique. Elle rejette la demande présentée, sous prétexte « qu'une solution ne saurait être recherchée dans une atmosphère de passion, ni sous la menace de manifestations populaires ».
La réponse française ne laisse aucune ouverture à un Bourguiba trop engagé. L'encerclement de la base devient effectif, à partir de mercredi 19 juillet, 0 heure. En même temps, des volontaires entreprennent la marche à travers le désert, sous le commandement de Ahmed Tlili, vers la borne 233. Au même moment, un task groupe composé de trois vaisseaux de guerre et du porte-avions « l'Arromanche » reçoit l'ordre de se placer sous le commandement de l'amiral Amman et de croiser au large de Bizerte.
L'ordre de tirer
A 13h30, Radio-Tunis annonce que « l'armée tunisienne a reçu l'ordre de tirer sur tout avion violant l'espace aérien tunisien ». La violation de cette interdiction par un hélicoptère français constitue le coup d'envoi de la guerre. A 15 heures 23, les premiers coups de feu sont tirés par la garde nationale tunisienne. Pour les Tunisiens, il ne s'agit encore que de simples coups de semonce, les installations de la base n'ayant pas été visées.
Leur plan de guerre ne prévoit d'ailleurs pas une confrontation généralisée. Tout au plus s'attend-on à des accrochages limites entre des garnisons terrées à l'intérieur de leurs enceintes et des volontaires solidement encadrés par les militaires. La tactique adoptée a par conséquent consisté à combiner le harcèlement populaire avec une pression militaire plus ou moins graduée selon l'évolution de la situation. Mais l'ampleur de la réaction française va désorganiser complètement l'exécution du plan tunisien.
A 18h10, une première vague de 14 avions nord Atlas (2500) en provenance de Blida largue sur les terrains de Sidi Ahmed les premiers compagnies de parachutistes du 2e Prima.
Les armes automatiques tunisiennes entrent en action, les premières victimes tombent à Sidi Ahmed du côte français. L'aviation française intervient aussitôt, en attaquant aux roquettes et à la mitrailleuse les barrages gardés par les volontaires civils ainsi que les positions de tirs de l'armée tunisienne et la garde nationale.
Combat sur le territoire tunisien
A 19h29, l'ordre arrive de Paris prescrivant à l'amiral Amman de faire sortir ses troupes des enceintes et de livrer le combat sur le territoire sous souveraineté tunisienne. Une opération combinant les forces de terre, de l'air et de mer est rapidement mise en place. Tous les moyens de la guerre éclair sont mis dans la balance : les avions, les blindés, l'artillerie lourde, les vaisseaux de guerre et les commandos de choc venus d'Algérie et placés pour la circonstance sous le commandement du colonel Lalande, un héros de la guerre du Vietnam.
En face, les attaques menées par les Tunisiens revêtent un aspect quelque peu surréaliste. Certes, de vifs engagements se déroulent entre militaires mercredi 19 et jeudi 20 aux abords immédiats de la base. Mais, par-delà l'offensive militaire qui ne peut, compte tenu de la disproportion des forces, remporter la décision, les responsables tunisiens ont misé sur la pression populaire pour forcer les fortifications françaises. En effet, au moment où les avions mitraillent les concentrations de troupe, ordre est donné à des foules nombreuses composées d'adolescents, de femmes, d'enfants et de cadres du parti de marcher sur les installations françaises de Bizerte et de Menzel Bourguiba.
La désastreuse tactique des boucliers humains
Mais la tactique des boucliers humains échoue lamentablement. La riposte française ne fera pas de distinction entre civils et militaires. La guerre populaire tourne court et l'armée tunisienne est contrainte de reconvertir sur le terrain ses plans de bataille. Le gros des effectifs se replie sur la ville et se prépare à résister rue par rue. Le vendredi 21, commence la bataille de Bizerte. Elle durera deux jours et deux nuits pendant lesquels de jeunes officiers tunisiens (Boujelabia, Taj et Mokaddem...), coupés souvent de leur hiérarchie, résistent, pied à pied, à la tête de soldats sommairement armés à l'offensive de troupes d'élite appuyées par des chars et précédées par des avions de chasse. La guerre est inégale mais la résistance est acharnée. La ville tombe à 70 %. Le secrétaire général des nations unies, Dag Hammarskjöld, venu in extremis pour tenter d'apaiser les esprits, ne sera pas reçu par les autorités militaires françaises. Il regrettera publiquement le «mépris que la France reflète a l'égard des nations unies ». Le 22 juillet, les relations diplomatiques sont rompues. Tahar Belkhoja, à son retour le jour même à Tunis, souligne avoir retrouvé immédiatement Bourguiba, arpentant le préau du Palais. Selon ses propos, Bourguiba fut sa plus belle confession : « C'était la dernière querelle avec la France. Elle nous a coûté cher, mais c'est le prix de la délivrance. » Le dimanche 23, à 0 heure, un cessez-le-feu intervient.
Les pertes des Tunisiens sont particulièrement lourdes. Officiellement, il y a eu 670 morts et 1.155 blessés tunisiens, 30 morts et 100 blessés du côté français. En fait, il y aurait, selon différentes sources, entre 1.300 et 2.000 morts dans les rangs des Tunisiens.
L'écrasante majorité des victimes appartient à la masse des volontaires civils et des manifestants. Sur le terrain, les troupes françaises ont non seulement dégagé les installations de la base, mais elles ont étendu leur zone d'occupation des territoires sur lesquels la souveraineté tunisienne est incontestée.
A ce désastre humain s'ajoutent toutes les conséquences politiques d'une guerre mal préparée : les relations diplomatiques avec la France sont rompues, les fonctionnaires et agents français détachés dans l'administration tunisienne sont mis en congé, des mesures conservatoires sont prises contre les positions économiques françaises en Tunisie.
De cet épisode bref et tumultueux des relations franco-tunisiennes, l'historien retient trois éléments essentiels :
Le premier est que la guerre de Bizerte a une portée politique qui dépasse le cadre étroit des relations franco-tunisiennes. L'ampleur de la riposte ne se justifie nullement par les impératifs de la défense de la base. De Gaulle a réagi en fonction de la nervosité d'une armée frustrée de sa victoire au Suez et en Algérie.
Mais par-delà l'armée, on a sans doute voulu signifier au FLN, à travers le massacre de Bizerte, que « l'heure des faiblesses françaises n'a pas encore sonné ». Le deuxième est que de Gaulle a perdu en la personne de Bourguiba un allié potentiel qui aurait pu jouer un rôle modérateur dans la solution du drame algérien.
Le troisième concerne les relations franco-tunisiennes : si la guerre de Bizerte n'a pas mis fin à toute forme de coopération entre les deux pays, elle a entraîne le recul de l'importance numérique et financière de la colonie française en Tunisie (de 100.000 à 20.000 personnes) et la réorientation de la politique étrangère tunisienne vers un neutralisme provisoire. Le 25 août 1963, l'assemblée générale des Nations unies condamnera d'ailleurs la France. Une résolution a même été adoptée en ce sens, par 66 voix contre 0 et 30 abstentions. Soulignant ainsi, si besoin est, le bon droit de notre pays. Le 15 octobre 1963, le dernier soldat français quitte la Tunisie
NDLR : Cet article est une synthèse libre de la communication de Noureddine Dougui, maître de conférences à la faculté des Lettres de la Manouba et de Sébastien Abis, diplômé en relations internationales et stratégiques, prononcée lors d'un colloque sur la bataille de Bizerte organisé par l'Association de sauvegarde de la ville de Bizerte.


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