Le président de la Haute autorité indépendante de la Communication audiovisuelle (Haica), Nouri Lajmi, a sévèrement critiqué un tel projet de loi, mais aussi la position du Chef du gouvernement, qui avait décidé de retirer le projet de loi soumis par le gouvernement Elyes Fakhfakh, soulignant que l'enjeu est devenu politique Depuis les événements du 14 janvier 2011, le secteur médiatique ne cesse de subir de plein fouet les incidences de l'instabilité politique et de l'absence de politiques publiques à même de lui offrir un contexte et un environnement d'activité propice pour pouvoir jouer son rôle de vigile de la démocratie naissante. Dix ans après la révolution, le constat est toujours le même, pire encore, le secteur ne cesse de s'enfoncer dans un délicat jeu politique mené par certains acteurs partisans. La situation est telle que les journalistes et les différents intervenants du monde des médias brisent le silence et s'activent pour faire face à ce qu'ils appellent un plan pour exercer une mainmise sur les médias tunisiens et pour instrumentaliser le secteur à des fins politiques. L'enjeu n'étant pas certes de libérer l'initiative et l'investissement dans le secteur médiatique, encore moins d'offrir de meilleures opportunités et conditions de travail aux journalistes, mais de mettre la main sur les médias tunisiens et les mécanismes de régulation. En tout cas, c'est ce que ne cessent de souligner les différents intervenants du secteur médiatique et de la presse tunisienne dont notamment le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) et la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle, laquelle est au cœur de cet enjeu médiatico-politique. En tout cas, la plénière consacrée, mardi dernier, à l'examen du projet de loi amendant le décret-loi 116 relatif à l'audiovisuel a été levée, l'examen du projet d'amendement déposé par Al Karama et qui fait actuellement polémique a été reporté à une date ultérieure, la nouvelle «Troïka parlementaire» qui soutient ce projet n'est pas donc parvenue à faire passer ces amendements. En effet, ce projet de loi amendant le décret-loi 116 relatif à l'audiovisuel ne cesse de soulever la colère des organisations nationales et notamment des journalistes, même au sein de l'Assemblée des représentants du peuple il ne fait pas l'unanimité. D'ailleurs, trois blocs parlementaires, à savoir le bloc démocratique, le bloc de la Réforme nationale et le bloc Tahya Tounès avaient décidé de boycotter ladite plénière en signe de protestation contre cette proposition de loi. Contacté par La Presse, le président de la Haute autorité indépendante de la Communication audiovisuelle (Haica), Nouri Lajmi, a sévèrement critiqué un tel projet de loi mais notamment la position du Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, qui avait décidé de retirer le projet de loi soumis par le gouvernement d'Elyes Fakhfakh, soulignant que l'enjeu est devenu politique. «Nous ne comprenons pas jusqu'à présent la position du Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, nous ne savons pas si sa décision est liée à des intérêts et des concessions politiques pour assurer une ceinture et un appui parlementaire», a-t-il affirmé. Et de poursuivre que le Chef du gouvernement, en retirant l'autre projet de loi gouvernemental, a commis «une erreur, car ce n'est pas sûr que cette loi sera approuvée». «Nous ne sommes pas sûrs que cet amendement vas passer, d'ailleurs nous félicitons de la position du Président de la République et nous faisons confiance aux députés qui défendent toujours les valeurs démocratiques, mais quelle image veut-on transmettre à l'opinion publique et à nos partenaires qui nous appuient dans notre transition démocratique ?», s'est-il interrogé. Attayar intervient Lors de son interview télévisée diffusée dimanche dernier, le Chef du gouvernement, Hichem Mechichi, avait implicitement soutenu ce projet d'amendement, en se disant ouvert à toute initiative visant à «libérer» ce secteur. Quelques heures plus tard, il décide de retirer le projet de loi présenté par le gouvernement d'Elyes Fakhfakh et qui avait fait l'unanimité des professionnels du secteur, ouvrant la voie au projet de loi présenté par la Coalition Al-Karama. Mais dans un nouveau rebondissement, le Courant démocratique (Attayar) a décidé, hier mercredi, de présenter une initiative législative relative au projet de loi sur l'audiovisuel, il s'agit du même projet de loi présenté par le gouvernement Fakhfakh. En effet, l'annonce a été faite par le secrétaire général du parti, Ghazi Chaouachi, qui expliquait que «le gouvernement Fakhfakh avait consulté les professionnels du secteur et le syndicat des journalistes concernant le projet de loi relatif à la loi sur l'audiovisuel». Un Conseil des ministres avait, rappelons-le, adopté, le 7 juillet dernier, ce projet de loi organique relatif à la liberté de la communication audiovisuelle visant l'organisation du secteur ainsi que les prérogatives de l'instance constitutionnelle indépendante. Bénéficiant de la décision de Hichem Mechichi de retirer le projet de loi gouvernemental entre-temps, c'est la nouvelle coalition parlementaire composée d'Ennahdha, Qalb Tounès et Al-Karama qui parvient à soumettre son projet à l'examen lors d'une plénière ayant connu un premier échec. Mais pour Seifeddine Makhlouf, fondateur d'Al-Karama et initiateur dudit projet, il est hors de question d'abandonner son projet d'amendement, il prévoit, sur sa page Facebook, un long processus qui va, selon ses dires, aboutir à «libérer le secteur médiatique». Au fait, ce projet de loi vise en premier lieu à affaiblir les prérogatives de l'instance de régulation des médias audiovisuels, en supprimant le système des autorisations pour la création et l'exploitation de chaînes de radio ou de télévision. Ce projet de loi propose également le renouvellement de la composition des membres de la Haica à travers l'organisation d'élections au sein de l'ARP. Pour le président du Snjt, Mohamed Yassine Jelassi, cet amendement est «anticonstitutionnel». L'objectif recherché à travers cet amendement, a-t-il expliqué, n'est pas de libérer les médias, comme l'a souligné la coalition Al-Karama, à maintes reprises, mais plutôt de semer le chaos et le désordre dans le secteur de l'information, en accordant la légitimité à des chaînes illégales. Le Président de la République est également intervenu dans cette affaire pour mettre en garde contre toute initiative «en violation des dispositions de la Constitution et motivée par les intérêts étriqués des partis et lobbies politiques et médiatiques». Recevant le ministre auprès du Chef du gouvernement chargé de la Relation avec le Parlement, Ali Hafsi, Saïed a réitéré son engagement à garantir la liberté des médias, de l'expression et de pensée, réaffirmant son soutien aux journalistes honnêtes. Il s'est dit convaincu de l'importance des mécanismes de régulation et d'autorégulation dans la promotion du paysage audiovisuel et le renforcement du pluralisme et de la diversité des médias, dans le respect de la loi et de la sécurité nationale. Rappelons que les organisations «I watch», «Mourakiboun», «Jeunesse sans frontières (JSF)» et le Centre tunisien méditerranéen (Tumed) avaient appelé l'Assemblée des représentants du peuple à respecter la Constitution et à ne pas voter en faveur du projet d'amendement du décret-loi n°116 relatif à la communication audiovisuelle.