L'Arabie Saoudite annonce la création d'une alliance militaire composée de 34 pays musulmans dont la Tunisie pour lutter contre le terrorisme sous son commandement. La présence de la Tunisie sera purement politique et nous permettra de tirer profit dans le domaine des échanges d'informations et de renseignements A la surprise générale, l'Arabie Saoudite annonce la création d'une coalition militaire islamique pour la lutte contre le terrorisme et publie les noms des pays qui forment cette coalition. Ils sont 34 pays musulmans à y participer, allant du Sénégal au Pakistan, en passant par l'Egypte, les Emirats et Qatar. Quant à la Tunisie, elle figure au 14e rang, selon la liste publiée par l'agence de presse saoudienne (SPA), bien derrière la Sierra Leone et la Côte d'Ivoire, placées respectivement à la cinquième et à la sixième place. Et le communiqué saoudien officiel de préciser : «La coalition est placée sous la conduite de l'Arabie Saoudite et sera dotée d'un centre de commandement basé à Riyad pour soutenir les opérations militaires dans la lutte contre le terrorisme». Par ailleurs, le communiqué ajoute que la liste des pays adhérents à la coalition n'est pas fermée puisque «dix autres pays musulmans soutiennent la nouvelle coalition et pourraient s'y joindre ultérieurement», comme le souligne le prince Mohamed, fils du Roi saoudien. Le Qatar et les Emirats dans le même sac L'effet de la surprise estompé, l'on commence à se poser les questions qu'impose l'ampleur de l'événement. Quelles sont les conditions dans lesquelles cette coalition a été mise sur pied ? L'Arabie Saoudite est-elle habilitée à conduire une telle coalition militaire à laquelle appartiennent des pays qui lui déclarent ouvertement la guerre comme les Emirats et le Qatar ? Surtout, quel rôle la Tunisie pourrait-elle y jouer, plus particulièrement au niveau de la présence sur le terrain et du soutien logistique ? Est-il possible de rassembler dans une même coalition militaire l'Egypte, le Qatar et la Libye sans préciser de quelle Libye il s'agit quand on sait qu'il existe actuellement deux gouvernements se disputant la légitimité dans ce pays frère, outre les centaines de milices armées occupant le terrain et y faisant régner leur loi. Autant de questions que La Presse a posées à nombre de spécialistes dans le but d'éclairer l'opinion publique et de savoir si cette coalition-surprise a de réelles chances de concrétiser les objectifs annoncés par l'Arabie Saoudite, ou s'il s'agit, en réalité, d'une opération de communication et de promotion à laquelle se livrent les Saoudiens, désireux comme toujours d'exercer leur leadership sur les pays arabo-musulmans. Pour Badra Gaâloul, présidente du Centre international des études stratégiques, militaires et sécuritaires, «la participation de la Tunisie à cette nouvelle coalition est bien effective, les Saoudiens ne peuvent pas l'annoncer sans avoir auparavant l'aval des autorités tunisiennes. Seulement, je me pose la question : l'Arabie Saoudite a-t-elle réellement la volonté de combattre le terrorisme jihadiste alors qu'elle est accusée de le soutenir ? La formation de cette coalition comprenant des pays que tout oppose, comme les Emirats et le Qatar et la Turquie et l'Egypte, pousse à la réflexion quant à l'efficacité de l'action sur le terrain que la coalition envisage d'entreprendre». Pour ce qui est de l'adhésion de la Tunisie à la coalition, elle explique : «Encore une fois, on est informé de l'étranger sur ce que notre gouvernement décide. Obama n'a-t-il pas révélé que la Tunisie a adhéré à l'Alliance internationale contre le terrorisme alors que le gouvernement gardait le silence. Et tout compte fait, quel rôle pourrons-nous assurer au sein de cette coalition. Notre présence y sera purement symbolique dans la mesure où nous n'avons ni les moyens humains ni la logistique nécessaire pour marquer une présence active au sein de cette coalition». Revenant aux tractations qui ont présidé à l'adhésion de la Tunisie à la coalition présidée par Riyad, Badra Gaâloul a le pressentiment que «tout a été fait au niveau de l'ambassade saoudienne à Tunis». Elle n'écarte pas aussi «un certain lien entre la prochaine visite de Caïd Essebsi en Arabie Saoudite et l'acceptation par la Tunisie de figurer dans la liste des pays formant la coalition islamique antiterroriste aux côtés de la Côte d'Ivoire, à titre d'exemple, qui est devenue, sur décision saoudienne, un pays islamique». Les frères musulmans seront-ils les grands perdants dans l'affaire ? Le Pr Aleya Allani, spécialiste des groupes jihadistes, relève que «la coalition islamique pilotée par l'Arabie Saoudite comprend des pays luttant entre eux comme l'Egypte et Qatar et l'Egypte et la Turquie. Je me demande : cette alliance est-elle le prélude à l'apaisement des tensions entre ces pays et, si c'est le cas, quel est le prix que certaines parties seront obligées de payer ? La Turquie, qui a perdu le marché russe, va-t-elle recourir au marché égyptien en sachant que le coût à payer est de rompre avec les Frères musulmans en Egypte et d'expulser l'Organisation internationale des Frères musulmans de son sol. Idem pour le Qatar : va-t-il fermer le dossier des Ikhwans ou au moins les empêcher de toute activité politique sur ses terres ?». Pour ce qui est de la Tunisie, «je considère que son adhésion à la nouvelle coalition n'est pas en contradiction avec son appartenance à la coalition arabe dirigée déjà par les Saoudiens et connue sous l'appellation Assifet Al Hazm. Notre pays y participera avec ses moyens, comme l'a souligné à plusieurs reprises le président de la République. Notre présence sera purement politique et nous permettra de tirer profit dans le domaine des échanges d'informations et de renseignements». Pour conclure, le Pr Allani exprime son espoir de voir «la nouvelle coalition frapper le terrorisme sous ses formes aussi bien armées qu'intellectuelles. Et il serait très important de voir se rencontrer les alliances saoudienne et iranienne antiterroristes et d'ouvrir une nouvelle page de coopération économique, commerciale et scientifique entre ces deux alliances». La liste des pays de la coalition 1- Mauritanie 2- Maroc 3- Sénégal 4- Guinée 5- Sierra Leone 6- Côte d'Ivoire 7- Nigeria 8- Mali 9- Gabon 10- Tchad 11- Bénin 12- Niger 13- Djibouti 14- Tunisie 15- Libye 16- Egypte 17- Soudan 18- Somalie 19- Palestine 20- Jordanie 21- Liban 22- Arabie Saoudite 23- Koweït 24- Bahreïn 25- Qatar 26- Yémen 27- Emirats arabes unis 28- Turquie 29- Pakistan 30- Bengladesh 31- Malaisie 32- Bengladesh 33- Maldives 34- Comores