Depuis dimanche dernier, le film de Mokhtar Ladjimi est dans les salles. Un univers médico-carcéral où se côtoient le tragique et le grotesque Avant-première vendredi soir à la salle «Le Colisée» du long métrage fiction de Mokhtar Ladjimi, «Dictashot», qui figurait dans la compétition officielle lors de la dernière session des JCC. Le public était au rendez-vous de cette avant-première en présence du réalisateur Mokhtar Ladjimi et des producteurs Abdelaziz Ben Mlouka et Ridha Turki ainsi que toute l'équipe du film. En voici le synopsis tel que le prospectus de la production le présente : «Les événements du film se déroulent à Tunis, précisément les nuits du 12 au 14 janvier 2011. Il s'agit d'examiner la vie quotidienne d'un groupe, une forme camouflée d'asile d'opposants au pouvoir et les manieurs sauvages dont le but est de moduler leurs natures tenues au rythme de l'humiliation, la dépression et la soumission aux règles à l'image de la Tunisie la veille de la révolution». Le film de Mokhtar Ladjimi se présente d'abord comme un microcosme de la société tunisienne d'avant le 14 janvier. Un monde de fous (ou présumés comme tels) tenu en laisse par un personnage sans pitié et qui n'hésite pas à avoir recours à la torture, en l'occurrence le directeur de l'asile, Hazem, campé par Hichem Rostom. Un univers médico-carcéral où se côtoient le tragique et le grotesque, le pathos et le ridicule. Dans l'univers huis clos du centre des handicapés, les personnages sont certes classés en toute évidence entre victimes et bourreaux, entre ceux qui incarnent l'autorité et ceux qu'il faut maîtriser, neutraliser, voire écraser ou broyer par l'implacable système médico-pénitentiaire. Mais ce schéma manichéen n'est pas figé. Car les personnages, sans changer de camp, évoluent constamment dans le sens de davantage de dégradation et de déliquescence. C‘est du moins ce qu'on détecte dans l'intention du réalisateur concernant le rapport de la pression extérieure et son impact sur cet espace étouffant de huis clos. Mokhtar Ladjimi déclare : «C'est un film qui s'adresse au large public et aux cinéphiles. "Dictashot" est un film métaphorique, ce n'est ni un film policier ni un film d'action, c'est une allégorie de la Tunisie avec des énergumènes coincés dans un asile. C‘est également un regard de l'intérieur sur ce qui s'est passé entre le 12 et le 14 janvier, sans traiter la révolution tunisienne de manière frontale. Ce n'est ni un documentaire ni une fiction qui traite de la révolution, mais un film sur les rapports humains et leur dégradation dans un climat particulier. Finalement, c'est l'appréciation du public qui m'importe plus que l'avis d'un tel ou tel jury». Dans «Dictashot», Mokhtar Ladjimi a misé sur trois grands comédiens tunisiens : Hichem Rostom, Jamel Madani et Fatma Ben Saïdane (grâce à laquelle le film a décroché une mention spéciale du jury au festival du film méditerranéen de Annaba) qui ont donné à leurs rôles beaucoup de consistance. Il ne faut pas non plus oublier l'acteur Zied Touati qui a livré une prestation respectable dans le rôle du bras droit de Hazem.