Sa villa aménagée en plateau de tournage, le réalisateur tunisien Taieb Louhichi est derrière sa caméra, chez lui, tel un Jaafar Panahi filmant son dernier opus Ceci n'est pas un film. L'idée de cette fiction lui est venue quand il était à Paris pour des séances de rééducation. Trois jeunes se sont introduits chez lui et ont volé quelques affaires. Ils ont été retrouvés par la police et, sans le savoir, ont offert à Taieb Louhichi l'idée de faire un film, chez lui. Dans L'enfant du soleil—la version filmique de cet incident—, deux garçons et une fille s'introduisent dans une maison, après une nuit de fête. Ils s'installent jusqu'au moment où ils découvrent une présence, celle du maître des lieux, attelé à son bureau. «Là commence la vraie histoire du film: une quête à la fois personnelle et générale, à propos de l'identité», nous explique Taieb Louhichi, entre deux prises. Le comédien Hichem Rostom a été choisi pour ce rôle principal. Sur le «stage», il est sur une chaise roulante, cheveux blanchis avec soin par la maquilleuse qui revient à la charge entre les séquences. On déplace la caméra selon les angles de prise de vues. Tout est prévu pour que le réalisateur trouve ses repères. On règle la lumière, teste le son, et, action! Un jeune homme, métis, rentre dans le champ pour s'adresser au personnage de Hichem Rostom. C'est l'autre premier rôle du film, campé par Mabou Kouyaté, le fils de Sotigui. Cette scène de confrontation est une scène clé, révélatrice des principales idées du film: la recherche du père et l'intégration. «La question de l'identité s'est toujours posée de l'autre côté de la Méditerranée», pense Taieb Louhichi, qui désire, à travers L'enfant du soleil la placer «ici, chez nous, d'autant plus que la révolution a aiguisé ce problème». Qui sommes-nous, se demande-t-il, musulmans, arabes, Nord-Africains, Africains, laïcs, salafistes...? Avant de venir dans le salon parler à Kateb (Hichem Rostom), Mabou était dans la cuisine, en compagnie des deux autres jeunes acteurs, à savoir Sarra Hannachi et Mohamed Mrad. Ainsi, l'auteur a voulu que ce jeune homme ne soit pas seul, mais entouré d'amis qui partagent avec lui la même quête d'amour et d'affection, à laquelle Kateb n'échappe pas non plus. Le film est également porté par le va-et-vient entre le réel et l'imaginaire, un jeu que Taieb Louhichi aime intégrer dans son cinéma. Ce cinéma est comme la musique qui l'habite: de l'opéra, de la musique africaine, arabe et universelle. Le message de Taieb Louhichi est clair: «On manque d'amour, d'où l'agressivité, parce que nous étions tous orphelins, pendant ces 50 années de plomb. Et, en ces jours, j'espère que l'espoir sera permis et que nous nous retrouverons finalement en tant que Tunisiens dignes et libres». C'est sans doute l'espoir qui l'a mené à écrire ce scénario il y a deux ans, et qui lui a permis de tenir pendant le tournage. Il est dans le même temps soutenu par une équipe professionnelle et soudée. Une ambiance familiale régnait en effet sur le tournage, avec Taieb Louhichi comme chef de famille à la fois drôle et rigoureux, soucieux du bien-être des siens, toujours à demander si tout va bien, s'ils ont eu un bon repas, mais surtout soucieux de la bonne santé de son enfant à venir, L'enfant du soleil.