Trois jours après le congrès de Sousse qui a intronisé Hafedh Caïd Essebsi à la tête du parti, on assiste à une vague de démissions sans précédent qui annonce l'enlisement de Nida Tounès dans une crise qui pourrait entraîner sa déconfiture La crise au sein de Nida Tounès enfle, de jour en jour, et les Tunisiens et les Tunisiennes ont, désormais, rendez-vous quotidiennement avec une surprise au moins. Et les surprises consistent maintenant à savoir qui, parmi les ténors du parti, va claquer la porte en démissionnant du parti tout en préservant son poste de ministre au sein du gouvernement Essid, qui va quitter la nouvelle instance politique dirigeante du parti et sa structure parlementaire tout en se maintenant au sein du groupe parlementaire nidaïste, ou qui parmi les députés appartenant aux autres partis va annoncer son adhésion au groupe parlementaire nidaïste en succombant à l'opération séduction menée par les ténors nidaïstes pro-Hafedh Caïd Essebsi, décidés plus que jamais à colmater les brèches et à remplacer les partants ou même ceux qui menacent de geler leur adhésion, l'objectif final étant, comme le souligne ouvertement Raouf Khammassi, «de préserver à tout prix le statut de première formation politique au sein du Parlement» même si Hassène Fathalli, porte-parole de l'Assemblée des représentants du peuple, a annoncé, mardi 12 janvier, que «le bloc parlementaire d'Ennahdha est désormais le bloc majoritaire au sein de l'ARP avec 69 députés suivi de Nida Tounès qui détient 65 sièges». Ben Romdhane s'en va, El Aïdi attend un geste Hier, Mahmoud Ben Romdhane, l'ancien économiste en chef de Nida (on lui doit l'essentiel du programme économique de Nida Tounès connu sous l'appellation de programme des 100 points), fraîchement désigné ministre des Affaires sociales dans le gouvernement bis de Habib Essid, après avoir occupé le poste de ministre du Transport, a annoncé qu'il quitte Nida Tounès, ajoutant qu'il s'exprimera ultérieurement sur les motifs de sa démission. Mais il ne faut pas être sorcier pour découvrir les raisons de cette démission : Mahmoud Ben Romdhane, qui n'a pas participé au congrès de Sousse, n'est pas satisfait des résultats auxquels ont abouti les assises de cette rencontre. Plus encore, il n'a récolté de poste ni parmi les 14 secrétaires nationaux ni parmi les membres qui complètent la composition de l'Instance politique comme Néji Jalloul ou Zohra Driss. Lui emboîtant le pas, Saïd El Aïdi, ministre de la Santé, qui a pris part au congrès de Sousse mais s'en est retiré quand il a compris qu'il ne figurera pas dans la liste de l'Instance politique, a fait part de son intention de geler son adhésion au parti. Et contrairement à Mahmoud Ben Romdhane, le transfuge d'Al Joumhouri et l'ancien ministre à l'époque où Béji Caïd Essebsi était Premier ministre (de fin février jusqu'à fin novembre 2011) s'est expliqué sur les raisons de son départ. Il précise notamment : «Lors des assises de Sousse, les critères fondamentaux d'un congrès politique étaient absents et tous les standards et règles communément respectés ont été bafoués». Il ajoute : «Aujourd'hui, je me range du côté des militants de la Tunisie et je présente mes excuses tout en appelant à soutenir Nida Tounès, à exiger la rectification du processus conformément à un agenda clair et précis et à redonner de la considération à un parti qu'on a voulu marginaliser». Zohra Driss et Faouzi Elloumi rejoignent les mécontents Sauf qu'en lisant entre les lignes de la déclaration de Saïd El Aïdi, on découvre qu'il ne ferme pas définitivement la porte puisqu'on a le sentiment qu'il peut revenir parmi les siens au cas où «le processus serait rectifié» comme il le souhaite. Faouzi Elloumi, l'un des bailleurs de fonds de Nida et l'homme qui se proclame chef de la machine électorale qui a fait gagner à Nida Tounès les législatives et la présidentielle de fin 2014, se rebiffe lui aussi et rejette le poste de secrétaire national chargé des relations avec l'ARP que lui a offert le congrès de Sousse. Hier, il a affirmé ne «pas être concerné par les décisions du congrès de Sousse» et qu'il va créer «un nouveau courant au sein du parti baptisé le Courant de l'Espoir». «Notre courant, souligne-t-il, se veut une tentative pour sauver Nida Tounès et redonner espoir à ses militants, à sa base électorale ainsi qu'à ses sympathisants et à défendre la démocratie». Quant à Zohra Driss, l'une des femmes d'affaires les plus influentes à Sousse et propriétaire de l'hôtel Impérial, théâtre de l'attentat terroriste où près de 40 touristes britanniques ont trouvé la mort, elle n'a pas attendu la mission qui lui sera confiée au sein de l'Instance politique issue du congrès de Sousse. Aujourd'hui, un nouveau groupe parlementaire Elle vient de déclarer qu'elle en démissionne tout en conservant son poste de députée nidaïste et aussi son adhésion au groupe parlementaire nidaïste. De leur côté, les 22 députés démissionnaires du groupe parlementaire de Nida Tounès (voir La Presse du mercredi 13 janvier) ne désarment pas et sont entrés dans le vif du sujet : celui de la création d'un nouveau bloc parlementaire qui portera un nom qu'ils devaient choisir hier soir. Demain, ils déposeront au bureau de l'ARP le dossier relatif à la création de leur groupe parlementaire qui sera présidé par le député Abderraouf Chérif (qui devait succéder à Mohamed Fadhel Ben Moussa à la tête du bloc parlementaire nidaïste). «Nous soutiendrons le gouvernement si ses orientations et décisions sont proches de notre projet ainsi que du programme pour lequel nous avons été élus», affirme le député démissionnaire Abderraouf El May. Dernière surprise du jour : Slim Riahi n'offre plus ses services et ses députés à Nida Tounès afin qu'il ne perde pas la majorité au sein du palais du Bardo. Hier, les députés de l'Union patriotique libre (UPL) ont décidé, en présence de leur président, de «ne pas fusionner avec le bloc parlementaire de Nida Tounès, les discussions engagées avec les nidaïstes n'ayant abouti à aucun accord». Sauf que cette fois, c'est le député Youssef Jouini qui annonce l'échec des négociations. Slim Riahi s'est contenté, de son côté, d'assister à la réunion de ses députés.