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Ces deux ministres que Kaïs Saïed refuse de limoger
Publié dans Business News le 04 - 08 - 2025

En matière de limogeages, Kaïs Saïed est comme Lucky Luke, il tire plus vite que son ombre.
Moins d'un an après sa nomination, le PDG de la Sonede a été limogé par le chef de l'Etat (et non par son ministre de tutelle de l'Agriculture) suite à une fuite importante d'eau potable, comme si le PDG devait lui-même surveiller les milliers de kilomètres de tuyauterie.
Egalement moins d'un an après sa nomination, le chef de l'Etat a limogé Wissem Mraïdi, gouverneur de Ben Arous, quelques heures seulement après une visite dans la région.
Certains sont même limogés avec mise en scène, devant les caméras — comme ce fut le cas de Sihem Nemsia, débarquée pour avoir pris trop de temps à traiter les dossiers des biens confisqués.
Des exemples pareils, on en compte des dizaines depuis 2021. Kaïs Saïed adore se mettre dans la posture du chef sévère et colérique qui limoge sans ménagement en humiliant ses subordonnés. Peu importe que ce genre de scènes enfantines et infantilisantes appartienne à des siècles éculés, Kaïs Saïed les adore et ses aficionados en raffolent.

Deux poids, deux mesures
Paradoxalement, quand il s'agit de certains hauts responsables, Kaïs Saïed s'avère lent à la détente. C'est le cas d'Ezzedine Chelbi, qui est parvenu à rester à son poste malgré les dizaines de polémiques qu'il a provoquées. Il n'a été délogé du gouvernorat de Ben Arous que lors d'un mouvement ordinaire de plusieurs gouverneurs.
Le très controversé Brahim Chaïbi n'a été limogé qu'après une série de décès au pèlerinage, alors que ce ministre des Affaires religieuses n'a cessé de multiplier les scandales et les polémiques.

Ainsi est dirigé le pays sous Kaïs Saïed. Certains sont limogés à cause d'un tuyau, et d'autres sont maintenus malgré les scandales. Quelle est la logique de Kaïs Saïed en matière de limogeage et de nominations ? Personne n'a de réponse à cette question, peut-être même pas Kaïs Saïed lui-même.

Deux ministres intouchables ?
Parmi les responsables qui semblent immunisés contre les limogeages impulsifs de Kaïs Saïed, deux ministres dont les erreurs prouvent qu'ils doivent être éjectés immédiatement, et qu'ils n'auraient jamais dû être là où ils sont.
Il s'agit d'Amina Srarfi, ministre des Affaires culturelles, et de Mondher Belaïd, ministre de l'Enseignement supérieur, tous les deux nommés en août 2024 dans le gouvernement du déchu Kamel Maddouri.
De prime abord, et avant d'aborder leurs cas particuliers, ces deux ministres auraient dû quitter le gouvernement avec le départ de leur chef en mars dernier. Il n'est pas normal que la cheffe du gouvernement Sarra Zaâfrani Zanzri dirige des ministres qu'elle n'a pas choisis.
Ensuite, il y a lieu de s'interroger sur les qualifications de ces deux ministres. Rien dans leur bio ne justifie leur nomination à un poste si important. M. Belaïd est ingénieur en hydraulique, dont le poste le plus élevé est celui de directeur de la Planification et de l'Assurance qualité au sein du ministère de l'Enseignement supérieur. Il n'a absolument aucun historique politique connu, même pas associatif.
Mme Srarfi est musicienne (hors pair paraît-il, CQFD) et basta. Ni énarque, ni manager, ni rien. Elle ne connaît pas l'administration, et encore moins la politique. La seule chose qu'elle a dirigée dans sa vie est des salles de classe dans les collèges et lycées (soit dit en passant, elle était une piètre pédagogue comme l'auteur de ces lignes en témoigne), sa troupe musicale, en plus de sa petite famille.
En résumé, ni M. Belaïd ni Mme Srarfi n'ont les qualifications politiques et/ou managériales requises pour occuper le poste de ministre, comme on l'exige un peu partout dans le monde.

Mondher Belaïd : la discrétion comme méthode… et comme fuite
Depuis un an qu'il a été nommé, Mondher Belaïd dirige son département dans la discrétion. Qualité requise par Kaïs Saïed et, à ce niveau, il a bien réussi sa mission.
Sa discrétion n'a pas empêché les scandales touchant son ministère. Le plus spectaculaire est celui du piratage du réseau universitaire tunisien, il y a moins d'un mois. Un gigantesque fichier contenant des milliers de documents sensibles a été mis en ligne sur Telegram. Cartes d'identité nationales, relevés de notes, diplômes du baccalauréat, dossiers administratifs, informations médicales et sociales… des pans entiers de la vie privée de milliers d'étudiants sont désormais en libre circulation sur la messagerie cryptée.
Indéniablement, Mondher Belaïd ne saurait être tenu responsable de ce piratage. Mais qu'a-t-il fait avant pour l'empêcher, et après pour éviter qu'il ne se reproduise ? Nous avons très peu de réponses, trop peu.
Ce piratage est déjà un vrai scandale, mais il n'est rien devant celui du week-end dernier, avec ce qui est arrivé à quatorze bacheliers du Kef, parmi les plus studieux à l'échelle nationale, et qui ont été orientés à des facultés aux faibles scores, généralement des destinations pour les bacheliers aux plus faibles moyennes.
Dans une déclaration à l'agence de presse publique Tap, une source anonyme du ministère de l'Enseignement supérieur affirme qu'il y a eu manipulation des fiches d'orientation de certains bacheliers, altération des données personnelles, et modification des fiches d'orientation sur la plateforme dédiée à l'orientation universitaire.
Le ministre n'a pas cru bon de sortir dans les médias pour nous expliquer ce qui s'est passé. Il s'est suffi d'une déclaration anonyme à l'agence de presse de l'Etat, et basta. Il agit comme si le ministère était sa propriété privée, alors qu'il s'agit déjà du deuxième piratage en moins d'un mois.

Une réponse affligeante aux bacheliers lésés
Si la responsabilité du ministre n'est pas directement engagée dans ces deux piratages (quoique), elle l'est entièrement dans la réponse donnée aux bacheliers qui ont crié, les premiers, au scandale et à l'injustice.
Le témoignage du bachelier Mohamed Abidi, 18 de moyenne, orienté vers une fac de patrimoine alors qu'il a choisi médecine ou pharmacie, comme sa moyenne le lui permettait, est ahurissant. Dès qu'il a appris son orientation, M. Abidi a pris attache avec le ministère pour qu'on lui répare le préjudice. Et voilà ce qu'il a reçu comme réponse : « Le système ne se trompe pas, déposez une nouvelle demande d'orientation parmi les places restantes. »
Une réponse affligeante, surtout quand on ose parler d'un système infaillible… dans un ministère piraté il y a à peine quelques semaines.
Une fois, deux fois, trois fois, dix fois, peut-être même vingt fois, le président de la République a affirmé et insisté pour que l'on limoge les fonctionnaires qui ne répondent pas aux attentes des citoyens, sous prétexte des procédures.
Le chef de l'Etat n'a cessé d'insister sur le fait que les doléances des citoyens doivent être la priorité absolue des fonctionnaires.
Or, qu'est-il arrivé à Mohamed Abidi et ses treize camarades d'infortune ? Le mépris total. On évoque les procédures et la machine qui ne se trompe pas.
En dépit des directives présidentielles, Mondher Belaïd n'a rien fait dans son département (qu'il connaît parfaitement, puisqu'il en est issu) pour que l'on donne suite aux doléances des citoyens. Des bacheliers méritants dans ce cas.
On peut comprendre la politique de l'autruche de M. Belaïd, on peut tolérer les piratages successifs de son système (qui ne se trompe pas), mais en aucun cas on ne peut accepter que ses subordonnés donnent de pareilles réponses à de jeunes méritants. Sa faute est pleinement engagée, car c'était à lui de faire en sorte qu'il n'y ait pas de pareils fonctionnaires méprisants. C'était à lui d'appliquer, à la lettre, la politique prônée par son président de la République, d'autant plus qu'il l'a dite et répétée plein de fois.

Amina Srarfi : zéro pointé
Quant à Amina Srarfi, le scandale est plus assourdissant.
Auditionnée par les deux chambres parlementaires la semaine dernière, la ministre a été fortement critiquée par les députés, qui relaient la contestation croissante dont elle fait l'objet dans le milieu. Les députés ont vivement critiqué sa gestion, dénonçant l'état déplorable du secteur, les ratés de l'édition 2025 du Festival international de Carthage, et l'absence de vision artistique claire. Le flou qui entoure la programmation, les incidents à répétition, ainsi que le retrait de plusieurs artistes, ont entamé la crédibilité de l'événement phare du ministère.
Et pourtant, les moyens ont été décuplés : 226,861 millions de dinars ont été alloués en 2025 aux festivals et événements culturels, soit une hausse de 220 % par rapport à l'année précédente. Un effort budgétaire inédit, mais sans résultats visibles.
Les critiques ne s'arrêtent pas aux festivals. Des députés ont pointé la dégradation des maisons de culture, l'abandon de sites patrimoniaux, des incohérences financières suspectes dans les rapports du Festival de Carthage, et même des pratiques douteuses de gestion interne.
Le député Ahmed Bannour a demandé l'ouverture d'une enquête judiciaire pour soupçons de dissimulation, de falsification de documents et de conflits d'intérêts. Pour beaucoup, la légitimité de la ministre est sérieusement entamée, et les appels à sa démission se multiplient.

Le scandale d'Osaka : conflit d'intérêt flagrant
Tous ces scandales auraient dû faire réagir Kaïs Saïed pour qu'il limoge Mme Srarfi. Il ne l'a pas fait. Même pas suite au scandale international du mensonge relatif à la programmation d'Hélène Ségara.
En dépit de leur sévérité, tous ces scandales ne pèsent rien devant celui révélé par l'artiste Ezzedine El Béji sur sa page Facebook le 15 juillet dernier, et non démenti à ce jour.
Il affirme que le 3 juin 2025, Amina Srarfi a présidé une réunion dédiée à la préparation de la participation tunisienne à l'Expo Universelle Osaka 2025. Officiellement, il s'agissait d'un programme culturel national. Mais en coulisses, une décision polémique a filtré : la ministre aurait choisi sa propre troupe musicale, "El Azifet", pour représenter la Tunisie lors des festivités prévues le 13 août à l'occasion du jour national et de la fête de la femme tunisienne.

L'auteur dénonce un conflit d'intérêts flagrant : aucune commission indépendante n'a été formée, aucun appel à candidatures n'a été lancé, aucune autre troupe féminine n'a été consultée. Pourtant, des formations comme celles d'Olfa Bouab ou d'Ismahane Chaari auraient pu légitimement représenter la Tunisie.
Au-delà de la qualité artistique, le cœur du reproche de M. El Béji est l'instrumentalisation du ministère au profit du projet personnel de Mme Srarfi.
Pour beaucoup moins que cela, nous avons des dizaines d'hommes d'affaires, d'anciens ministres et de hauts fonctionnaires en prison. Pour bien moins que cela, des fonctionnaires ont été traînés à El Gorjani, Bouchoucha ou l'Aouina, sous l'article 96. Les propos d'Ezzeddine El Béji (non démentis, je le répète) sont restés sans suite. El Azifet seront à Osaka et leur fondatrice est toujours en exercice.

Le mutisme présidentiel
Comment expliquer, après tout cela, le silence de Kaïs Saïed ? Quel crédit accorder au chef de l'Etat qui dit et répète qu'il lutte, sans ménagement, contre la corruption et contre les fonctionnaires qui ne servent pas le peuple ?
Voilà deux scandales assourdissants touchant deux de ses ministres, et il n'a rien fait.
Certes, il considère la Tunisie comme une ferme privée et estime qu'il n'a de comptes à rendre à personne.
Mais là, il ne peut pas continuer à faire la sourde oreille et agir comme si de rien n'était ! Il y a carrément une dissonance dans le discours officiel.
Kaïs Saïed nous dit qu'il gouverne pour le peuple. Il nous dit qu'il limoge sans pitié les responsables incompétents. Il nous dit qu'il mène une guerre implacable contre la corruption, l'abus de pouvoir et l'arrogance bureaucratique.
Mais quand deux de ses ministres incarnent, à eux seuls, ces trois dérives — incompétence, abus, silence —, il ne bouge pas le petit doigt.
Alors que reste-t-il de ces grands discours ? Des mots, du décor… et un silence qui signe une forme de complicité.


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