Par Abdelhamid Gmati La révolution n'est pas une fin en soi. Il est évident que les Tunisiens ne l'ont pas compris ainsi. Lors des nombreux rassemblements organisés, le 14 janvier, pour commémorer le 5e anniversaire de la révolution, ils ont surtout exprimé leurs déceptions : « Cinq ans sont passés et nos maux sont toujours les mêmes», «Le nombre de chômeurs a augmenté, la vie est de plus en plus chère et le taux de pauvreté n'a pas diminué». Certes, la situation du pays est préoccupante, mais le processus a été mal compris. Certains ont considéré la Tunisie comme un butin et s'en sont servis. D'aucuns ont pris le train en marche, sont sortis de l'ombre et se sont livrés à une course effrénée vers le pouvoir. D'autres se sont contentés d'attendre que leurs problèmes soient résolus et que leurs appétits soient satisfaits. Il y a là un grave quiproquo et une irresponsabilité manifeste. La vie politique est plombée depuis quelques semaines. Voilà un parti politique qui, grâce à un « vote utile », obtient une majorité relative des suffrages populaires et se voit ainsi confié les rênes du pouvoir. Mais surprise : il conclut une coalition, jugée contre nature, avec les Islamistes que la majorité des électeurs ont rejetés. C'est là une première irresponsabilité, que d'aucuns qualifient de traîtrise envers un électorat majoritaire hostile à l'islamisation de la société. Puis, ce parti est menacé d'implosion avec une scission et des démissions successives. Qu'il y ait différents courants de pensée et pluralité d'opinions au sein d'un parti, cela est signe de bonne santé. Mais ça n'est pas le cas : il s'agit tout simplement d'une bataille d'ego pour le leadership. Démissionner est irresponsable et ceux qui l'ont fait et ceux qui ont provoqué la scission devront en répondre devant leurs électeurs qui les avaient choisi justement pour qu'ils concrétisent leurs promesses électorales. Là aussi, d'aucuns n'hésitent pas à parler de « traîtrise ». La situation socioéconomique est loin d'être satisfaisante. Les revendications à répétition, les sit-in, les grèves ont fortement nui à l'économie, poussant plusieurs entreprises étrangères et tunisiennes à mettre la clé sous la porte et à partir ailleurs. D'autres souffrent de la baisse de leur production et ont du mal à subsister. Ajoutons à cela le blocage des négociations entre l' Ugtt et l'Utica, annonçant de nouvelles grèves pour compléter ce sombre tableau. On est loin de la paix sociale que chacun préconise. Là aussi on assiste à une guerre d'ego entre les deux unions. Chacun invoque l'intérêt national, mais chacun veut imposer ses revendications. Des attitudes irresponsables. La population, dans sa majorité, ne fait que demander et semble attendre qu'on répartisse les richesses que la dictature avait accaparées. On l'a vu à plusieurs reprises notamment avec la campagne « Winou el pétrole ». Le fatalisme et l'assistanat sont de mise. Mieux, la révolution semble avoir libéré les instincts les plus fous. On ne respecte plus les lois, ni les règlements, la corruption a augmenté, les passe-droits aussi. Même l'hygiène publique est ignorée et des quartiers entiers des villes et villages à travers le pays ressemblent à des dépotoirs. Irresponsabilité collective. Même le terrorisme, ce fléau inconnu jusqu'ici dans nos contrées, et qui a fait tant de victimes, ne mobilise que les forces de l'ordre et l'armée. Pour certains, la révolution est synonyme d'Etat-providence. Or, elle devrait être comprise comme le début d'un processus de ressurection, comme un nouveau départ pour réaliser un Etat démocratique et un pays développé. La situation des uns et des autres ne s'améliorera que si chacun se mettait au travail et que les droits s'accompagnent aussi de devoirs, d'obligations et de responsabilité.