Par Abdelhamid GMATI Ce qui s'est passé, il y a quelques jours, nous interpelle et place les politiques face à la réalité. Certes, ces mouvements populaires ont été instrumentalisés par des activistes et ont profité à quelques brigands qui ont semé la violence et la destruction, faisant plusieurs victimes parmi les forces de l'ordre et les manifestants. Mais ceci n'est nullement une excuse, car les revendications des jeunes et des moins jeunes à travers le pays sont légitimes et constituent les principales causes de la révolution. Cela a provoqué l'émoi de la classe politique qui, dans son ensemble, — gouvernants et opposants — a reconnu le bien-fondé des manifestations populaires. Mais le peuple a-t-il été réellement entendu et compris ? Ce n'est pas la première fois que les chômeurs et les laissés-pour-compte, notamment dans les régions, se manifestent. Mais force est de constater qu'il y a une déconnexion entre le peuple et la classe politique. Durant les cinq dernières années, les gouvernements se sont succédé et ont vaqué à leurs occupations. Mais il ne s'est agi que de politique, chaque partie poussant ses pions et poursuivant son propre agenda. Sans aucune préoccupation notable des besoins populaires. Aux dernières élections, dites « libres », le peuple s'est exprimé et a choisi, par les urnes, ses représentants avec pour mission de trouver des solutions à ses problèmes économiques et sociaux. Une fois installés, ces élus se sont lancés dans la politique politicienne et la course au pouvoir. Témoin: ce qui se passe au sein du parti majoritaire, où la bataille des ego et les ambitions personnelles ont provoqué la désunion. On comprend alors le manque de confiance de la majorité des Tunisiens dans les partis politiques. Après la vague de manifestations qui a secoué le pays, le gouvernement a réagi. Mardi dernier, le chef du gouvernement s'est lancé dans une série de consultations avec les dirigeants des partis, les présidents des organisations nationales et les membres de la coordination de la coalition gouvernementale. A l'ordre du jour, l'examen des moyens idoines pour résoudre la question du chômage et les mouvements de protestation dans les régions défavorisées. Des mesures sont annoncées. Soit. Ce n'est pas la première fois que le gouvernement réagit dès qu'il y a mouvement populaire dans telle ou telle ville. Des conseils ministériels ont été réunis dans ces régions et des mesures ont été adoptées. A l'instar de celles prises, à Gafsa, Jendouba ou à Kasserine en octobre dernier. Mais elles sont restées lettre morte et n'ont pas été suivies par des réalisations notables. D'où le ras-le-bol de la population qui a manifesté son mécontentement. Des partis politiques, notamment ceux de l'opposition, appellent à une « large rencontre de salut », tandis que la Centrale syndicale veut relancer le Dialogue national autour de la politique économique du pays. C'est toujours intéressant de dialoguer, et la Tunisie semble en avoir fait son label. Il semble que l'on veuille discuter d'un nouveau modèle de développement. Ce qui équivaut à un chambardement de la situation socioéconomique, et cela prendra du temps. Est-ce le moment, vu l'urgence des problèmes et l'impatience de la population ? Ce dont on a besoin aujourd'hui et qui est exigé par le peuple relève de l'action. Les plans à long terme doivent nécessairement être accompagnés d'actions concrètes et immédiates. Outre ce qui est annoncé aujourd'hui, il faudra mettre à exécution les décisions prises antérieurement et de façon palpable. En attendant que des entreprises créatrices d'emplois soient en état de fonctionner, il serait recommandable de procurer un revenu minimum durable pour chaque foyer. Ce qui pourrait apaiser les tensions et inciter la population à patienter en attendant des mesures plus viables et permanentes.