Youssef Zouaoui n'est pas et ne sera pas le dernier à subir cette pression et cette ingratitude La vie d'un entraîneur est faite, en grande partie, d'incertitudes et de mauvaises surprises. Aucun entraîneur dans ce monde n'est épargné par un limogeage ou par la déstabilisation. Même les grands entraîneurs n'échappent pas à cette règle. Si ça tourne mal dans l'équipe, c'est l'entraîneur qui en paye les frais. Avec, bien sûr, des exceptions et des présidents de club qui tiennent bon à leurs entraîneurs même quand il y a de mauvais moments. Et même si l'entraîneur est confirmé dans son poste, rien ne peut empêcher la déstabilisation et le doute qui se profilent. Le dernier exemple en date est celui de Midou, limogé par le club d'Ezzamalek après l'énième défaite contre Al Ahly. Avant lui, le grand et intenable Mourinho est sorti par la petite porte à Chelsea après un début de saison catastrophique. La liste est longue, et le phénomène est international, cela ne concerne pas uniquement notre championnat. Le cas Zouaoui... Youssef Zouaoui, avec toute son expérience, a réussi, en débarquant à Bizerte, à transformer le CAB d'une équipe mal à l'aise et en débandade, en équipe qui gagne et qui fait match nul au pire des cas pour remonter au classement. Mais l'apport le plus important pour Youssef Zouaoui aura été de bâtir une défense blindée avec les mêmes joueurs de ses prédécesseurs avec une effrayante statistique : aucun but encaissé en 10 matches y compris celui de la coupe. Pour nous, ça ne peut pas arriver tous les jours. C'est l'empreinte de l'entraîneur. Même si le CAB ne marque pas assez, il défend bien. Et c'est la tâche la plus difficile. Si vous voyez les «stats» des meilleures équipes au monde et celles qui gagnent les titres, vous trouverez qu'elles ont les meilleures défenses, et pas forcément les meilleures attaques. Cette mise en doute qui s'installe après l'élimination, il faut l'avouer amère, du CAB à Kalaâ Sports, est injustifiée : pourquoi penser à limoger Zouaoui, alors qu'il a réussi, avec un groupe de joueurs moyens, à bâtir une équipe respectable qui a une défense de fer? Pourquoi cet éternel et triste réflexe de penser à chasser l'entraîneur à la moindre défaite même si celle du CAB est très dure à avaler ? Ce qui compte à notre avis c'est le projet de jeu, c'est l'évolution de l'équipe, sa manière de défendre et de prendre l'initiative du jeu, et surtout sa capacité à résister à la pression. Tout ça, on le trouve plus ou moins dans ce CAB. Zouaoui n'est pas le premier entraîneur à subir cette menace. La question qu'on doit se poser dans le football moderne : comment peut-on juger de la réussite d'un entraîneur? Parfois, ça dépasse le cadre logique et l'évaluation «sensée» pour tomber dans l'irrationnel, le sensationnel, le subjectif si bien que l'on ne comprend rien. Alors, quel est l'entraîneur auquel on ne peut pas toucher ? C'est celui qui gagne à tous les coups (est-ce que ça existe ?),ou celui qui permet à ses joueurs de progresser et d'améliorer leurs aptitudes ? Ou celui qui est le plus chanceux ? Parfois, c'est l'humeur du président qui en décide. Il y a des présidents qui aiment changer leurs entraîneurs à tort et à travers. Ils y trouvent un exercice de pouvoir et un immense plaisir. Il y a également des présidents «manipulés» par leur public et qui, pour absorber leur colère et leurs «caprices», finissent par lâcher l'entraîneur au moindre faux pas. Dans notre championnat, les exemples sont divers et multiples. Regardez ce que Hamdi Meddeb a fait en trois ans avec une moyenne de trois entraîneurs par saison ; regardez aussi ce que Slim Riahi a fait cette saison (trois entraîneurs) et allez voir aussi le «folklore» des clubs mal classés qui nous ont «écœurés» avec leurs changements d'entraîneurs qui n'obéissent à aucune règle. Quand cela tourne mal, on s'en prend illico presto à l'entraîneur et on oublie ces joueurs qui vivent comme des VIP et que personne ne peut toucher. On ne pense jamais à changer de joueurs, à mettre les fautifs sur le banc ou sur le mercato. Mais on pense, bien sûr, à lâcher l'entraîneur, qui a, à notre avis, une importance capitale dans la vie d'un club. Zouaoui, contesté par les supporters, et jusqu'à présent confirmé par Ben Gharbia, incarne ces jours l'ingratitude du métier d'entraîneur. Le football est sévère par essence.