Dans l'expectative d'une action « atlantique », dont on ignore l'instant T et l'ampleur des retombées sur notre pays, on continue à égrener les jours et à espérer que celles-ci seront limitées et sans gravité. On se trouve presque dans la même situation du condamné à mort qui attend la potence dont il ne peut ni reporter la date d'exécution, ni, encore moins, l'annuler. C'est le destin que nous promettent nos alliés occidentaux, soucieux de notre sécurité nationale et de la réussite de notre transition démocratique, comme ils n'arrêtent pas de le répéter. Ces qualités de nos partenaires sont vantées par des vendeurs d'orviétan que certains de nos « spécialistes » en matière sécuritaire nous conseillent, vivement, de coordonner, étroitement, notre action avec eux, de compter sur leurs aides précieuses, et critiquent leurs détracteurs qui osent soupçonner leurs intentions et leur bonne foi. Le rôle de la Tunisie Il est à rappeler qu'au mois de décembre 2014, une délégation de journalistes tunisiens s'est rendue au siège de l'Otan, à Bruxelles, pour s'entretenir avec des généraux et des ambassadeurs qu'on voulait entourer d'anonymat, à l'instar des thèmes débattus. L'objectif officiel de cette invitation c'était l'annonce d'une nouvelle stratégie de communication. Une communication qui devrait rester prisonnière entre les quatre murs de la salle de conférences. L'autre message que ces responsables voulaient transmettre aux membres de la délégation, c'était le « caractère dual, politique et militaire », de l'Otan, en insistant sur le fait que c'est le premier qui l'emporte sur le second. Il était question, entre autres, du « Dialogue méditerranéen », au vu du sommet du Pays de Galles, et « des perspectives de coopération entre la Tunisie et l'Otan. ». Et il est important de savoir, à ce propos, que le partenariat avec les pays du DM, à savoir le Maroc, la Jordanie, l'Egypte, l'Algérie, la Tunisie, la Turquie et Israël, met en place une plateforme d'interopérabilité, et que notre pays joue un rôle actif dans ce cadre. Un rôle qui est renforcé par l'octroi à la Tunisie par les Etats-Unis du statut d'allié majeur non membre de l'Otan. Comme il était question d'accords déclarés et d'autres tacites conclus avec ces partenaires, ce qui a suscité les réactions des journalistes tunisiens qui ont voulu être édifiés sur le caractère occulte de ces accords sans obtenir de réponse. L'autre question qui les a éberlués et qui n'était pas élucidée non plus, c'était celle se rapportant à la formation d'imams par l'organisation atlantique. Au cours des débats organisés avec trois ambassadeurs, on a évoqué le recoupement entre les actions de l'Otan et celles de l'ONU. Là, certains journalistes tunisiens font remarquer qu'il existe entre elles une relation organique et fusionnelle et que la première n'est que l'instrument militaire de l'impérialisme occidental. Une affirmation qui est, catégoriquement, démentie par les ambassadeurs. La Grande Imposture L'argument opposé à cette infirmation, et dont se prévalent nos journalistes, c'est, justement, l'intervention de l'Otan en Libye où elle a parachuté des armes pour les groupes armées. Un éminent responsable de cette « Alliance politico-militaire » a essayé d'expliquer que la décision d'intervenir en Libye était prise d'une manière consensuelle avec les pays voisins dans le cadre du DM. Et c'est bien sûr, comme en Irak, au nom des valeurs fondamentales, à savoir les droits de l'Homme, la démocratie et l'Etat de droit, que l'Otan s'est permis de s'ingérer militairement dans ce pays pour faire chuter le régime en place. C'est au nom de ces valeurs qu'elle a procédé au démantèlement de l'Etat, semé l'anarchie et la terreur, et installé le chaos qu'on connaît, par le parachutage d'armes sur l'ensemble du territoire libyen. Donc, l'invasion actuelle de ce pays s'inscrit dans le même processus ; c'est l'Acte II de la même pièce, celle de la Grande Imposture. Et ce n'est que le sous-titre qui change : cette fois-ci, il n'est plus question de la « lutte contre la dictature », mais de la « lutte contre le terrorisme». Seulement, voilà qu'après que son projet a été mis à nu, l'Otan s'est trouvée obligée de changer de tactique, notamment suite à l'intervention militaire russe en Syrie qui, on le rappelle, est effectuée à la demande du régime syrien. C'est pourquoi l'ONU, l'instrument politique de l'organisation atlantique, se démène pour mettre en place un gouvernement en Libye qui aura pour seule tâche de donner le feu vert à celle-ci pour qu'elle envahisse le pays. Car, est-il possible et logique de constituer un gouvernement consensuel en l'absence totale de l'Etat et dans un espace chaotique où sévissent des milices armées rivales ? Y a-t-il de la place à la politique sur un terrain où on ne connaît que le langage des armes ? En fait, les Atlantistes ne sont pas édifiés seulement par l'exemple russe, mais aussi par celui de l'Irak. Ils gardent toujours en mémoire l'agression américaine contre l'Irak, où le Conseil de Sécurité était instrumentalisée, comme d'habitude, pour légaliser cette opération basée sur le mensonge le plus ignoble que l'humanité n'ait jamais connu et qui a occasionné des dégâts incommensurables à tous les niveaux et des traces indélébiles dont les effets se feront sentir encore longtemps. Alors, convaincus qu'il faut, dorénavant, bien habiller leur mensonge, lui donner une allure d'authenticité et lui trouver un accoutrement acceptable, ils n'osent plus s'aventurer en usant de moyens grossiers et barbares, qui dévoilent au grand jour leurs œuvres de mystification, comme auparavant. C'est-à-dire, tout en conservant le fond, ils décident de bien soigner la forme et sauver ainsi l'apparence. Car c'est tout ce qui importe pour eux. Et c'est conformément à cet impératif qu'ils ont essayé, auparavant, un autre procédé qui aurait pu être payant si leur manège avait bien fonctionné et que leurs calculs ne soient pas tombés dans l'eau. Projet avorté Il s'agit de l'instrumentalisation des journalistes tunisiens, à l'occasion de cette visite du siège de l'Otan, pour préparer l'opinion publique locale à accepter l'invasion de la Libye. Ils ne savaient pas qu'ils allaient se heurter à une réaction scandalisée et indignée. Peut-être bien parce qu'ils étaient habitués à trouver plus de « compréhension » de leur part, à l'époque révolue, où ils étaient plus « coopératifs », à l'image des dirigeants politiques. D'ailleurs, cela expliquerait l'attitude grincheuse de l'un de nos trois ambassadeurs sus-cités qui s'en est pris aux journalistes tunisiens et a menacé de quitter la salle, quand ils lui ont fait savoir que leur intervention militaire en Libye était, vivement, condamnée par la population locale et que leur image était grandement ternie auprès d'elle. Car d'après sa logique, qu'il tient certainement de la longue tradition, ceux-ci ont failli à leur « devoir », consistant à jouer un rôle de propagandistes en faveur de cette organisation, prétendument bienfaisante, qui veille sur l'humanité, à la manière du loup qui garde la bergerie. Vraisemblablement, en plus des raisons que nous avons invoquées plus haut, l'échec de cette tactique d'instrumentalisation des journalistes tunisiens n'est pas de nature à arranger les choses pour les maîtres de l'Otan. Ce qui veut dire que ni la « légalisation » de leur imminente opération militaire en Libye par une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, ni sa « légitimation » par le gouvernement qu'ils vont instituer par le biais de cette dernière, ne sauront fourvoyer l'opinion publique nationale et internationale, ni leur sauver la mise. Et ce n'est, certainement, pas l'image qu'ils veulent marqueter qui va donner un aspect agréable à cette réalité décevante et repoussante, d'autant plus qu'aucun des objectifs annoncés ne s'est vérifié sur le terrain. Ni le prétendu aspect politique, ni le soi-disant changement de stratégie de communication. Bien au contraire, c'est le caractère purement militaire et autoritaire de l'Alliance atlantique ainsi que sa machine de propagande qui sont de plus en plus mis en évidence. On est plus que jamais persuadé qu'elle n'est que l'aile militaire des organisations onusiennes, qui sont au service des puissances occidentales qui commettent leurs forfaits au nom de la « communauté internationale » pour mieux s'en acquitter.