«Ksar», forteresse militaire, fenêtre sur Tunis, bagne jusqu'à la fin du XIXe siècle, la Karraka est un monument central et de première importance pour la ville de La Goulette. Elle fait l'objet d'un projet de restauration dans le cadre d'un partenariat public-privé pour devenir, enfin, un musée de céramique. M. Fethi Bahri, archéologie et directeur à la mission de sauvegarde des sites et des monuments à l'Institut national du patrimoine (INP), nous révèle ses secrets A quelle période remonte la création du fort de La Goulette ? La première mention de La Goulette revient au géographe El Idrissi. C'est le premier qui mentionne le nom de La Goulette et il dit bien «ksar». El Idrissi évoque sa fonction militaire et c'est aussi le premier qui indique la distance séparant le fort de Tunis. A l'époque hafside, le fort a servi de douane seulement, on ne sait pas s'il y avait un point d'embarcation. Toujours, selon la donne littéraire, c'est Hassen Ben Noômane qui a fait appel aux Coptes pour creuser le canal le reliant à Tunis. La Goulette a pris une grande place dans le conflit hispano-ottoman vers 1415, et en 1535, durant la campagne de Charles Quint, le fort de La Goulette est devenu la gouvernance, constituée de quatre bastions dont il n'en reste que deux actuellement. Le fils de Charles Quint, Philippe II, a agrandi la forteresse et c'est lui qui a construit le monument Chikli dans le golfe de Tunis et a édifié la forteresse à Tunis qui se situe à peu près aux alentours du Marché central. En 1574, il y a eu la reconquête ottomane et la destruction de la forteresse. Plus tard, elle fut restaurée par Ali Bacha, puis, il a fallu attendre Hamouda Pacha El Husseïni (1866) qui a entouré la forteresse de deux portes (porte de Tunis et porte de Radès). Au XIXe siècle, il y a eu l'installation des Siciliens avec l'arrivée de Garibaldi. La Goulette avait déjà perdu son rôle militaire mais beaucoup de monuments ont été détruits par les bombardements américains lors de la Seconde Guerre mondiale. Seule, la forteresse (Karaka) y a échappé. A part la mention littéraire, y a-t-il une autre mention ? Il y a la mention archéologique. A l'intérieur de la forteresse, il y a eu de très grandes découvertes. Nous avons trouvé lors des fouilles des chambres qui datent de l'époque de Charles Quint. En 2005 et jusqu'à 2009, on a trouvé des antiquités archéologiques très importantes. A Chikli, on a découvert des zones antiques et romaines. Je peux vous dire que rien n'est déterminé, on hésite entre la période de Charles Quint, mais les architectes de la renaissance évoquent les origines de l'Antiquité en raison de la présence de céramique antique.Ainsi, la forteresse de La Goulette serait-elle antique ? Il est trop tôt pour être catégorique. Quelles sont les nouveautés archéologiques ? Lors des fouilles, nous avons trouvé un foyer de fabrication d'armes que même la littérature ne mentionne pas. Quel est le devenir du monument ? Au mois de décembre 2014, le ministre de la Culture l'a classé dans les projets privés. Il s'agit d'un grand projet pour en faire un musée de la céramique. Maintenant, la forteresse a été cédée à un privé pour en faire un musée de la céramique avec l'approbation et le contrôle de l'Institut national du patrimoine. Il est à noter que 30% de la superficie de la forteresse n'ont pas été fouillées. Quelle est l'importance de ce projet? C'est un projet vital pour la région, avec son introduction dans le circuit touristique et culturel. La forteresse de La Goulette est la 1ère fenêtre pour accéder à Tunis par la mer. Il s'agit, aussi, de réconcilier le Tunisien avec son patrimoine et mettre une vraie politique patrimoniale parce que la promotion touristique ne peut pas se faire sans le patrimoine. L'Etat est gagnant car rares sont ceux qui investissent dans la culture. Quand sera-t-il opérationnel ? Je pense que, d'ici 4 à 5 ans, il sera fonctionnel. Il faut, par ailleurs, déléguer la gestion du patrimoine au niveau des municipalités. Il faut aussi avoir des budgets régionaux pour plus d'autonomie au niveau local.